Dominic Thiem : le mythe du guerrier ; le simple mortel

28 août 2024 à 18:14:37 | par Mathieu Canac

Battu au premier tour de l’US Open par Ben Shelton, Dominic Thiem, qui a programmé sa retraite en fin de saison, a joué son ultime match en Grand Chelem. Après une carrière colossale, marquée notamment par un titre à Flushing Meadows, deux finales à Roland-Garros et une à l’Open d’Australie. Tout ça en bossant comme un acharné pour tenter de s’élever au niveau des meilleurs de l’histoire.

« Je le faisais courir en pleine nuit. La première fois, Dominic m’a demandé où était le vestiaire. Je lui ai répondu : ‘Le vestiaire, c’est la forêt. Tu t’attendais à quoi d’autre à minuit ? Quand je dis droite, tu vas à droite ; quand je dis gauche, tu vas à gauche. J’ai déjà parcouru 60 000 km au total dans ce parc, je le connais par cœur'. Je le faisais courir pendant deux heures, et toutes les cinq minutes je mettais des charges de 25 kg, qu’on s’échangeait, sur ses épaules. Quand il criait - ‘Je n’en peux plus !’ -, je lui disais : ‘Si je peux le faire à 60 ans, tu peux le faire trois fois, tu as 20 ans.’ »

De cette interview de Sepp Resnik - ancien militaire devenu notamment coureur d’Ironman et préparateur physique (ou tortionnaire diront certains) - pour Fleisch Magazin en 2014, un mythe est né. Dominic Thiem était devenu une machine physique, le Thierminator, en cavalant torse nu à travers les montagnes autrichiennes au milieu d’ours et loups. Une légende renforcée par les photos du reportages, montrant le joueur avalant les côtes tronc d’arbre sur les épaules. Une mise en scène pour le reportage. Et un récit, de Resnik, bien plus proche de la fable que de la réalité comme l’a expliqué Thiem quelques années plus tard.

« Je ne pensais pas qu’il me serait possible de gagner un titre du Grand Chelem et de devenir numéro 3 mondial. »

Rien de surprenant sachant que dans le même entretien l’ancien homme d’armée prétendait ne « pas perdre [s]on temps à dormir ». Pour pouvoir s’entraîner sans cesse. Au point d’affirmer ne pas s’être adonné à cette activité essentielle à la survie « depuis des décennies ». Néanmoins, malgré les exagérations - euphémisme -, Thiem n’en était pas moins un acharné de l’effort. Et, sans aller dans des sessions à la Rocky pour se servir de jambon suspensud comme sac de frappe, il lui arrivait bien de forger son corps dans les bois en soulevant quelques bûches, son coach d’alors, Günter Bresnik, préférant l’extérieur plutôt que la salle.

Grâce à cette capacité de travail très au-dessus de la moyenne, il a pu se bâtir une caisse physique hors du commun. De quoi soutenir l’intensité de son jeu, et une lourdeur de balle toute aussi exceptionnelle développée à coups de séances interminables sur le court pour pouvoir devenir l’un des meilleurs de la planète. Lui qui n’avait pas brillé en junior et ne se sentait pas destiné à atteindre les sommets. « Par rapport à des grands joueurs qui ont intégré le Top 100 à 18 ans voire plus jeune, j’y ai fait mon entrée à 20 ans et demi (en février 2014), a-t-il récemment confié à The Athletic. Je ne pensais pas qu’il me serait possible de gagner un titre du Grand Chelem et de devenir numéro 3 mondial. »

Les litres de sueurs qui ont perlé sur son front ont impressionné ses collègues, jusqu’aux maîtres du genre. « Il est respecté, admiré et aimé de tous sur le circuit, a déclaré Novak Djokovic en conférence de presse à l’US Open. Il a travaillé tellement dur pendant toutes ces années. Il a été un exemple pour beaucoup de joueurs. Il a toujours fait l’effort supplémentaire. L’intensité et la ténacité qu’il a mis sur et en dehors du court dans tout ce qu’il a fait, ça a été quelque chose de remarquable. Il était presque au sommet du monde, puis il s’est blessé au poignet. Il n’a plus jamais été le même joueur après ça, malheureusement. »

« Je m’imposais des énormes charges de travail pour pouvoir être en compétition avec le Big 3, ça a contribué à ma blessure »

Lors des dernières années de son prime, le surnommé « Domi » s’était imposé comme le prétendant le plus sérieux pour devenir le premier numéro 1 mondial ne répondant pas au nom de Roger Federer, Rafael Nadal, Novak Djokovic ou Andy Murray depuis le 1er février 2004. Statistique parlante, avant l’implosion de son poignet droit en juin 2021, il menait dans son face-à-face récent contre le Big 3 : 3-1 contre Nadal depuis Barcelone 2019 (6-10 au total) ; 5-2 face à Djokovic depuis Roland-Garros 2017 (5-7 au total) ; 5-2 devant Federer au total dans sa carrière. Son envie de rivaliser avec le monstre à trois têtes, qui l’a poussé à se tuer à la tâche, lui a apporté des médailles, mais aussi leurs revers.

« Ça a contribué à ma blessure, clairement, a-t-il confié pour The Athletic. J’étais en compétition avec les trois plus grands de l’histoire, c’était intense. Et aussi, je m’imposais d’énormes charges de travail à l’entraînement. Le docteur et beaucoup d’autres personnes me l’ont dit : mon poignet a fini par lâcher à cause de tous ces coups frappés pendant ces sessions intenses. » Malgré le mythe créé par Sepp Resnik, Dominic Thiem est resté un simple mortel. Travaillant comme un acharné, il a fini par s’approcher des trois soleils du tennis masculin moderne. Au point de s’en brûler le poignet.

 

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