Alcaraz, Djokovic : après les paroles, l’heure du choc a, enfin, sonné

Quand deux rocs se frottent l’un à l’autre, ça peut créer des étincelles. Mais Carlos Alcaraz et Novak Djokovic sont plus que ça. Actuellement, à Roland-Garros, en l’absence de Rafael Nadal, c’est essentiellement sur eux que repose le monde du tennis. Comme s’ils en étaient les deux grandes plaques tectoniques. Et quand deux plaques tectoniques se percutent, le choc engendre séismes, éruptions volcaniques, raz de marée et création de montagnes. Tout ce que les amoureux de sport espèrent voir vendredi, au sens figuré, pour le choc entre l’Espagnol de 20 printemps et le Serbe de 36 balais en demi-finale du Majeur parisien.

Alors que les deux hommes se défient pour la deuxième fois, leur première rencontre peut laisser espérer un nouveau chef-d’œuvre. L’an passé, en demi-finale du Masters 1000 de Madrid, Alcaraz, déjà tombeur de Nadal au tour précédent, était venu à bout de Djokovic pour devenir le premier joueur à battre ce monstre à deux têtes au cours d’un tournoi sur terre battue. Victoire 6-7⁵, 7-5, 7-6⁵ après une joute de 3h36 jalonnée d’une myriade d’échanges venus d’un autre monde. Depuis, s’ils ne se sont plus croisés, ils ont eu maintes fois l’occasion de parler l’un de l’autre aux détours de questions en conférences de presse.

“Novak est le favori. Tant qu’il jouera, il le sera.” - Carlos Alcaraz

Au milieu des fleurs, légitimes, qu’ils se sont envoyés par bouquets, ils en ont profité pour s’adresser des messages. “Alcaraz a clairement le profil d’un gars ayant vocation à dominer dans les années à venir, et je pense que c’est bien de voir de nouvelles têtes, a déclaré Djokovic pour Eurosport en novembre. Mais je ne vais pas abandonner. Je vais m'assurer de leur botter les fesses (à la nouvelle génération) aussi longtemps que possible (rires).” En février, après son sacre à l’Open d’Australie pour égaler les 22 titres du Grand Chelem de Nadal, le Belgradois a accordé une interview à The National. “J’ai la conviction que, lorsque je suis prêt, à 100 %, je suis le meilleur, a-t-il déclaré. Contre n’importe qui et sur n’importe quelle surface. Je ne vois rien de mal, d’arrogant ou de prétentieux là-dedans.”

Interrogé à ce sujet lors du Masters 1000 de Miami fin mars, Alcaraz est allé dans le sens de son aîné. En y apportant une nuance : “Oui, je suis d’accord avec lui, quand il est à 100 %, il est probablement l’un des meilleurs ou le meilleur du monde.” Sans oublier de faire passer un message. “Comme je l’ai déjà dit, j’ai très envie de jouer contre un Novak à 100 %, s’est-il exprimé. Et je suis sûr que je prendrais beaucoup de plaisir.” Un mois et demi plus tard, à Rome, les surnommés “Nole” et “Carlitos” se sont retrouvés engagés dans un même tableau pour la première fois de l’année. Et chacun avait présenté l’autre comme le favori du tournoi.

Respectivement éliminés par Fábián Marozsán au deuxième tour et Holger Rune en quart de finale, Carlos Alcaraz et Novak Djokovic n’ont pu croiser le fer dans la capitale italienne. Aucune confrontation directe récente n’a donc permis de dégager un favori numéro 1 pour Roland-Garros. Et leurs déclarations respectives n’ont pas aidé, chacun ayant choisi de mettre la pression sur l’autre. “Novak est le favori (de leur demi-finale de Roland-Garros), a affirmé le natif d’El Palmar aux journalistes espagnols avant le choc. Tant qu’il jouera, il sera le favori. Il a gagné deux titres (à Roland-Garros), et il en aurait encore plus s’il n’avait pas eu à affronter le meilleur joueur de terre battue de tous les temps (Rafael Nadal).”

“Si on regarde les résultats des derniers mois, il (Carlos Alcaraz) est le grand favori.” - Novak Djokovic

“Il (Carlos Alcaraz) est numéro 1 mondial, a quant à lui rappelé "Djoko" lors du Media Day avant le début du tableau principal sur l’ocre de la porte d’Auteuil. Il a remporté des tournois importants sur terre battue cette saison (Madrid, Barcelone). Ça fait de lui le grand favori, même s'il a gagné un tournoi du Grand Chelem et moi 22. Mais si on regarde les résultats des derniers mois, la forme dans laquelle il est par rapport à la mienne (aucun titre sur terre battue pour Djokovic en 2023), il est davantage favori que moi.” Après sa victoire contre Karen Khachanov en quart de finale, le Serbe n’a pas changé son fusil d’épaule.

“Il (Carlos Alcaraz) met beaucoup d’intensité quand il joue, a-t-il analysé. Il me rappelle un certain joueur de son pays, un gaucher (sourire). C’est le match que tout le monde veut voir. Si vous voulez être le meilleur, il faut battre les meilleurs. Et il est clairement le gars à battre ici. J’ai hâte d’y être.” Même son de cloche de la part d’Alcaraz, à la note près. “C’est le match que tout le monde veut voir, a lui aussi déclaré le protégé de Juan Carlos Ferrero lors de l’interview sur le court après son succès contre Tsitsipás. J’avais vraiment envie d’arriver jusqu’à cette rencontre (contre Djokovic). Si vous voulez être le meilleur, il faut battre les meilleurs.” De quoi se signifier, l’un à l’autre, qu’à leur entrée sur le court Philippe-Chatrier vendredi, ils seront prêts à soulever des montagnes.