En milieu de semaine dernière, le New York Times a publié une interview de Roger Federer, réalisée par l’excellent Christopher Clarey. A l’occasion de cet entretien, celui qui n’est plus joueur de tennis professionnel depuis un peu plus d’une semaine a répondu à la question « Comment vous sentez-vous maintenant que c’est vraiment terminé ? », par la réponse suivante : « J’ai perdu mon dernier match en simple. J’ai perdu mon dernier match en double. J’ai perdu ma voix en supportant et en encourageant mon équipe. J’ai perdu mon dernier match par équipe. J’ai perdu mon job, mais je suis très content. » Mouais.
Pardonnez-moi de douter de la réponse Roger Federer, mais un champion de son calibre, aura, charisme, refus de la défaite et addiction à la victoire, qui entame sa réponse en répétant cinq fois le mot perdu - qui au passage est sans doute l'un des mots qu’il déteste le plus - dénote une certaine amertume.
Ce serait bien d’avoir un ou plusieurs matches d’adieu.
Un peu plus loin dans l’entretien, il a prononcé les phrases suivantes : « Je pense que ce serait magnifique d’organiser un match d’adieu et de remercier les fans, car la Laver Cup affichait déjà complet avant l’annonce de ma retraite. Beaucoup de gens auraient aimé avoir plus de billets mais n’ont pas pu, alors je pense que ce serait bien d’avoir un ou plusieurs matches d’adieu. » Hmmmmm.
Je ne sais pas vous, mais pour moi, tout cela est très clair. Presque tout au long de sa carrière, Roger Federer a pu tout contrôler à merveille. Une sortie médiatique, un tweet, un like, très peu de chose étaient laissées à l’improvisation. Du coup, lorsque sa sortie est « manquée » d’un point de vue sportif, c’est compliqué à accepter.
Roger Federer ne s’est jamais caché pour dire que son idole en grandissant était Pete Sampras. D’ailleurs, à l’occasion d’une exhibition entre les deux, disputée au Madison Square Garden en 2008, Federer avait dit : « C’était comme un rêve devenu réalité que de pouvoir jouer contre mon héros de jeunesse. » On imagine que le Suisse aurait aimé avoir une sortie comme celle du Washingtonien, avec comme dernier résultat une victoire en finale de l’US Open face à Andre Agassi, dans un match qui restera comme un des plus beaux de l’histoire. A la différence près que Rodge aurait sans doute choisi le Center Court de Wimbledon pour sa révérence triomphale.
Des petits garçons privés de dessert.
En attendant, il doit se contenter d’une défaite, qui plus est en double face à Frances Tiafoe et Jack Sock. Je n’ai rien contre ces deux joueurs. Tiafoe est d’ailleurs un joueur que j’aime regarder jouer, mais ce n’est pas Andre Agassi. Et ça, Roger Federer le sait très bien.
La suite, on la connaît. C’était fort, émouvant, poignant, triste, tout ce que vous voulez. L’image de Federer et Nadal qui se tiennent la main, en pleurant comme des petits garçons privés de dessert, a bien évidemment fait le tour de la planète un nombre incalculable de fois. Mais visiblement, le Suisse n’est pas rassasié. Bien sûr qu’il ironise avec sa réponse, mais tout de même, on sent bien qu’a posteriori, le scénario ne lui convient pas. A tel point qu’il évoque déjà « un match d’adieu ». Un peu comme si ce n’était, en fait, pas le cas à Londres le 23 septembre dernier.
Dans le cas où le Suisse pense effectivement cela, je ne pourrais être plus d’accord. Je voudrais que la dernière image de Roger Federer sur un court de tennis soit celle du GOAT les bras levés, symbolisant le V de la victoire. Peu importe finalement qu’il s’agisse d’un match pour l'issue duquel les acteurs, dans le vestiaire, se seraient mis d’accord. L’essentiel est que Federer gagne. L’immense champion qu’il est mérite de gagner le dernier point de sa vie.
Et en plus, on pourra le revoir jouer une fois de plus …
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