Avant toute chose, regardez cette vidéo, puis lisez le texte qui va avec.
La genèse de ma réflexion est très simple. J’avais vu cette vidéo passer et je me souviens m’être dit : « Eh pas mal, ça envoie là ! ». Puis quelques heures plus tard, je reçois un message de mon fils (qui bosse aussi dans le tennis) me disant : « T’as vu le post de Rafa ? ». Ce à quoi j’ai répondu que oui et que je trouvais même que le niveau affiché était pas mal du tout. Puis il m’a invité à lire le texte, ce que je n’avais absolument pas fait au premier visionnage, tant j’étais agréablement surpris par ce que je voyais. J’étais à des années-lumière d’imaginer les phrases qui accompagnaient cette vidéo.
"Si tu regardes juste la vidéo, c’est, je trouve, encourageant."
Après les avoir lues, j’avoue, j’étais choqué. Je ne pouvais m’empêcher de me demander comment il pouvait jouer aussi bien, tout en déclarant forfait pour Monte-Carlo. Je sais parfaitement que l’équipe de communication autour de Rafa est très professionnelle et n’aurait jamais fait une erreur du genre poster la mauvaise vidéo. C’est pourquoi j’ai décidé de me faire expliquer tout cela.
En premier lieu, je voulais l’avis d’un coach, quelqu’un qui soit capable de déchiffrer vite, même avec une vidéo de quelques secondes seulement. Quelqu’un qui « sait ». Je me suis adressé à Bastien Fazincani, coach aguerri sur le circuit WTA. Il a notamment entraîné Alizé Cornet, Dayana Yastremska, Katarina Zavatska, Jana Fett, Natalia Vikhlyantseva… Il travaille actuellement avec la joueuse hongroise Panna Udvardy et dirige également My Team Performance, une académie de tennis à Cagnes-sur-Mer.
J’ai demandé à Bastien de réagir à ladite vidéo et voici ce qu’il en a pensé :
« Si tu regardes juste la vidéo, c’est, je trouve, encourageant. L’intensité est bonne. Les jambes semblent bien bouger. Il enchaîne un coup droit en bout de course, puis il revient, se décale et fait plein de petits pas pour gérer une balle qui lui arrive dans les pieds. Il y a de la vitesse et de la tonicité. Ça a vraiment l’air bien. Peut-être qu’il se sent bien, mais qu'il est obligé de gérer au quotidien. Tu peux très bien être nickel sur une séance, tout en sachant que le deuxième jour, tu seras encore bien, mais que le troisième, ce sera compliqué. Après il faut gérer, prendre du repos. Ça fait peut-être partie du problème qui l’empêche de faire Monte-Carlo. En tant que coach, il peut y avoir deux raisons qui me font conseiller, voire obliger, mon joueur à ne pas jouer. D'abord quand tu sais qu’en termes de performance sur un match, ce n’est pas faisable. Ensuite, il y a l’enchaînement à prendre en compte. Car tu peux être au top, mais avec un gros point d’interrogation si tu passes deux tours, avec possibilité que sur le troisième, tu sois plié en deux avec la douleur qui revient. Dans ces cas-là, tu ne prends pas le risque. En conclusion, je dirais que son jeu semble en place, mais que s’il ne peut pas servir en raison d’un souci abdominal, c’est alors rédhibitoire. »
La meilleure version de Nadal qu’on ait vue depuis un moment.
Alors qu’en est-il du souci abdominal en question ? Est-il possible de taper aussi bien, sans gêne apparente, comme il semble le faire dans la vidéo, tout en étant dans l’incapacité de servir ? Pour cela, je me suis adressé à une autre personne « qui sait ». Il s’agit d’un kiné qui est sur le circuit et qui travaille avec un très, très bon joueur. En regardant la vidéo, il me confirme qu’il trouve que c’est la meilleure version de Nadal qu’on ait vue depuis un moment. En revanche, il a noté qu’on ne voit pas de glissade. Est-ce volontaire ? Rien n’est moins sûr. Quant à la possibilité d’être performant tout en ne pouvant pas servir, là-dessus, il est formel : oui, il est tout à fait possible de pouvoir très bien jouer du fond du court, mais de ne pas pouvoir servir en raison d’un problème abdominal. Pour conclure, il trouve que Rafa est sur la bonne voie, si on se base sur ce qu’il veut bien nous montrer. Qu'il est clairement bien mieux que ce qu’il avait montré à l’occasion du « Netflix Slam » face à Carlos Alcaraz, et que s'il parvient à servir, alors aucune raison de ne pas espérer le voir à Roland-Garros et, pourquoi pas, aux Jeux.
Il va falloir patienter, mais il est d’ores et déjà certain que la participation ou non de Rafael Nadal à Roland-Garros va déchaîner les chroniques dans le milieu du tennis, au même titre que l’avait fait le vrai-faux départ de Kylian Mbappé il y a deux ans. Et sinon, j’ai la solution : il n’a qu’à servir à la cuillère. Comme ça, c'est du win/win !