L’énergie brute
Le 15 novembre 2009, la salle de Bercy est, comme elle en a l’habitude, électrique. Monfils affronte Djokovic en finale du BNP Paribas Masters (le nom du Rolex Paris Masters à l’époque). Dès les premiers échanges, quelque chose vibre différemment. La moquette bleue semble trembler sous les appuis, le son roule comme une houle. Chaque point gagné par le Français déclenche une onde, un cri collectif, une clameur qui emplit l’air jusqu’au plafond. Le tennis, ici, n’est plus un sport feutré : c’est une expérience physique. Pour la petite histoire, « La Monf », malgré un beau combat en trois sets, sera loin de gagner le dernier point, ramenant l’ambiance électrique à celle d’un bus scolaire un lundi matin. Mais cela uniquement en raison de la domination du Serbe, et non d’un désengagement du public.
Djokovic en sourira plus tard : « À Bercy, on ne joue pas seulement contre un joueur, on joue contre une énergie. » Monfils, lui, dira simplement : « Quand le public s’enflamme ici, tu n’as plus besoin d’air, tu respires l’ambiance. ». Ces mots résument ce que tant de grands champions ont ressenti dans cette salle : une forme de communion, parfois excessive, toujours sincère.
L’architecture géométrique, les tribunes resserrées, la réverbération des voix, tout ici crée une proximité rare. On n’assiste pas à un match, on y participe. Les sifflets, les chants, les silences lourds avant une balle de match : tout fait partie du spectacle. Ce bouillonnement est devenu au fil des éditions une signature du tournoi, un langage collectif que les joueurs étrangers apprennent à comprendre, parfois à apprivoiser (vraiment pas souvent). D’ailleurs, le juge-arbitre du tournoi pourra confirmer qu’il a reçu un nombre improbable de joueurs dans son bureau, venant se plaindre du public suite à une défaite face à un ou des Français.
En 2025, le tournoi change de décor, mais pas de nature. Il transporte ailleurs cette énergie singulière, ce lien entre la foule et le jeu qui a fait son identité. Pour comprendre comment une telle force a pu naître dans une salle parisienne, il faut revenir à son origine, à savoir 1986, quand Bercy est devenu bien plus qu’un simple tournoi indoor.
Naissance d’un volcan
Quand l’Open de Paris-Bercy voit le jour en 1986, il n’a encore rien du géant qu’il deviendra. La Fédération Française de Tennis veut alors installer un grand tournoi indoor dans la capitale. L’idée est simple : compléter Roland-Garros par un rendez-vous d’automne, rapide, urbain, bruyant. À l’opposé de la lenteur ocre de la terre battue, on veut de la vitesse, de la lumière artificielle, du son : bref de « l’entertainment » !
Le choix du Palais Omnisports de Paris-Bercy n’est pas anodin. Inauguré deux ans plus tôt, le lieu respire la modernité : architecture géométrique, gradins serrés, acoustique brute. Un théâtre parfait pour un tennis qui cherche à se rapprocher du spectacle. Henri Leconte le résumera plus tard : « On avait envie d’un tournoi qui fasse du bruit, à l’image des Français. » Ce bruit, c’est celui d’un sport qui s’ouvre, d’un public qui s’autorise à vivre le match autrement.
Les premières éditions installent ce ton. Guy Forget s’en souvient : « Jouer à Bercy, c’était comme jouer dans un chaudron. » L’Open de Paris-Bercy devient vite un passage obligé pour les Français, un test de caractère autant que de niveau. Ici, la pression du public ne se subit pas, elle s’apprivoise.
Cette intensité forge aussi des moments de tension. En 1996, Cédric Pioline, l’actuel directeur du Rolex Paris Masters, battu prématurément, quitte le court sous les sifflets. Épuisé en raison d’une saison très longue et frustré par un match pourri face à Kafelnikov, il adresse un bras d’honneur en direction des tribunes. Geste bref, devenu symbole d’un rapport passionnel : à Bercy, le public vit le match avec les joueurs, parfois jusqu’à la rupture. Ce n’est pas de l’hostilité, c’est une forme de dialogue à haute tension. Ou finalement, dans les mots (ou presque) d’Edouard Baer : Ce n’est que d’l’amour !
Ce tournoi, né du bruit et de la proximité, ne tardera pas à dépasser son statut d’événement fédéral. Au fil des années, il changera de nom, deviendra le BNP Paribas Masters, puis le Rolex Paris Masters, mais son ADN restera le même : un tournoi né du public, nourri par lui, et devenu le miroir vivant du tennis français. C’est cette métamorphose que raconte la suite de son histoire.
Un autre public, une autre France
L’Open de Paris-Bercy, puis le BNP Paribas Masters, n’a jamais été un Roland-Garros d’intérieur. C’est un autre monde, pour un autre public. Ici, on ne vient pas pour passer la journée, mais pour vivre quelques heures d’intensité, boire des coups, faire des réunions de travail et évacuer de la frustration en encourageant un joueur, tout en huant un autre. Les matchs vont vite, la lumière est crue, la musique précède les joueurs. On y consomme le tennis comme un spectacle moderne, dense, rythmé.
La différence se voit d’abord dans les tribunes. À Roland-Garros, la tradition domine : public familial, billets rares, places chères, rituels d’avant-match. À Bercy, tout est plus direct. On peut encore trouver un siège à la dernière minute, venir après le boulot, profiter d’une session de soirée. Le tennis y devient urbain, presque nocturne. Ce format attire une génération différente : des jeunes, des groupes d’amis, des curieux venus chercher de l’émotion plus que du prestige. Et tous ne sont même pas forcément des joueurs de tennis.
Cette accessibilité a façonné un lien particulier entre la salle et ses spectateurs. Le public n’est pas un décor, il fait partie du jeu. Il se manifeste vite, fort, parfois à contretemps. Les étrangers sont surpris/déstabilisés (souvenez-vous de la défaite de Carlos Alcaraz face à Hugo Gaston !), les Français galvanisés.
À Bercy, on encourage, on siffle, on chante. L’ambiance se rapproche plus d’un concert que d’un tournoi classique. C’est une culture du direct et de l’instantané. Les organisateurs ont compris très tôt cette attente. Sessions de nuit, musiques, écrans géants, animations entre les points : Bercy a inventé avant l’heure le tennis-spectacle que l’ATP cherchera ensuite à codifier. Un modèle d’événement hybride, entre sport et scène, capable de séduire des publics nouveaux sans trahir l’esprit du jeu.
Guy Forget, ancien joueur, puis directeur du tournoi, l’expliquait ainsi :
« Ce qui m’a toujours frappé à Bercy, c’est l’intensité de la salle. Quand je suis devenu directeur, je ne voulais surtout pas la dompter, mais l’accompagner. Le public ici est exigeant, passionné, parfois imprévisible, mais il est sincère. On a voulu moderniser le tournoi sans le rendre aseptisé. Bercy, c’est un lieu de vie, pas un salon. Les gens viennent après leur journée de travail, ils veulent vibrer. Notre rôle, c’était de leur offrir cette émotion, mais avec la qualité d’un grand événement mondial. »
Ce regard résume l’esprit du lieu : une salle populaire devenue vitrine internationale, un tournoi qui a su évoluer sans renier sa chaleur. C’est précisément cette transformation - du chaudron au show - qui va marquer la décennie suivante.
L’arène devenue scène
Sous la direction de Guy Forget, le BNP Paribas Masters entre dans une nouvelle ère. L’objectif n’est plus seulement d’accueillir un grand tournoi, mais d’en faire une expérience complète. L’éclairage se concentre sur le court, la musique s’installe aux changements de côtés, les écrans diffusent des séquences dynamiques. Peu à peu, Bercy devient une scène. Le tennis s’y joue comme un spectacle pensé pour le rythme et l’émotion.
Forget l’assume pleinement : « On voulait que le public ressente quelque chose de fort du premier au dernier point. Le tennis changeait, la manière de le regarder aussi. Il fallait accompagner ce mouvement. » Sous son impulsion, le tournoi s’ouvre à de nouvelles idées : un DJ pour animer les temps morts, des jeux de lumière pour magnifier les entrées des joueurs, un speaker qui guide la foule… Cette évolution transforme la perception du tournoi. Les soirées de novembre deviennent des événements à part entière. Les spectateurs viennent autant pour l’ambiance que pour le résultat. Les caméras captent un public debout, les joueurs se laissent porter. Tsonga, Monfils, Safin ou Djokovic y trouvent un terrain propice à l’expression : un tennis plus physique, plus spectaculaire, plus lisible pour la télévision.
Les coulisses se professionnalisent aussi. Les techniciens travaillent comme sur un plateau de concert. L’éclairage est calibré au millimètre, la musique synchronisée avec les transitions. Le tournoi devient un modèle pour l’ATP, qui y voit une vitrine de ce que peut être le tennis du futur : un sport capable d’allier exigence et mise en scène sans trahir son essence.
Cette mutation ne trahit pas l’esprit de Bercy. Elle le prolonge. Ce bruit qui faisait vibrer les murs se transforme en énergie maîtrisée, amplifiée, transmise. Ce n’est plus seulement un tournoi ; c’est un format, une signature. Et c’est fort de cette identité assumée que le Rolex Paris Masters s’apprête à entrer dans une nouvelle dimension, celle d’un tournoi global, moderne, toujours fidèle à ce qui l’a fait naître : l’émotion.
Les années bleues
Depuis 1986, Bercy a toujours eu un rapport viscéral avec les joueurs français. L’Open de Paris-Bercy, puis le BNP Paribas Masters, et aujourd’hui le Rolex Paris Masters, n’a jamais été un tournoi comme les autres pour eux. Ce n’est pas seulement une étape du calendrier : c’est une salle qui leur parle, un public qui les pousse, un espace où le tennis devient émotion collective.
En 1991, Guy Forget transforme Bercy en arène nationale. Quelques mois après la victoire en Coupe Davis, il domine Pete Sampras en finale. La Marseillaise s’élève sans protocole, la foule debout crie son nom. Ce jour-là, Bercy découvre sa vocation : être le prolongement du cœur français du tennis.
« Ce jour-là, j’ai compris que Bercy avait quelque chose d’unique. Le public ne te regarde pas, il te porte. Tu sens l’énergie remonter du sol. On ne joue pas à Bercy, on vit Bercy. Quand j’ai gagné, j’ai eu le sentiment d’avoir partagé quelque chose avec dix mille personnes. C’est une émotion qui dépasse le sport. »
Dix ans plus tard, en 2001, Sébastien Grosjean rallume la flamme. Le Marseillais traverse la semaine comme un coureur de fond, battant notamment Haas en demie, puis Kafelnikov en finale. Joueur discret, travailleur méticuleux, il incarne cette génération sobre mais solide. Le public parisien tombe, paradoxalement, sous le charme du Marseillais. Le contraste entre la retenue de ce dernier et la fièvre de la salle crée une alchimie rare.
« C’était une semaine à part. On sentait une vraie connexion avec le public. J’ai joué chaque match avec l’impression qu’il y avait quelqu’un derrière moi, physiquement. À Bercy, tu entends tout, tu ressens tout. Ce n’est pas un tournoi comme les autres, c’est une salle qui te pousse. Quand j’ai gagné, j’ai eu le sentiment d’avoir partagé quelque chose, pas seulement d’avoir remporté un titre. »
En 2008, Jo-Wilfried Tsonga fait exploser la salle et signe l’un des parcours les plus marquants de l’histoire du tournoi. Il écarte successivement Djokovic, Roddick, Blake puis Nalbandian en finale : trois membres du Top 10 (et le n°11, James Blake ) en une semaine. À chaque tour, la salle monte d’un cran, pour terminer en apothéose, avec le titre de celui qui n’est alors encore qu’un espoir français : « Big Jo ».
« Je n’avais jamais ressenti ça ailleurs. À Bercy, tu joues chez toi, mais c’est plus que ça : tu joues avec eux. Chaque point gagné, c’est comme un but. Il y a une forme d’amour brut qui t’envahit. Ce titre-là, c’est celui où j’ai eu le plus l’impression de rendre quelque chose au public. »
Trois ans plus tard, en 2011, Tsonga revient en finale, battu cette fois par Roger Federer, mais la salle reste acquise à sa cause. Le public n’a pas changé : il veut vibrer, pas simplement applaudir.
Entre ces deux éditions marquées par « Jo », Gaël Monfils a lui aussi marqué l’histoire de Bercy. Finaliste en 2009 et 2010, il incarne ce lien unique entre la France et sa salle. Ses glissades, ses relances improbables, ses regards vers le public ont transformé chaque match en spectacle total.
« Bercy, c’est chez moi. J’ai grandi à Paris dans le 12e, j’y ai vu mes premiers grands matches. Jouer deux finales ici, c’est spécial. Le public me comprend. Il réagit à chaque point comme moi, avec le cœur. À Bercy, tu ne calcules pas, tu vis. »
Et puis, il y a Ugo Humbert, dernier maillon de cette lignée. En 2024, il atteint la finale du Rolex Paris Masters, battu par Alexander Zverev. Mais sa semaine réveille un sentiment oublié. Chaque victoire déclenche une vague de soutien, chaque cri renoue avec la tradition.
« J’ai grandi en regardant Bercy à la télé. Y jouer une finale, c’est autre chose. On comprend alors pourquoi tout le monde en parle comme d’une expérience unique. »
Au-delà des victoires, le calendrier de Bercy lui-même en a fait un lieu à part. Placé en toute fin de saison, il est souvent devenu la dernière scène, le dernier souffle, pour ceux qui bouclent leur carrière.
Gilles Simon, en 2022, y fait ses adieux dans une ambiance de feu. Vainqueur, s’il vous plaît, d’Andy Murray, puis de Taylor Fritz, il s’incline face à Felix Auger-Aliassime, mais quitte le court sous une ovation interminable et après un discours délicieux, dont « Prof » a le secret.
« Je n’aurais pas pu rêver mieux. Finir ici, c’était logique. Ce tournoi m’a souvent frustré, mais il m’a toujours donné de l’énergie. Ce soir-là, j’ai compris pourquoi on parle de Bercy avec autant d’émotion. Ce n’est pas une salle, c’est une mémoire. »
Avant lui, Cédric Pioline (en double), Fabrice Santoro (c’était son avant-dernier match) y avaient eux aussi tourné la page, dans ce même mélange de bruit et de tendresse.
Et la tradition va se poursuivre. Le déménagement du tournoi à La Défense ne la rompra pas : Nicolas Mahut y disputera ses derniers matchs, fidèle à cette coutume française de dire au revoir à Bercy - ou désormais à son héritier -, là où tout a toujours été plus fort, plus proche, plus humain. Et peut-être que Gaël Monfils en fera de même en fin d’année prochaine… s’il tient.
Le Big 4 à Bercy
À mesure que Bercy grandit, le « Big 4 » s’y installe.
Mais pas de la même manière. Si tous y ont laissé leur empreinte, Novak Djokovic y a toujours été comme chez lui, tandis qu’Andy Murray et Roger Federer y faisaient, eux aussi, figure d’habitués, mais avec des parcours plus « modestes ». Rafael Nadal, lui, y a souvent fait l’impasse, préférant préserver son corps avant le Masters de fin d’année. Et on a d’ailleurs bien vu que ça lui aura été d’une grande utilité…
Entre 2005 et 2023, Djokovic a disputé le tournoi 17 fois (pour 7 titres et 2 finales perdues), tandis que Murray et Federer s’y sont alignés 13 fois (1 titre chacun). À l’inverse, Nadal a participé à neuf éditions (pour 1 finale et 3 demi-finales disputées).
Ces chiffres traduisent déjà une vérité : Bercy est un tournoi pour les infatigables, ceux qui savent encore trouver du feu en novembre.
Novak Djokovic en est le maître incontesté avec sept titres – 2009, 2013, 2014, 2015, 2019, 2021, 2023 –, et deux finales perdues (2018, 2022). Même dans la défaite, il y laisse une empreinte.
À Bercy, le Serbe a tout connu : la jeunesse triomphante, les come-back physiques, les soirs de fatigue, les triomphes presque cliniques. Et même les entrées sur le court le visage masqué, pour le clin d’oeil « Halloween » !
« J’aime l’atmosphère de Bercy. Il y a toujours de l’énergie dans la salle. Le public est passionné, parfois bruyant, mais c’est une bonne chose. Cette énergie me stimule. Les conditions sont rapides, la balle gicle, et quand tu entres dans le rythme, tout devient fluide. »
Cette longévité fait de lui une part du décor. Bercy a grandi avec Djokovic et Djokovic s’est nourri de la salle, d’abord chahuté, puis adopté, jusqu’à devenir son joueur le plus marquant.
Roger Federer, lui, y a longtemps buté avant de triompher en 2011. Une victoire tardive mais symbolique : élégante, limpide, presque pédagogique.
« J’avais souvent été proche ici, mais cette semaine-là, tout s’est aligné. Le public de Bercy comprend le jeu. Ce titre a une saveur spéciale, parce qu’il vient d’un tournoi à part, plus brut, plus direct que les autres. »
Ce succès parachève une saison parfaite et complète sa collection de Masters 1000. Federer, à sa manière, a dompté Bercy sans le brusquer, en imposant le calme dans le tumulte.
Andy Murray, en 2016, vit à Paris l’une des semaines les plus folles de sa carrière. Le forfait de Raonic en demi-finale lui assure, avant même la finale, la place de numéro 1 mondial pour la première fois. Le lendemain, il bat John Isner et conclut la saison au sommet.
« C’était fou. On m’annonce que je suis numéro 1, puis je dois encore jouer une finale. Je n’avais presque plus d’énergie, mais le public m’a tenu debout. Gagner à Paris, dans cette salle, c’était irréel. »
Pour Murray, Bercy restera le symbole d’un accomplissement tardif, celui d’un joueur qui a gravi la montagne pierre par pierre avant d’en atteindre enfin le sommet, malgré des embûches comme Federer, Nadal et Djokovic.
Et puis, il y a Rafael Nadal, l’exception. Finaliste en 2007, demi-finaliste à plusieurs reprises, il n’a jamais conquis Bercy, l’un des rares grands titres qui lui a échappé avec Miami et le Masters.
« Paris m’a tout donné à Roland-Garros, mais Bercy m’a toujours résisté. À Roland, tout respire avec moi. À Bercy, tout va plus vite. C’est un tournoi spécial, difficile, mais beau. »
Le paradoxe est saisissant : à Roland-Garros, Nadal règne sans partage ; à Bercy, la même ville lui oppose une autre nature, plus nerveuse, moins prévisible.
Deux Paris, deux vérités. L’un, dans la lumière ocre de mai, couronne la patience et la constance. L’autre, dans la tension électrique de novembre, récompense la vitesse et l’adaptation.
Et c’est sans doute là que réside l’âme du Rolex Paris Masters : un tournoi qui ne se laisse pas dompter, même par les plus grands.
Dans cette même ville, deux mondes coexistent : l’ouest célèbre la maîtrise, l’est la tension. Entre les deux, Bercy a trouvé son identité, celle d’un tournoi imprévisible, vibrant, profondément vivant.
Après avoir vu passer toutes les générations, couronné les plus grands et révélé les prochains, Bercy a terminé son cycle. Le Rolex Paris Masters s’apprête désormais à écrire la suite de son histoire dans un nouvel espace, plus vaste, plus moderne, mais fidèle à cette même énergie : celle d’un tournoi qui ne cesse d’évoluer sans jamais se renier.
Le déménagement : nécessité et ambition
Après près de quarante ans à Bercy, le Rolex Paris Masters s’apprête à changer de décor. Une décision mûrie, assumée, et portée par la conviction qu’un tournoi de cette envergure ne pouvait plus rester figé dans son format historique.
C’est Paris La Défense Arena qui accueillera désormais l’événement, offrant plus d’espace, une meilleure acoustique, des installations techniques de pointe et une capacité d’accueil presque doublée.
Pour la FFT, ce déménagement n’est pas une rupture, mais une évolution naturelle.
Gilles Moretton, son président, l’a formulé simplement :
« C’est une décision stratégique majeure pour le Rolex Paris Masters. En allant à Paris La Défense Arena, on aligne le tournoi sur les exigences du tennis mondial. Nous voulons offrir aux joueurs et aux spectateurs une expérience qu’ils n’oublieront pas, tout en préservant l’identité de l’événement. Notre devoir, c’est de sécuriser et de pérenniser cet actif, pas de le perdre. »
Les arguments sont clairs. L’Accor Arena, malgré son aura, avait atteint ses limites : logistique complexe, jauge contrainte, acoustique capricieuse. En bref, son bel âge !
La Défense, à l’inverse, ouvre des perspectives : des tribunes élargies, un confort supérieur, des zones d’accueil repensées, une scénographie digne d’un show global.
Le tournoi s’inscrit ainsi dans la dynamique du tennis moderne : plus immersif, plus lisible, plus international. Le changement d’adresse n’efface rien. Il prolonge.
Dans les faits, le Rolex Paris Masters ne quitte pas Paris (un peu quand même, car géographiquement parlant, il sera situé sur la commune de Nanterre). Il se déplace de quelques kilomètres, mais il reste fidèle à son ADN : un tournoi de fin de saison où se croisent la fatigue, la tension, la course au Masters, et cette intensité particulière que seule la capitale sait produire.
Le changement de décor n’est pas une page qui se tourne, mais une page qui s’élargit.
La même musique, un son plus fort.
Ce qu’on emporte, ce qu’on laisse
Un tournoi, ce n’est pas seulement un lieu : c’est une fréquence.
Pendant près de quarante ans, Bercy a vibré sur la même onde, celle d’un public dense, exigeant, capable de transformer un match en expérience physique.
La moquette bleue, la lumière tamisée, le tunnel étroit qui menait au court central, la résonance métallique du bruit : tout cela faisait partie du rituel.
Ce décor disparaît, mais pas ce qu’il a produit.
Paris La Défense Arena ne reprendra pas les murs, mais elle héritera du souffle.
Les concepteurs du nouveau site ont d’ailleurs travaillé avec cette idée en tête : préserver l’intimité visuelle et acoustique, maintenir la proximité entre joueurs et spectateurs, recréer le sentiment d’un lieu qui respire avec son public.
« On a voulu que les gens retrouvent les mêmes sensations, cette vibration particulière qui faisait l’identité du tournoi, explique Cédric Pioline, directeur du Rolex Paris Masters. Bercy, c’est une émotion. Notre rôle, c’est de la transposer, pas de la copier. Le son, la lumière, la mise en scène : tout a été pensé pour que l’énergie circule autrement, mais reste la même. »
Des éléments symboliques seront conservés : la signature sonore de l’entrée des joueurs, les effets de lumière, la scénographie du court central. Même la configuration de certaines zones - le tunnel, la rampe d’accès, la proximité du premier rang - sera réinterprétée pour maintenir ce lien sensoriel.
Mais l’essentiel, c’est ce qui ne se transporte pas : l’attente, la ferveur, le besoin de vibrer ensemble.
Ces émotions ne dépendent pas d’une adresse, mais d’un esprit.
Bercy restera le point d’origine.
La Défense en sera le prolongement.
Le tournoi ne quitte pas un lieu : il traverse une époque.
Dans les mots de Julien Fébreau, car après tout, n’avons nous pas à faire aux Formule 1 du tennis : « monter l’volume et rendez-vous au premier virage » !