Carton sous le bras, Ashleigh Barty, patronne de la WTA, a vidé son bureau. Sans rien laisser, en demandant à être retirée du classement mondial en haut duquel elle siégeait. Un fauteuil repris par Iga Świątek. Nouvelle boss du circuit féminin, la jeune femme de 20 ans a assis son autorité dès sa prise de fonction. Histoire de montrer qu’elle a développé des qualités pouvant lui permettre d’être bien plus qu’une simple intérimaire. A Miami, suite à l’annonce de Barty, la Polonaise n’avait besoin que de réussir son entrée en lice pour être assurée de devenir la première personne de son pays - hommes et femmes confondus - à devenir numéro 1 mondiale en simple. Malgré la pression, elle l’a fait sans trembler. En écrabouillant la pauvre Viktorija Golubic, 6/2 6/0.
“Évidemment, lors des derniers jours, j’ai ressenti un peu plus de pression, a-t-elle reconnu en conférence de presse après la rencontre. Ça a été un peu plus stressant que d’habitude, mais je suis assez heureuse de la façon dont j’ai géré cela, et d’avoir pu montrer mon meilleur tennis. C’est vraiment une nouvelle preuve, pour moi-même, que je peux gérer ce genre de choses.” Dans la foulée, la native de Varsovie à confirmer en remportant le tournoi. Déjà sacrée à Indian Wells avant son arrivée en Floride, elle est devenue la quatrième - et plus jeune - joueuse de l’histoire à réussir le fameux “Sunshine Double” (doublé Indian Wells - Miami), après Steffi Graf (1994, 1996), Kim Clijsters (2005) et Victoria Azarenka (2016).
“Parler avec Daria (Abramowicz, sa préparatrice mentale) m’aide beaucoup” - Iga Świątek
Invincible depuis 17 matchs, elle a soulevé trois trophées WTA 1000 consécutifs (Doha, Indian Wells, Miami). Jusqu’à présent, aucune joueuse n’avait remporté les trois tournois initiaux de cette catégorie pour lancer une saison. Outre ses qualités techniques et physiques, si elle a été capable d’accomplir tous ces exploits, c’est aussi grâce à sa capacité à gérer ses émotions dans les moments importants. Depuis sa première finale sur le circuit principal, perdue en trois manches à Lugano en avril 2019, elle a écrasé les six suivantes. En infligeant six raclées à des adversaires comptant toutes parmi les plus redoutables du circuit.
- 6/4 6/0 contre Osaka - Miami 2022
- 6/4 6/1 contre Sakkari - Indian Wells 2022
- 6/2 6/0 contre Kontaveit - Doha 2022
- 6/0 6/0 contre Ka. Plíšková - Rome 2021
- 6/2 6/2 contre Bencic, Adélaïde - 2021
- 6/4 6/1 contre Kenin, Roland-Garros - 2020
Si elle est devenue maîtresse dans la gestion des grands rendez-vous, c’est aussi grâce à Daria Abramowicz. En février 2019, trois mois avant ses 18 ans et grâce à son équipe, Świątek a été mise en relation avec sa compatriote, spécialisée dans la psychologie du sport et de la performance en plus de celle relevant du domaine clinique. “Parler avec Daria m’aide beaucoup, je n’ai pas à garder toutes mes émotions à l’intérieur, a-t-elle confié après sa victoire contre Golubic. C’était la première fois, avant un tournoi, que les gens étaient aussi excités à mon sujet (en raison de la première place mondiale en vue). J’essaie toujours de me rappeler que si je me retrouve dans ces situations, ce n’est pas une coïncidence. C’est que j’ai travaillé pour, et que j’ai les qualités pour être dans cette position.”
“Mon coach a un plan pour moi” - Iga Świątek
Pour en arriver là, elle a pu, aussi, s’appuyer sur “l’expérience de [s]on [nouveau] coach”. En décembre 2021, Świątek a pris une décision difficile, mais importante. “Parfois, dans nos vies professionnelles, nous avons besoin de changements, a-t-elle expliqué à ce moment-là. Afin d’évoluer davantage, de rencontrer d’autres personnes pour les prochaines étapes de notre développement.” Après cinq ans de collaboration et un triomphe à Roland-Garros en 2020 : au revoir Piotr Sierzputowski. Et bonjour Tomasz Wiktorowski. Entraîneur d’Agnieszka Radwańska de 2011 jusqu'au terme de sa carrière, fin 2018, Wiktorowski avait aidé l'ancienne numéro 2 mondiale à s’imposer comme la meilleure joueuse de l’histoire de son pays avant l’émergence de Świątek.
“Je ne sais pas où se situe la limite de mon potentiel, a répondu la jeune femme après la finale de Miami. J’ai encore beaucoup de choses à améliorer, je pourrais être plus à l’aise sur certains coups. Je ne veux pas révéler les détails, mais mon coach a un plan pour moi. Il ne faut jamais cesser de travailler, parce que les autres ne s’arrêtent jamais de s’entraîner et de progresser.” Exemple de l’ambition du duo Świątek-Wiktorowski, l’un de leurs objectifs, dès leurs débuts, étaient de parvenir à bousculer la suprématie de Barty. “J’ai toujours admiré Ash (Barty), et je l’admire toujours, elle va nous manquer, a déclaré la Polonaise, toujours en conférence de presse la semaine passée. J’aurais aimé réussir à la battre un jour, ça aurait été quelque chose de spécial pour moi.”
“Sur terre battue, l’adaptation est assez facile” - Iga Świątek
Świątek avait même dédié une partie de sa préparation aux spécificités du jeu de l’Australienne, face à laquelle s’est inclinée lors de leurs deux confrontations. “Je voulais (réussir à la battre), c’était vraiment une motivation, j’ai même passé deux semaines de ma pré-saison à m’entraîner contre des slices (de revers, un des points forts de Barty, coup rare sur le circuit féminin), a-t-elle révélé. Mais il y a plein d’autres joueuses très fortes, on ne va pas s’ennuyer.” Sous la houlette de Wiktorowski, la nouvelle reine du tennis a poursuivi ses progrès sur dur. Désormais, quatre des six titres ont été conquis sur cette surface. Et l’arrivée de la terre battue, où elle a soulevé ses deux autres trophées, devrait lui permettre de garnir encore un plus son palmarès.
Sur ocre, son lift agressif - qu’elle a adopté très jeune pour faire, de son propre aveu, “comme Rafa (Nadal)", son idole - a pris pour habitude de faire des ravages. Pieds sur la brique pilée, elle s’est toujours sentie comme un poisson dans l’eau. “Je dois encore travailler par rapport à la transition entre les surfaces, notamment en passant au gazon puis en passant au dur rapide, a-t-elle détaillé. Mais pour la terre battue, l’adaptation est assez facile.” De quoi en faire, déjà, la grande favorite de Roland-Garros ? “Je ne veux pas me mettre dans cette position, a-t-elle répondu. Je vous (les journalistes) laisse ça. Je me sens confiante. J’ai toujours encore un peu plus de motivation avant Roland-Garros. Je vais travailler dur, et nous verrons le résultat.” En cas de sacre, Iga Świątek pourrait bien signer un CDI en tant que nouvelle patronne du tennis féminin.
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