Paradoxal. Félix Auger-Aliassime n’a que 21 ans, et pourtant, ce dimanche, beaucoup se sont dit “enfin”. Après huit finales perdues sans gagner le moindre set, le Canadien a remporté son premier titre sur le circuit principal. “C’est un énorme soulagement, a-t-il confié au micro de l’ATP une fois le trophée de l’ATP 500 rotterdamois en poche. J’ai enlevé ce poids de mes épaules. C’était beaucoup d’émotions avec ma famille à la fin du match. C’est fou. J’ai eu des nuits durant lesquelles je ne trouvais pas le sommeil, parce que je pensais à ce (premier) titre, pourquoi je n’arrivais pas à franchir ce cap. Je ne trouvais pas d’explication claire. Cette année, définitivement, je voulais surmonter ça, devenir meilleur dans tous les domaines, plus régulier, plus solide dans ma tête. Aujourd’hui, et cette semaine, je pense l’avoir montré, qui plus est contre certains des meilleurs joueurs du monde.”
Visage juvénile habillé d’un grand sourire et de larmes, “FAA” a pu partager ce moment avec sa mère, présente au stade, et son père contacté par appel-visio. Dans la foulée d’une finale où il a porté le costume de patron. De bout en bout. Sans jamais laisser dépasser le moindre fil, sur lequel son adversaire aurait pu tenter de tirer pour espérer un effilochage. Victoire 6/4 6/2 en 1h18, sans concéder la moindre balle de break à un Stéfanos Tsitsipás, 4e mondial, devant lequel il restait sur cinq revers consécutifs. Un point final à une semaine royale déjà ponctuée de succès probants face à Egor Gerasimov, Andy Murray, Cameron Norrie et Andrey Rublev. Contre le Russe, 7e du classement ATP et champion sortant vaincu 6/7 6/4 6/2 en demi-finale, le Québécois avait perdu ses deux rencontres précédentes.
“J’ai eu des doutes, des peurs par moments” - Félix Auger-Aliassime
Arrivé aux Pays-Bas bourré de confiance après son sacre avec le Canada en ATP Cup, couronné d’un retour dans le top 10, et le niveau inhumain affiché lors de la première partie de son duel épique avec Daniil Medvedev en quart de finale de l’Open d’Australie, Auger-Aliassime a confirmé. Dégageant une sérénité presque troublante, autoritaire à l’échange, imprimant un rythme à faire surchauffer un métronome, il a encore prouvé sa capacité à prendre une nouvelle envergure cette saison. “Être capable de servir aussi bien (7 aces, 93 % de points gagnés derrière sa première balle, 69 % après la seconde) et dominer… C’était un match spécial dont je me souviendrai longtemps, a-t-il expliqué en conférence de presse. C’est un rêve (gagner son premier titre) qui devient réalité.”
“Cette année, je me sens plus mature, a-t-il poursuivi. Je sens que je suis un meilleur joueur. Je pense que je l’ai prouvé aujourd’hui (dimanche), à moi-même et à tout le monde. Je crois que c’est bon signe pour le futur. Je ne vais pas m’arrêter là, je veux continuer à montrer ce que je vaux. J’ai eu des doutes, des peurs par moments, et j’ai stressé. Mais maintenant, on ne me parlera plus de ces finales (perdues). Je vais même pouvoir jouer plus libéré quand il s’agira du dernier match d’un tournoi.” Pour évoluer, progresser et surmonter ses craintes, le natif de Montréal a pu s’appuyer sur sa capacité à se remettre en question. Habitué depuis ses débuts dans le tennis à avancer à pas de géant, le talent précoce avait dû, d’abord, accepter de voir sa foulée se ralentir en se rapprochant des hauteurs de la hiérarchie planétaire.
Puis, en amont de l’US Open 2021, au miroir d’une cinquième défaite de suite face à un Tsitsipás qu’il avait toujours battu avant cette série noire, il avait eu des mots forts. Arguant qu’il lui fallait se regarder en face, il avait constaté que certains talents de sa génération avaient davantage progressé de lui au cours des dernières années. Au point de lui passer devant. La solution alors évoquée ? Travailler. Encore. Toujours. Tout en tentant de trouver les réponses à ses interrogations. “Félix se pose beaucoup de questions, a confié Gilles Simon lors d’une interview accordée à Eurosport fin 2020. Il est jeune, il a battu beaucoup de records de précocité depuis deux, trois ans alors on pense qu’il n’a peur de rien. Mais il a peur de tout. Il est comme tout le monde. Même Federer, Djokovic et Nadal ont peur à un moment ou un autre.”
“J’ai vraiment bien utilisé mon revers” - Félix Auger-Aliassime
“Et pourtant, il est fort Félix, a ajouté le Français aux mollets de coquelet. Mais il se pose plein de questions. Alors je lui dis ‘vas-y, pose-les-toi, et réponds-y.’ Nous, malheureusement, quand on était jeune et qu’on disait ‘j’ai peur’, on nous répondait : ‘T’es un mouilleur, tu n’y arriveras jamais.’ Alors tu ne dis rien. Tu gardes ça en toi. Et si tu ne peux jamais affronter ce problème, tu ne travailles pas dessus et tu seras en décalage constant.” Et le seul décalage sur lequel le gaillard de 1,93 m a toujours préféré compter, c’est celui de coup droit. Pour dicter le jeu avec son point fort, et mettre l’adversaire dans les cordes en imposant sa cadence. Même s’il a fait de nets progrès en revers, notamment sur le plan offensif.
“Je travaille dessus (le revers) depuis un moment, depuis Cincinnati et l’US Open l’an passé (où il a disputé sa première demi-finale en Grand Chelem), a-t-il expliqué devant les journalistes. Pendant l’US Open, je me suis senti plus en confiance. Cette semaine (à Rotterdam), je l’ai vraiment bien utilisé, en étant capable de changer de direction quand il le fallait, aux bons moments. J’ai aussi bien réussi les passing-shots avec.” Après seulement deux mois et demi de compétition, Félix Auger-Aliassime - tout en amassant les points pour le projet #FAAPointsForChange : 410 la semaine passée, 11 355 depuis le lancement en janvier 2020 - a déjà atteint plusieurs cibles. S’installer dans le top 10, et soulever sa première coupe en simple. À Rotterdam, là où, grâce à une invitation en 2018, à 17 printemps, il avait fait ses débuts sur le circuit principal.
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