Entre ruse et tactique, Monfils a éjecté Medvedev du fauteuil de numéro 1 mondial

15 mars 2022 à 17:50:00 | par Mathieu Canac

Premier Français à vaincre un numéro 1 mondial depuis Jo-Wilfried Tsonga face à Novak Djokovic à Toronto en 2014, Gaël Monfils, vainqueur malin (4/6 6/3 6/1) face à Daniil Medvedev, a désormais rendez-vous avec le prodige Carlos Alcaraz en huitième de finale du BNP Paribas Open. Quant au Russe, il perd plus qu’un match. Cette défaite lui enlève le trône de l’ATP, au profit de Novak Djokovic.

 

Le 8 janvier 2009, Daniil Medvedev avait 12 printemps. Il était encore ce gamin au caractère électrique sur le court, prêt à disjoncter au moindre court-jus. "Quand j’avais 14-16 ans, je pouvais m’embrouiller avec les entraîneurs de mes adversaires pendant les matchs, simplement parce que je pensais qu’ils applaudissaient mes doubles fautes ou autre, a-t-il confié en conférence de presse lors de l’US Open 2019. Je hurlais sur eux, ils hurlaient sur moi en retour, et beaucoup disaient alors : ‘OK… Ce gars est complètement taré ! il ne deviendra jamais un bon joueur de tennis." Ce 8 janvier 2009, Gaël Monfils, volant lui sur ses 22 balais, réussissait défenses et coups empreints de sorcellerie pour battre Rafael Nadal en quart de finale du tournoi de Doha. Sa première victoire en carrière face à un numéro 1 mondial. La deuxième est arrivée 13 années plus tard.

Lundi soir, au troisième tour d’Indian Wells, "la Monf'", guillotine en guise de raquette, s’est offert la tête de Medvedev, roi du du classement masculin. Son deuxième succès en 20 tentatives face à un patron de l’ATP en exercice. Une réussite dès son premier essai face à un numéro 1 ne répondant pas au nom de Nadal (1-7 contre l’Espagnol lorsqu’il était n° 1), Federer (0-4) ou Djokovic (0-7). "Oui, c’est une victoire marquante dans ma carrière, mais n’en retenir qu’une serait difficile, a-t-il répondu aux journalistes à l’issue du match. Alors, il l’a rangée aux côtés de celles "contre Rafa (Nadal, à Doha en 2009), évidemment", face à "Roger (Federer) aussi, en Coupe Davis (finale 2014), c’était un grand moment”, devant "Florian Mayer" à sopot en 2005 pour ouvrir son palmarès sur le circuit principal, de son "premier Top 10, Gaston Gaudio à doha en 2005" ou encore de sa "première victoire contre David Nalbandian (à Roland-Garros 2007, à 20 ans)."

S’il s’est “sen[ti] vieux (sourire)” en repensant à ses exploits passés, le natif de Paris, 36 ans en septembre, a dû savourer son exploit face à un Medvedev plus jeune de dix années. Un exploit bâti sur la tactique, frustrant un Moscovite devenu l’ombre de lui-même lors de l’acte final. Tournant souvent autour de son revers pour prendre le jeu à son compte et faire mal avec son coup droit, Monfils a aussi su faire "les changements de rythme aux bons moments pour essayer de le (Daniil Medvedev) déstabiliser." En diminuant “la vitesse de son service pour être plus précis", en proposant "une balle un peu plus molle avec l’utilisation du slice de revers, des petits ‘chipsi", pour forcer Medvedev, qui aime se régaler en contre, "à créer de temps en temps, faire le jeu." Stratagème payant.

"Le service à la cuillère, c'est tactique" - Gaël Monfils

Pas au mieux sur le plan de la gestion des émotions, le surnommé "Danya" s’est agacé à partir de la fin de la seconde manche. Au point d’en fracasser son outil de travail après la perte de son service dès l’entame du dénouement. L’occasion pour Monfils de s’adonner à une facétie, afin, peut-être, d'entrer encore un peu plus dans la tête de son rival du jour, l’un de ses pêchés mignons - "Je suis sournois. Parfois, quand vous ne jouez pas à fond, l’adversaire se relâche",  avait-il par exemple répondu à l’arbitre au premier tour de Wimbledon 2014, alors que celui-ci, le voyant jouer en marchant contre Malek Jaziri, lui demandait s’il avait un souci physique. Après le changement de côté, le Français s’est emparé de sa serviette pour aller déblayer l’endroit où la raquette venait d’être brisée.

"Il restait pas mal de petits débris, a-t-il expliqué. Je ne voulais pas glisser dessus, ou me couper en tombant. C’était marrant à voir pour le public, mais je voulais m’assurer de ne courir aucun risque. Je l’ai fait d’une façon amusante, mais je savais exactement ce que je faisais. (...) Après le premier break du troisième set (à 4/6 6/3 1/0), quand il a cassé sa raquette, j’ai senti un changement. Il était un peu moins dans le match, il se plaignait de son coup droit. Et, bien sûr, ayant cette information, j’ai voulu appuyer là où ça faisait mal. Je lui ai fait jouer plus de coups droits. Puis c’est allé très vite, avec un deuxième break (et un troisième à 4/6 6/3 5/1 pour boucler l‘affaire)." Autre ruse stratégique du Tricolore : son utilisation du service à la cuillère. Un à 4/6, 0/0, 40-40 après avoir écarté une balle de break, et, surtout, un second pour empocher la deuxième manche.

"Il se tient vraiment loin (de sa ligne de fond, au retour), a souligné Monfils. C’est (le service à la cuillère) tactique ! C’est comme une amortie. sur la balle de set, je le touche un peu moins bien mais je mets pas mal d’effet. Il s’est un peu jeté dessus." Éliminé du Masters 1000 californien, Medvedev s’est maintenant fixé le but de se jeter sur une autre occasion : celle de redevenir numéro 1 mondial. Régnant officiellement depuis le 28 février, il devait atteindre les quarts de finale du BNP Paribas Open pour rester devant Novak Djokovic. De quoi jouer sous pression ? "Non, absolument pas, a-t-il répondu. Je pense que ça m’a plutôt donné de la motivation, mais je n’ai pas réussi à produire mon meilleur tennis. Maintenant, j’ai Miami (Masters 1000), où les conditions me conviennent généralement mieux, pour essayer de récupérer la première place mondiale."

"Être numéro 1 mondial, ne serait-ce qu'une semaine, c'est déjà un grand accomplissement" - Daniil Medvedev

"Je dis toujours que je suis vraiment difficile à battre quand je joue mon meilleur tennis, mais la plus compliqué est de maintenir ce niveau à chaque rencontre, a-t-il ajouté. C’est sur ce plan que le Big 3 est irréel. Quelles que soient les conditions, le tournoi, la surface, ils sont toujours incroyables. Je dois encore progresser." En Floride, le futur ex-leader du tennis masculin doit atteindre les demi-finales pour récupérer la couronne. Si Djokovic s’apprête à améliorer son record en débutant, à partir de lundi, sa 362e semaine en tant que numéro 1 mondial, Medvedev va lui voir sa série s’arrêter, pour le moment, à trois unités. Soit l’un des passages au sommet les plus courts de l’histoire avec Carlos Moyà - deux semaines - et Patrick Rafter - une semaine.

"Évidemment, j’ai envie d’être numéro 1 pendant longtemps, et gagner plein de titres du Grand Chelem, a déclaré le plus grand numéro 1 mondial de l’histoire, au sens littéral, du haut de son mètre 98. Je vais faire mon maximum pour y arriver. Et même si je n’y parviens pas, c’est déjà un grand accomplissement d’avoir été numéro 1. C’est mieux de l'avoir été, même une seule semaine, que de ne pas l’avoir été du tout. Aujourd’hui, quand on parle de Rafter et Moyà, on les qualifie toujours d’anciens numéros 1." À 26 ans, Daniil Medvedev a encore de belles années devant lui pour passer plus de temps sur l’Olympe. Et, quoi qu’il arrive, il a déjà donné tort à ceux prédisant qu’il ne serait jamais un bon joueur. Il est devenu le meilleur joueur de la planète.

 

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