Il faudrait laisser la science observer son cerveau. Parce que les rouages encéphaliques de Rafael Nadal dépassent l’entendement de nous autres, simples mortels. C’est un être à l’esprit démentiel qui, un pied dans le précipice et le buste déjà engagé vers une chute fatale de cinquante mètres, pense pouvoir encore se tirer d'affaire. Comme si, grâce à la puissance de sa volonté irrationnelle, il pouvait subitement se faire pousser des ailes. Le plus fou dans tout ça, c’est qu’il y arrive. Au-delà des chiffres, des records, c’est ce qu’il va rester de cette entité thaumaturgique du tennis.
De nombreuses fois dans sa carrière autant mythologique qu’anthologique - disons « mythanthologique », pour tenter un néologisme - l’Espagnol a atteint le paradis après être revenu de l’enfer. Comme en finale de l’Open d’Australie 2022, l’exemple marquant le plus récent, où il avait été mené 6-4, 7-6⁵, 3-2, 0-40 sur son service avant de s’imposer, en 5h24, à 35 ans, contre Daniil Medvedev. Des miracles de ce type, il en a accompli un myriade. Pour en citer un autre : retour au Masters 2019. Encore face à Medvedev. Tellement dos au mur que sa colonne vertébrale était devenue ciment (© Youssoupha) - 7-6³, 3-6, 5-1 et balle de match pour le Russe - Nadal avait fini par triompher.
Le seul exemple que je peux essayer de donner : ne pas se croire trop bon, accepter les erreurs, tout le monde en fait, ne pas baisser les bras à cause d'elles.
« Une victoire à ériger en exemple pour les jeunes de son académie ? », lui avait-il alors été demandé en conf’. « Non, l’exemple ne repose pas sur un match donné, mais sur les efforts faits chaque jour, avait-il répondu. S’il y a un exemple à suivre, c’est de ne pas casser de raquette quand vous êtes mené 5-1, savoir garder une attitude positive et le contrôle de soi quand ça ne se passe pas comme on veut. Accepter que l'adversaire est en train de mieux jouer, qu’on n’est peut-être pas aussi bon qu’on le pense. Parce que, parfois, la frustration naît quand on se croit trop bon, qu’on n’accepte pas ses erreurs, mais il ne faut pas baisser les bras à cause d’elle. C'est le seul exemple que je peux essayer de donner : ne pas se croire trop bon, accepter les erreurs, tout le monde en fait, ne pas baisser les bras à cause d'elles. »
Des paroles faisant échos à celles prononcées mardi soir, lors de la cérémonie organisé pour ses adieux à sa carrière de joueur professionnel. Interrogé sur la façon dont il aimerait rester dans les mémoires, Rafael Nadal, les yeux débordant d’émotion, a eu ces mots : « Les gens parlent des titres, des chiffres, mais j’aimerais qu’on se souvienne de moi avant tout comme d’une bonne personne ; un enfant qui a poursuivi ses rêves. » Et qui a fait rêver tous les amoureux du tennis.