Félix Auger-Aliassime n’est pas homme à céder à la panique. En cas d’annonce de confinement strict, il ne serait pas du genre à quitter le supermarché du coin avec un caddie rempli, plus haut que le bord, d’une ribambelle de packs de papier toilette et d’une kyrielle de paquets de pâtes. Alors que, de l’extérieur, on pouvait le penser en pleine traversée d’une légère crise après ses éliminations d’entrée à Indian Wells, Miami et Monte-Carlo entrecoupées d’un deuxième tour à Marrakech, le Canadien ne s’est pas affolé. Tête froide, s’évertuant à ne pas s’enflammer lors de victoires marquantes, il sait aussi relativiser et trouver du positif lors des périodes plus compliquées.
C’est l’une des forces qui lui ont permis de très vite remettre son tennis à l’endroit. S’appuyant aussi sur son début de saison éblouissant - sacre en ATP Cup avec le Canada, quart de finale de l’Open d’Australie, premier titre en gagnant à Rotterdam -, il a pu rester sûr de ses capacités sans jamais sombrer dans les affres du doute. Résultat, à Madrid, il a écrabouillé Cristian Garín - 6/3 6/0 -, avant de ne faire qu’une bouchée de Jannik Sinner. Si ce dernier n’est pas apparu sous son meilleur jour, c’est aussi parce qu’il a été étouffé par la qualité de jeu de “FAA”. “J’ai vraiment bien joué, et lui a raté un peu plus de coups que d’habitude, a analysé le Québécois après ce premier duel avec l’Italien. C’est ce qui a créé cette grande différence, je pense.”
“C’est bon pour ma confiance en vue de Roland-Garros”
Stoppé en quart de finale par un Alexander Zverev déclarant alors avoir “probablement joué le meilleur match de ces derniers mois” après s’être imposé 6/3 7/5, le natif de Montréal, moins tranchant que les jours précédents, a repris sa marche en avant dès la semaine suivante. Lors de son entrée en lice sur la terre battue de Rome, il est venu à bout d’Alejandro Davidovich Fokina, finaliste à Monte-Carlo fin avril, 4/6 7/6 6/2 après une empoignade de 3h02. “C’est une grande victoire, a-t-il déclaré en conférence de presse. Être capable de tenir trois heures sur terre battue, c’est bon pour ma confiance. Très encourageant en vue de Roland-Garros.”
“Je me sens bien physiquement, a-t-il ajouté. Je me suis battu contre l’un des meilleurs jeunes joueurs de terre battue que le tennis peut compter actuellement. Il ne joue pas à ce niveau par accident. Il joue vraiment bien de façon régulière, c’est une super victoire pour moi.” Montant en puissance, l’actuel 9e du classement ATP a ensuite roulé sur Marcos Giron avant de livrer un match plein contre Novak Djokovic en quart de finale, le quatrième de sa carrière en Masters 1000. Bien que vaincu 7/5 /76 après avoir ferraillé pendant 2h09, il a pu sortir du court tête haute. Très haute. Devant le numéro 1 mondial, il a produit un tennis proche du niveau ahurissant démontré en Australie lors de son quart de finale dantesque avec Daniil Medvedev.
“Félix m’a poussé à élever mon niveau” - Novak Djokovic
“Je pense que c’était du tennis de haut niveau, a d’ailleurs commenté Djokovic. Je connais bien Félix, il est sur le circuit depuis quelques années maintenant, mais nous n’avions jamais eu la chance de nous affronter. C’est une chose de s’entraîner avec quelqu’un, mais c’en est une autre de se rencontrer en match officiel. Il a un service létal, j’ai eu beaucoup de mal à le relancer. Il touche toutes les zones incroyablement bien avec ce coup. Il retourne bien, aussi, et bouge bien. C’est un joueur vraiment très complet. Il m’a poussé à élever mon niveau.” Par ces performances récentes, le prodige de 21 ans - qui s’est au passage approché de la barre des 13000 points gagnés pour le projet #FAAPointsForChange -, a prouvé sa capacité à chahuter les meilleurs du monde sur terre battue. Aussi bien aux observateurs du tennis qu’à lui-même.
S’il a atteint la finale de Roland-Garros juniors en 2016, à 15 printemps, et a soulevé deux trophées Challenger sur ocre avant ses 18 ans, cette surface ne lui avait jusqu’ici que moyennement réussi sur le circuit principal. Bien que finaliste à Rio et Lyon en 2019, il affichait un bilan de 21 victoires pour 23 défaites sur brique pilée après Monte-Carlo. Grâce à ses quatre quarts de finale consécutif - Barcelone, Estoril, Madrid, Rome - il a fait pencher la balance dans le positif : 28 succès, 27 revers. Surtout, la qualité de jeu affichée lui permet d’arriver en confiance à Roland-Garros pour pouvoir, enfin, y franchir le premier tour dans le tableau principal, après un forfait en 2019 et deux défaites d’entrée en 2020 et 2021. Alors qu’il reste sur deux quarts de finale et une demie en Grand Chelem, Félix Auger-Aliassime pourrait bien, cette fois, semer un vent de panique dans l’esprit de ses futurs adversaires à Paris.
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