8 mai 2005
Rome
Rafael Nadal et Guillermo Coria sont engagés dans une folle bataille en finale du Masters 1000. Nadal mène 6-5 dans le 5e set (la finale se jouait alors en trois sets gagnants) sur le service de Coria. À 30-40, l’Argentin sauve une balle de match et, deux points plus tard, égalise à six jeux partout d'un délicieux lob. Le match dure depuis près de cinq heures et c’est à ce moment-là que le Suédois Lars Graff, arbitre de chaise, prononce les deux mots suivants : « Tie-break ». Les deux protagonistes sont totalement pris par surprise. Ils avaient oublié que la règle avait évolué. Mis à part à l’US Open, il y a 20 ans, on ne jouait jamais un tie-break à six jeux partout au cinquième set d’un match.
Lars Graff se souvient de la réaction des deux joueurs lorsqu’il annonce « Six jeux partout, tie-break ». Il raconte : « Les deux m’ont regardé en répétant " Tie-break ??,Tie-break, really ?? ". Ils étaient fatigués et tellement concentrés qu’ils avaient tous les deux oublié que dorénavant, on disputait un tie-break à six jeux partout au cinquième set. Je pense qu’ils étaient aussi un peu déçus, ce qui est paradoxal vu qu’ils jouaient depuis plus de cinq heures, mais Rafa pensait que le tie-break allait avantager Coria et vice versa. Pour ma part, le fait qu’on joue un tie-break ne changeait rien. Certes, ça faisait cinq heures, mais j’étais tellement concentré qu’on aurait pu continuer et que ça ne m’aurait pas dérangé. Mais j’ai quand même tenu les cinq heures sans aller aux toilettes ! Il faut dire que je m’étais préparé en conséquence, en faisant bien attention à ne pas boire de café, ce qui, en Italie, est une vraie punition tant le café est bon ! »
Ce jour-là, Nadal et Coria en voulaient plus, mais les instances du tennis en avaient décidé autrement. Ce match s’achèvera quelques minutes plus tard, avec Rafael Nadal sur le dos ayant remporté ce jeux décisif 8-6. Accessoirement, il s’agissait alors de son premier titre à Rome et la suite, on la connaît… Pour Coria, il s’agira d’un de ses derniers gros matches.
10 juillet 1965
Newport (Rhode Island)
Mike Davis et Luis Ayal participent au tournoi d’exhibition organisé par Jimmy Van Alen. Le score est de six jeux partout. L’organisateur peut enfin lever son drapeau rouge pour annoncer le premier tie-break de l’histoire du tennis. Il se dispute en cinq points, avec un point décisif à quatre partout. Pour la petite histoire, c’est Mike Davis qui l’empoche.
Mais pourquoi donc cette invention ? Pour la bonne et simple raison que déjà, il y a soixante ans, on cherchait des moyens pour raccourcir les matches, de manière à mieux convenir à un format télévisé. On est avant l’ère Open. Chacun fait un peu ce qu’il veut. Beaucoup de tournois se disputent alors au format de trois sets gagnants. C’était déjà long mais en plus, il fallait gagner par deux jeux d’écart. Ces matches à rallonge ne convenaient pas aux diffuseurs. Si le sport voulait évoluer, il fallait qu’il soit télévisé et pour cela, il fallait donc modifier le format. Le tie-break a été comme on dit un « game changer ».
Il a fallu ensuite attendre cinq ans pour voir un tie-break sur un tournoi officiel. C’est Bill Talbert, alors directeur de l’US Open (1970), qui décide d’instaurer cette nouvelle règle qui selon lui donnera « une ligne d’arrivée pour les matches de tennis, comme pour les courses, le basket, le football et d’autres sports majeurs. Il n’y aura plus de matches de tennis s’étirant pendant des heures. Les matches se dérouleront dans un laps de temps raisonnable et prévisible, permettant aux spectateurs d’en estimer la durée et de s’organiser en conséquence ».
En revanche, à l’US Open, le tie-break est disputé non pas en cinq points, mais en neuf. Derrière, tout le monde suit plus ou moins. Wimbledon - évidemment pour ne pas faire comme les autres - introduit le tie-break à huit jeux partout, mais s’alignera en 1979 à six jeux partout. Seule la Coupe Davis fait de la résistance, mais elle aussi cédera aux sirènes des diffuseurs et instaurera le jeu décisif en 1989 !
Jean-Paul Loth, qu’on ne présente plus, a vécu l’instauration du tie-break alors même qu’il était joueur professionnel : « Je me souviens, nous étions à Indian Wells ou La Quinta, ça devait être en 1970 ou 1971, lorsqu’on a entendu parler du tie-break pour la première fois. On était tous évidemment contre ! Quelle idée farfelue que d’oser toucher à notre merveilleux sport, avec ces matches qui pouvaient être à rallonge avec un scénario devenant parfois totalement fou. On se disait aussi que les Américains qui, historiquement, ont toujours été de bons serveurs et de bons volleyeurs avaient créé cette nouvelle règle pour avantager leurs joueurs tout en embêtant les Européens. Mais on s’est vite rendu compte qu’il s’agissait d’une très bonne idée. Et l’effet a été immédiat. L’objectif recherché était de réduire les durées des matches afin de s’adapter aux demandes médiatiques. Banco. Dans un premier temps, les joueurs avec des coups définitifs tels que les gros serveurs, relanceurs ou bien ceux qui avaient un gros coup droit ont été avantagés. Mais rapidement, tout le monde s’est mis au diapason. On ne gagnait pas un tie-break en remettant la balle dans le court. Le tie-break a poussé les uns et les autres à être plus agressifs. Les joueurs, tous, tentaient des coups définitifs à chaque point. C’est ce qui a permis d’avoir le tennis d’aujourd’hui. En somme, le tie-break a modifié le jeu sur le fond et sur la forme. »
Pour l’anecdote, Jimmy Van Alen décède le 3 juillet 1991. Deux jours plus tard, Michael Stich domine Stefan Edberg en demi-finale de Wimbledon sur le score de 4-6 7-6 7-6 7-6. Edberg déclarera après le match : « S'il n'avait pas existé, Michael et moi serions peut-être encore en train de jouer là-bas ! »
23 janvier 2023
Melbourne
Malgré un Open d’Australie loupé (c’était son dernier), John Isner accepte néanmoins de répondre à une interview pour l’Équipe. L’Américain revient sur la stat record qu’il détient, celle d’un pourcentage de réussite en tie-break de plus de 60% sur toute sa carrière. En effet, le Texan géant en a disputé 815 et gagné 496. Isner rentre dans le détail pour essayer d’expliquer son état d’esprit durant ces moments qui lui ont si bien réussi : « C'est une situation de jeu dans laquelle je me sens assez à l'aise. J'ai un bon état d'esprit dans ces moments-là, évidemment bien aidé par mon gros service, qui me permet d'obtenir des points gratuits en mettant beaucoup de pression sur mes adversaires. L'objectif est toujours le même : gagner un point sur le service de mon adversaire. Je me dis à chaque fois : "Prends-le, puis mets-lui la pression !" Une fois devant, avec un ou deux mini-breaks d'avance, j'essaie de sortir le meilleur sur mes engagements. Je soigne probablement plus mes premières balles, car je veux à tout prix ces points gratuits. Je ne veux pas voir la balle revenir. Je me surprends parfois à faire service-volée, parce que je veux jouer de manière aussi agressive que possible. »
A la question de savoir quel est son tie-break le plus mémorable parmi les 815, il cite assez rapidement sa première demi-finale au BNP Paribas Open à Indian Wells, face à Novak Djokovic : « En 2012, j'ai battu Novak en demie à Indian Wells 7-6, 3-6, 7-6. Le deuxième tie-break avait été pas mal, j'avais fait des points gagnants sur retour de service, car je ne voulais surtout pas entrer dans des échanges du fond avec ce gars... Le public était à fond derrière moi, c'était vraiment une fin de match marrante. »
24 mars 2025
Miami
Après cette petite analyse technique émanant du meilleur joueur de tie-break de tous les temps, dans laquelle, il faut le dire, Isner ne lâche pas trop d’informations non plus, il serait intéressant d’avoir l’avis d’un expert sur la bonne façon de disputer un tie-break. Psychologiquement, dans quel état d’esprit faut-il être? Quelle est la bonne tactique? En existe-t-il plusieurs ou n’y a-t-il qu’une solution gagnante ? Le tie-break se joue-t-il comme un set normal ? Pour cela, il me semblait bon d’avoir l’avis d’un coach. Gilles Cervara, entraîneur historique de Daniil Medvedev, actuel numéro 8 mondial, et ancien numéro 1, a gentiment accepté, depuis Miami et via des notes vocales, de répondre à mes questions, qu’il trouvait « sympas » (la vérité, ça fait plaisir !).
J’ai commencé par demander à Gilles quelles étaient, selon lui, les clefs pour jouer et gagner un tie-break. L’explication du Cannois paraît tellement simple ! « Bien servir, être très constant à l’occasion de ses premières frappes, être solide tout en étant audacieux, bien commencer, bien finir et essayer de faire un point sur deux sur le service adverse ».
Simple. Il a oublié de dire, mais je suis certain qu’il le pense : bien jouer au milieu. Blague à part, ces quelques ingrédients prouvent bien à quel point le très haut niveau est exigeant. Je lui ai ensuite demandé d’imaginer un graphique en forme de camembert et de me dire comment celui-ci se décomposerait. A cela, la réponse s’est avérée encore plus simple, avec une touche d’humour : « Chaque clef = 100% du camembert 😅 ». Je précise que c’est bien lui qui a ajouté l’émoji. Ce qui veut bien dire qu’il est conscient de la difficulté de l’exercice. Non pas de me répondre, mais de disputer correctement un tie-break au plus haut niveau. Pour ce qui est de l’importance d’être un bon serveur, comme peut l’être son joueur Daniil Medvedev, Cervara explique qu’évidemment « être un bon serveur est un super atout, car ça permet de mettre une pression sur les deux points suivants au retour et cela peut vraiment faire la différence. Après, il arrive qu’un très bon serveur perde des tie-break ». Et il ajoute : « Il n’y a jamais de garantie. »
Pour ceux qui jouent un peu au tennis et qui font régulièrement des matches ou même des tournois, vous comprendrez bien ma prochaine question : Comment fait-on pour ne pas paniquer lorsqu’on est mené 5-2 break dans un jeu décisif ? La réponse est à nouveau simple et limpide : « Rester dans le présent et se focaliser sur ce que l’on a à faire… ». Clairement, cela veut dire qu’il ne faut pas se projeter. Les joueurs de tennis ont ce terrible tic de langage, répétant à qui veut bien l’entendre qu’ils jouent « les points les uns après les autres ». Mais finalement, lorsqu’ils disent ça, ils sont dans le présent, alors que nous, commun des mortels, on est déjà en train de réfléchir à ce qu’on va dire à notre adversaire au moment de lui serrer la main, à imaginer l’accueil à la maison selon si on rentre en vainqueur ou en perdant… Sur la différence entre un tie-break et un super tie-break, le coach vainqueur de l’US Open les compare à un 100 m pour le tie-break et un 200 ou 400 m pour le super tie-break. Il précise néanmoins : « Le départ est important, mais il faut être capable de maintenir un avantage ou de creuser l’écart ce qui n’est pas évident. ». Pour la comparaison habituelle des tie-break et des tirs aux buts, il acquiesce, tout en précisant « à condition que le tie-break se dispute lors d’un set décisif ». Finalement, j’ai demandé à Gilles Cervara si l’on joue un tie-break de la même manière que l’on dispute le reste d’un match. Ce à quoi il répond : « Les meilleurs ont certainement la capacité d’élever leur niveau de concentration et de jeu à leur maximum et à jouer avec cette pression. Ils ont la capacité de se challenger pour atteindre leur meilleur niveau possible, ce qui est souvent mieux que les autres car ils gagnent plus de tie-break. ». Ses explications paraissent tellement simples et pourtant, elles coulent de source. Comme quoi, tout ça, ce n’est pas la NASA, mais faut-il encore y penser puis, pour le joueur, Daniil en l’occurrence, mettre tout ça à exécution. Et ça, c’est encore autre chose… On en reparlera un autre jour.
2 mars 2017
Dubai
Andy Murray et Philipp Kohlschreiber s’affronte pour une place en demi-finales de l’ATP 500 de Dubaï. L’Allemand mène un set à rien et à 6-6 dans la 2e manche, il ne lui manque que sept points pour renvoyer son adversaire à la maison. Seulement voilà, Jimmy Van Alen, en son temps, avait instauré un tie-break avec point décisif, mais ce point de règlement a ensuite été abandonné pour obliger les joueuses et joueurs à avoir deux points d’écart pour remporter un tie-break. Celui qu’ils s’apprêtaient alors à disputer allait durer 31 min et 6 secondes, durant lesquelles il y a eu sept balles de match pour Kohlschreiber et huit balles de set pour Murray. C’est à ce jour le plus long tie-break disputé sur un tournoi ATP hors qualifications. Murray expliquera à l’issue du match qu’il n’avait évidemment jamais disputé un tie-break aussi long et n’avait jamais sauvé sept balles de match dans une même rencontre. Kohlschreiber, quant à lui, expliquera que bien qu’ayant perdu ce tie-break et le match, il avait pris un plaisir fou à disputer ces 38 points : « Entre la façon dont j’ai joué et le plaisir que j’ai pris, il n’y a vraiment aucune raison d’être triste. »
8 Janvier 2013
Plantation (Floride)
Troisième et avant-dernier tour de l’épreuve des qualifications du tournoi USA F1, catégorie « Future », à Plantation en Floride. Sur le court, de manière assez surprenante, s’affrontent deux Monégasques, Benjamin Balleret et Guillaume Couillard. A Plantation, on n’est pas au fin fond de la Floride, mais on est en revanche au fin fond du circuit professionnel. Il n’y a évidemment pas de ramasseurs de balles, comme il n’y a pas plus de juges de lignes, ni d’arbitre de chaise. Les joueurs sont en auto-arbitrage comme vous et moi dans un tournoi de club lambda. Les deux joueurs, bien que pas de la même génération (sept ans d’écart) se connaissent, comme vous pouvez bien l’imaginer. Déjà qu’à Monaco, il n’y a pas beaucoup de monde, alors des joueurs de tennis professionnels monégasques qui ont eu un classement ATP encore moins.
De par leur proximité, ils savaient que ce match allait être compliqué. En revanche, ils ne se doutaient pas qu’ils allaient écrire l’histoire. Il a en effet fallu 70 points (36-34) pour départager les deux joueurs. Balleret, qui est sorti victorieux de ce tie-break et du match, est revenu sur ce moment historique : « Aucun de nous deux n’aurait imaginé que ce premier set serait si long. C’était très serré, parce qu’on se connaît très bien. Nous ne voulions pas le perdre. Pendant le tie‐break, lorsque nous avons atteint les 20 ou 30 points, on riait sur le court. Je me rappelle avoir eu beaucoup plus de balles de set que Guillaume. Je ne suis pas certain du nombre, mais je me souviens qu’on était tous les deux très nerveux et que ce n’était pas un très beau tennis. Pour remporter le premier set, j’ai frappé un service « kické » que Guillaume a remis trop court. J’ai ensuite joué un coup droit gagnant. La deuxième manche a été très rapide, Guillaume était crevé mentalement. »
15 janvier 2007
Melbourne
Jo-Wilfried Tsonga dispute le deuxième Grand Chelem de sa carrière. Le premier était à l’occasion de Roland-Garros, deux ans plus tôt, en 2005. Il avait alors tiré Andy Roddick au premier tour. Jo avait tout juste 20 ans. Malgré le surpoids en raison d’un traitement « cortisoneux » (inventage de mot, ben oui, c’est toujours moi !) pour soigner son retour de blessure (hernie discale), le Français n’était pas si loin. Il a certes perdu en 3 sets, mais se sentait « pas si loin de cette catégorie de joueur ». Puis il y a eu d’autres blessures, qui ont fait que Jo n’a pu disputer son deuxième Grand Chelem qu’en 2007, à l’Open d’Australie. Et le coquin de sort a fait qu’il a dû affronter au premier tour un certain… Andy Roddick. Sauf qu’il était cette fois débarrassé de ses pépins physiques et avait perdu ses 10 kilos de surpoids. Il raconte : « Les throwbacks (souviens-toi), ce n’est pas mon fort, mais je me souviens effectivement d’avoir disputé et remporté un long tie-break face à Andy à Melbourne. Ce dont je me souviens bien aussi, c’est que la surface était du rebound ace, et qu’en plus d’être dure pour le corps en raison de sa mollesse, elle devenait très vite très chaude. J’ai un souvenir de grande chaleur durant ce tie-break qui, en plus, s’éternisait. Dans ma tête, je me disais que je n’avais rien à envier à ce type de joueur. Forcément, il y a eu des balles de sets dans tous les sens, mais pas tant que ça sur nos engagements. Je ne me souviens plus trop de la balle de set (il a fait un service gagnant). En revanche, je me souviens m’être dit que physiquement, ça tenait la route. Sur ce tie-break à rallonge, qui a fait qu’en un set, on en a en fait joué deux en termes de temps, j’étais vraiment satisfait de moi. Alors oui, derrière, je perds le match. Mais ce tie-break m’a vraiment donné des certitudes pour la suite. De manière générale, je me sentais très fort à ce moment-là. Je me suis toujours un peu senti comme un escroc du tennis. J’allais souvent dans le money time et quand j’arrivais au tie-break, je me disais que j’étais à l’endroit où je pouvais réaliser mon braquage. » Des « braquages » comme il dit, il en a réalisé plus d’un. En revanche, il était tout sauf un escroc du tennis. N’oublions pas qu’il est le seul, avec Nikolay Davydenko, à avoir remporté deux Masters 1000 sur la période 2008-2014 ! Une période complètement « trustée » par le « Big 4 ».
Évolution du tie-break
Depuis sa création, le tie-break n’a cessé d’évoluer. D’abord disputé en 5 points, il est ensuite rapidement passé à 7, non sans être passé par 9. Puis il a été instauré dans tous les sets, sauf les derniers. Enfin, il a eu un petit frère avec le super tie-break qui, lui, se joue en 10 points. Ce dernier a été introduit pour la première fois en double en 2002, à l’occasion de l’Open 13 à Marseille. Arnaud Clément, vainqueur cette année-là du tournoi de double marseillais, aux côtés de Nicolas Escudé, reviens sur cette nouveauté : « Je n’ai pas le souvenir d’y avoir trop pensé en amont. On se disait juste " OK, c’est un tie-break, mais un peu plus long". Mais en fait, c’est beaucoup plus long ! Psychologiquement, c’est assez intense, car tu l’abordes comme un tie-break où tu te dis que chaque point peut être décisif, et encore plus en double. Du coup, tu gardes la pression beaucoup plus longtemps. Après, moi, j’ai un côté très conservateur et je n’étais pas fan du truc, car tu te dis que tu peux perdre un set contre une équipe moins forte que toi et un super tie-break, mais pas deux sets. Au final, avec un peu de recul, tu te rends compte que super tie-break ou troisième set, les meilleurs équipes restent les mêmes. Pour ma part, le super tie-break m’a permis de jouer le double plus souvent. Il permet de savoir un peu plus à quoi t’attendre en termes de temps. Pour des joueurs comme moi, qui à l’époque étaient focalisés sur le simple, c’est vrai que ça facilitait l’accès au double, ce qui nous permettait de gagner quelques trophées supplémentaires de temps en temps. Je pense que c’était d’ailleurs l’idée de l’ATP, de faire en sorte qu’il y ait plus de joueurs de simple qui jouent le double. Mais au final, ce n’est malheureusement pas vraiment ce qui s’est passé. »
Voici un petit récapitulatif de l’évolution du tie-break :
- Avant les années 1970, les sets de tennis continuaient indéfiniment jusqu'à ce qu'un joueur ait deux jeux d'avance.
- 1970 (US Open) : L’US Open est le premier tournoi du Grand Chelem à adopter le tie-break dans tous les sets, afin de réduire la durée des matches.
- Le premier tie-break utilisé était un format en premier à 5 points, avec une règle de "mort subite" (pas besoin d’avoir deux points d’écart).
- Progressivement, le format a été changé pour un tie-break en 7 points avec deux points d’écart, ce qui est devenu la norme actuelle.
- 1971 : l'Open d'Australie adopte le tie-break au score de 6-6, sauf dans le dernier set.
- 1971 : Wimbledon adopte aussi le tie-break, mais seulement à 8-8 dans les sets, sauf dans le dernier set.
- 1973 : Roland-Garros adopte le tie-break au score de 6-6, sauf dans le dernier set.
- 1979 : Wimbledon le modifie pour être joué à 6-6, sauf dans le dernier set.
- Wimbledon : Jusqu’en 2019, il fallait gagner avec 2 jeux d'écart dans le dernier set. Depuis, un super tie-break en 10 points est joué à 12-12 dans le dernier set.
- Open d'Australie : Depuis 2019, tie-break classique dans tous les sets sauf le dernier, où un super tie-break à 10 points est joué à 6-6.
- Roland-Garros : Jusqu’en 2022, il fallait gagner avec 2 jeux d’écart dans le dernier set. Désormais, il y a un super tie-break à 10 points à 6-6 dans le dernier set.
- Mars 2022 : Les quatre tournois du Grand Chelem s’accordent sur une règle commune :
- Tie-break à 7 points dans tous les sets, sauf dans le dernier set.
- Super tie-break à 10 points dans le dernier set à 6-6.
- Doubles ATP/WTA : Un super tie-break à 10 points est joué à la place du troisième set, et ce depuis 2002 et l’Open 13
- Coupe Davis (depuis 2016) et Fed Cup (depuis 2015) : Tie-break dans tous les sets, avec parfois un super tie-break en guise de troisième set dans certains formats.
Comme on peut mieux le comprendre notamment grâce à Gilles Cervara, le tie-break est donc un moment crucial d’un match qu’il faut démarrer à fond, durant lequel il faut bien servir et retourner, tout en finissant sans se projeter. Depuis son introduction, il y a maintenant cinquante-cinq ans, le tie-break n’a cessé d’évoluer. Peut-il encore changer ? A la fin de l’entretien avec Arnaud Clément, ce dernier regrettait qu’on ne garde pas un super tie-break à douze partout au cinquième set en Grand Chelem, de manière à rendre le moment unique par rapport au reste du circuit. Lui est persuadé que « ça ne changera plus », mais si l’on s’inspire du passé, je ne vois pas pourquoi le tie-break aurait atteint la fin de son histoire en termes d’évolution. Qui sait, peut-être que le souhait de « la Clef » pourrait un jour se réaliser…
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