A Monte-Carlo, il y a deux semaines, Novak Djokovic, de par son statut de tête de série numéro 3 du tournoi, a bénéficié d’un bye au premier tour et a fait son entrée en lice au deuxième face au Chilien Alejandro Tabilo. Les deux hommes s’étaient déjà affrontés l’an dernier, lors de l’« Internazionali BNL d'Italia » (Masters 1000 de Rome) et, à la surprise générale, c’est le Chilien qui s’était imposé 6-2 6-3. Novak Djokovic déteste perdre, mais deux fois de suite face à un même joueur, ce n’est même pas imaginable. C’est pourtant exactement ce qu’il s’est passé sur le « Rocher ». Cette fois, il a fallu à Tabilo 20 minutes de plus pour se défaire du Serbe, mais comme à Rome, deux sets ont suffi (6-3 6-4).
A l’issue du match, Tabilo, pas le plus bavard du circuit, ne s’est pas trop attardé sur cette invincibilité face au GOAT. Mais il est tout de même revenu sur sa performance : « J’ai essayé de voir ça comme une situation sans pression. J’en ai parlé avec mon coach et on s’est dit : on sait comment le jouer, on l’a déjà battu une fois. Donc mentalement, ce n’était pas comme si c’était la première fois. J’étais un peu plus relâché grâce à ça, même s’il y a toujours cette pression de vouloir le battre. Je sais à quel point il est fort mentalement et je m’attendais à ce qu’il veuille carrément me « tuer » (rires). Alors j’ai commencé en étant très solide, en essayant d’être agressif, de le repousser autant que possible. Petit à petit, ça a commencé à fonctionner. J’ai réussi à le rendre un peu inconfortable dans certaines situations, ce qui était crucial dans les moments de pression.
Vers la fin du match, j’ai senti mes jambes, mes mains devenir un peu froides…
Mais cette fois, j’ai juste essayé d’en rire un peu. Je me suis dit : c’est pour ce genre de sensations qu’on joue ! Alors j’ai essayé de l’utiliser de façon positive. A la fin du match, sur la caméra, j’ai signé “Vera Coach” et “Unagi”. Vera Coach, c’est pour Verita, mon meilleur ami. Il était avec moi quand j’ai battu Djokovic l’an dernier. Il ne pouvait pas être là cette fois, je lui ai donc envoyé un petit clin d’œil. Juste avant le match, il m’avait envoyé exactement le même message que l’an dernier. Ça m’a remis dans ces souvenirs. Et « Unagi », c’est pour ma copine Malena, qui me regarde, là, maintenant. Elle est toujours avec moi, sur place ou à distance. C’est un mot qui nous accompagne depuis qu’on s’est rencontrés, et ça m’aide toujours à traverser les moments difficiles. »
Ils ne sont pas nombreux à avoir battu Novak Djokovic deux fois sans jamais perdre. Il y en a un autre dans ce cas-là. Il s’agit du Tchèque Jiri Vesely. La performance de l’ancien 35e mondial et doublement titré sur le circuit principal (Auckland 2015 et Pune 2020) est colossale. Le site de l’ATP relève trois confrontations avec deux victoires pour Vesely et une pour Djokovic à l’US Open. Et pourtant, on lit bien 2-0 Vesely. En effet, à New York, le Tchèque avait déclaré forfait ce qui, pour les statistiques, n’est pas comptabilisé comme une victoire.
La première confrontation remonte à 2016, à Monte-Carlo. Tiens, tiens… Jusque-là, en 2016, Novak avait gagné le tournoi de Doha, l’Open d’Australie, le BNP Paribas Open (Indian Wells), et le Masters 1000 de Miami. Il se présentait à Monaco avec une toute petite défaite enregistrée à Dubaï face à Feliciano Lopez (un abandon). Après sa défaite à Monte-Carlo face à Vesely dès le deuxième tour, il enchaînera avec une victoire à Madrid, une finale à Rome, son premier titre à Roland-Garros, le trophée à Toronto, finale à l’US Open, demie à Shanghai et finale au Masters. Bref, une saison « pas dégueu ». C’est donc au milieu de tous ces titres et finales, que Jiri Vesely s’est incrusté pour infliger à Djokovic une de ses neuf défaites de la saison contre 65 victoires…
Jiri Vesely : « Novak Djokovic est probablement le plus grand professionnel du tennis »
La seconde victoire du Tchèque n’intervient que six ans plus tard, à Dubaï, au stade des quarts de finale. Deux sets vont suffire cette fois-ci, contrairement aux trois qu’il avait disputés face à « Nole » à « Monac ». Cette année-là, Dubaï était le premier tournoi de la saison pour le Serbe qui avait dû renoncer à l’Open d’Australie d’où il s’était fait expulser. Tu parles d’un « happy slam »… Il n’empêche que lorsque les deux hommes arrivent sur le court, l’un (Vesely) est classé 123e mondial, alors que l’autre (Novak) est numéro 1 et ce depuis le 3 février 2020. La défaite qui va suivre lui fera perdre sa place sur le trône.
Aujourd’hui, Jiri Vesely a 35 ans et pointe à la 355e place mondiale. Il tente un come-back, mais ce n’est pas gagné vu comme il part de loin. Joint au téléphone, le grand Tchèque a volontiers accepté ma demande d’interview. Voici ce qu’il avait à dire sur le sujet :
Félicitations Jiri, vous êtes invaincu face à Novak Djokovic, ce qui est extrêmement rare. Comment expliquez-vous cela ?
- C'est fou, je sais. C'est une petite "élite" ! Mais honnêtement, je pense que chaque joueur a un style qui dérange certains adversaires. Et puis, il y a aussi des jours où tout fonctionne.
Comment décririez-vous Novak Djokovic ?
- C'est probablement le plus grand professionnel du tennis, pas seulement par ses résultats, mais par l'engagement qu'il met dans sa carrière. Il a fait énormément de sacrifices. C’est impressionnant à son âge d'être encore aussi fit. Il n'a jamais vraiment connu de passage à vide.
Est-il le GOAT ?
- C'est un grand débat. En termes de résultats, difficile de dire non. Il a remporté tous les tournois du Grand Chelem au moins trois fois. Moi, j'étais un fan de Roger. Mais Novak a su s'adapter à toutes les surfaces.
Vous le connaissez personnellement ?
- On s’est entraînés ensemble plusieurs fois. On se connaît du circuit, mais on n'est pas amis proches.
Lors de ces entraînements, vous aviez joué des points ?
- On a fait quelques entraînements en tournoi, mais rarement des sets complets.
Vous souvenez-vous de votre premier match contre lui à Monte-Carlo ?
- Oui. J’étais passé tout près de perdre au premier tour contre Gabashvili. Mais j'étais motivé à l'idée de peut-être jouer Novak. Il était invaincu depuis le début de saison (une défaite sur Féliciano Lopez sur abandon, NDLR). C'était un énorme défi, mais je n'avais rien à perdre. J'adore les grands courts, le public. Je me suis régalé.
Quel était votre état d'esprit avant le match ?
- J'étais nerveux, bien sûr. Mais aussi excité. Je savais que c'était une opportunité unique. Et sur les grands courts, je me sentais toujours à l'aise. J'étais motivé, relâché, et je n'avais rien à perdre.
Vous avez gagné en trois sets. Que s'est-il passé dans votre tête ?
- Je m’étais dit qu’il était peut-être fatigué du voyage de Miami. Le match était serré. J'ai essayé de rester dans le coup. Et finalement, j'ai gagné.
Qu'avez-vous ressenti en servant pour le match ?
- C'était le jeu le plus difficile de ma carrière. Servir pour le match contre Novak, ce n'est pas rien. Je savais que je n'aurais peut-être plus jamais cette opportunité. J'étais très nerveux, mais j'ai réussi à conclure.
Qu'a-t-il dit au filet ?
- Il m'a juste félicité pour le match. Très sobre. Mais ensuite, même Rafa m'a félicité dans les vestiaires. C'était inattendu.
Avez-vous été dépassé par l'émotion après la victoire ?
- Oui. C'était énorme pour moi. J'étais jeune, je ne savais pas trop comment gérer cette situation. J'ai reçu des tonnes de messages, j'ai essayé de répondre à tout le monde. Et le lendemain, au tour suivant, j'ai pris une leçon (défaite face à Gaël Monfils 6-1 6-2) !
Lors de votre deuxième victoire, à Dubaï, c'était une autre époque pour vous...
- Oui. C’était six ans plus tard. J'avais eu un accident de voiture, j'étais sorti du Top 100. J'ai passé les qualifs, puis j’ai battu de bons joueurs au deux premiers tours (Cilic et Bautista-Agut), et j'étais prêt mentalement à affronter Novak.
Décrivez ce match à Dubaï.
- Sur une surface rapide, j'ai servi fort, joué à plat. J'ai réussi à ne pas le laisser installer ses longues séquences. Il n'avait pas beaucoup joué avant ce tournoi, j'ai donc saisi ma chance.
Vous n'avez pas réussi à servir pour le match à 5-4. Que s'est-il passé ?
- Il a joué un jeu incroyable. J'ai perdu ce jeu, mais je ne pouvais pas faire grand-chose. Je me suis recentré, j’ai visé le tie-break et j'ai tout donné.
Qu'avez-vous ressenti sur la balle de match ?
- C'était extrêmement émotionnel. C'était une victoire majeure, encore plus que la première. Et je savais que ça allait lui coûter sa place de numéro 1.
Quelle a été sa réaction ?
- Rien de spécial sur le court, mais en conférence de presse, il a dit que j'avais très bien joué. Il a été respectueux, pas d'excuse. C'est agréable à entendre !
Qu'est-ce que cela vous fait d'être invaincu face à lui ?
- C'est fou. J'ai perdu deux fois contre Rafa, je ne suis jamais tombé sur Roger. Mais contre Novak, 2-0. Je suis fier. Ce sont de beaux souvenirs.
Et s'il y avait une belle revanche contre Novak ?
Je ne miserais pas dessus (rires) ! Mais qui sait ? On n'a jamais joué sur gazon. Ce serait une belle manière de clore le chapitre.
Pour cela, il faudrait probablement que les organisateurs de Wimbledon - qui sont bien évidemment de fervents lecteurs des articles sur We Are Tennis version française - offrent une wild card à Vesely et qu’ensuite, ils nous organisent un tirage au sort en mode boules chaudes et froides pour que ce match ait lieu au premier tour. Autant dire qu’il y a peu de chances. Mais c’est peut-être mieux ainsi, du moins pour Jiri Vesely et son face-à-face avec Novak Djokovic.
Comme Novak Djokovic, Roger Federer a dominé la majorité des joueurs qu’il a affrontés. Mais il y a une petite poignée d’entre eux qui restent invaincus face au « Maestro ». Bien sûr, faut pas rêver. Personne n’a battu Roger Federer 12 fois sans jamais perdre. On parle là d’une ou deux victoires grand maximum. Et parmi ces joueurs, il y a Evgeny Donskoy, joueur russe âgé de 34 ans, qui a disputé son dernier match sur le circuit en septembre 2024, au « chall » de Guangzhou en Chine, avec une défaite au premier tour face au Kazakh Kukushkin.
Le match qui nous intéresse remonte au 1er mars 2017, au deuxième tour du tournoi de Dubaï.
Evgeny Donskoy : « Ce sont des victoires spéciales »
Ce jour-là, Donskoy affronte pour la première fois de sa carrière un certain Roger Federer : son idole. Pour se donner le droit d’affronter le Suisse, Donskoy a dû battre son compatriote Mikhail Youzhny au premier tour. Pour ceux d’entre vous qui ne se souviennent plus de lui, ou qui ne le connaissent pas, Youzhny est ce joueur qui nous avait privés de la Coupe Davis en 2002, au cinquième match à Bercy, lorsqu’il avait dominé le jeune et inexpérimenté Paul-Henri Mathieu. Pour la petite histoire, Youzhny et Donskoy partageaient le même entraîneur : Boris Sobkin. A l’issue du match entre ses deux joueurs, Sobkin devait impérativement repartir. Youzhny, le perdant du jour, avait gentiment proposé à son ami de rester pour le coacher pour la suite de son tournoi et, surtout, pour son prochain match face à Roger Federer qui avait disposé de Benoît Paire au premier tour.
Pour redonner un peu de contexte, Federer sortait tout juste d’une incroyable victoire à l’Open d’Australie, où il avait dominé Nadal au cours d’une finale exceptionnelle. Après Dubaï, il allait enchaîner par des titres au BNP Paribas Open (Indian Wells), à Miami, Halle, Wimbledon, une finale à Montréal, puis deux autres titres à Shanghai et à Bâle, et une demie au Masters. Bref, 2017 était une bonne année pour « Rodge ». Mais pas à Dubaï. Un tournoi, pourtant, où il avait, comme dans pas mal d’autres, de très bonnes sensations, vu qu’il l’a remporté huit fois en quatorze participations, avec aussi deux défaites en finale : une fois face à Rafa, et l’autre face à Novak…
Mais en 2017, c’était au tour du discret Evgeny Donskoy de sortir le grand jeu.
Félicitations Evgeny. Tu fais partie du petit groupe de joueurs invaincus contre un membre du Big 3. Comment expliques-tu cela ?
- Malheureusement, je dirais que c'est parce qu'on ne s'est pas joué souvent (rires) ! Mais oui, ce sont des victoires spéciales. J'ai sûrement aussi eu de la chance.
Comment décrirais-tu Roger Federer ?
- Je l'admirais. J'ai toujours aimé les joueurs offensifs et élégants, et Roger incarne cela. C'est celui que je préférais voir jouer parmi les trois « gros ».
L'avais-tu déjà affronté ou t’étais-tu déjà entraîné avec lui avant ce match ?
- Non, jamais joué, ni entraîné avec lui. Mais mon coach, Boris, le connaissait. J'avais donc déjà eu l’occasion de le croiser et de lui dire bonjour.
Quand as-tu su que tu allais l'affronter à Dubaï ?
- Juste après mon match du premier tour. Le superviseur m'a remis le programme du lendemain, et j'ai vu mon nom à côté du sien. C'était un moment spécial.
Comment as-tu vécu les heures avant le match ?
- J'étais très nerveux. J'ai essayé de profiter du moment, tout en restant concentré.
Et comment as-tu préparé tactiquement le match ?
- Mon coach Boris m'avait dit de ne pas hésiter à jouer sur son coup droit quand j'en avais l'opportunité. Il s'attend à ce qu'on joue tout le temps sur son revers, j'ai donc essayé de le surprendre.
Comment t'es-tu senti en entrant sur le court ?
- Très impressionné. L'annonce du speaker, la foule qui acclame Roger... Je tremblais presque. Je voulais juste ne pas mal commencer.
Tu perds le premier set. Quelle a été ta réaction ?
- J'ai essayé de rester positif. J'avais le sentiment que je pouvais encore faire quelque chose. Et j'ai commencé à prendre plus de plaisir à jouer.
Tu sauves trois balles de match dans le deuxième set. Tu y croyais encore ?
- Honnêtement, j'étais proche de penser que c'était fini. Mais sur le terrain, j'ai continué à jouer point par point. J'ai pris des risques, surtout en coup droit, et ça a marché.
Il y a eu un problème de lumière pendant le match. Tu t'en souviens ?
- Oui, un projecteur s'est éteint. On m'a demandé si je voulais continuer. « Mikha » (Youzhny) m’a dit de ne pas accepter de rejouer tant que le projecteur ne fonctionnait pas. Il m’expliquait que Roger n’était pas serein et qu’il voulait en finir le plus vite possible. Je me suis approché du filet et Federer a dit que ça ne le gênait pas. Je ne voulais pas être celui qui refuse de jouer face à Roger et, pour être tout à fait honnête, le manque de lumière ne me gênait pas du tout. Alors j’ai dit OK. Je voyais Youzhny qui me regardait l’air de dire « Mais qu’as-tu fait?! ». Mais j’avais trop de respect pour Federer. Au final, c’était une bonne décision, car j’ai fini par gagner le set.
Tu gagnes en effet ce deuxième set au tie-break. Qu'as-tu ressenti ?
- C'était énorme. J'étais euphorique. Je venais de sauver plusieurs balles de match, c'était incroyable.
Dans le troisième set, tu es mené 5-2. Qu'est-ce qui t'a permis de revenir ?
- J'ai essayé de ne pas paniquer. J'ai profité de quelques erreurs de sa part. Mon coup droit a recommencé à très bien fonctionner. Je suis revenu et je l'ai poussé au tie-break.
Tu étais mené 5-1 dans le tie-break décisif. Encore une fois, comment expliques-tu ce retournement ?
- J'ai continué à jouer relâché, à frapper fort en coup droit. À 5-1, je me suis dit que c'était sûrement fini, mais j'ai joué chaque point à fond.
Et tu gagnes ! Que ressens-tu à la balle de match ?
- Une joie immense. J'étais fier, heureux. Mon équipe aussi. J'ai tout de suite été saluer Roger avec respect. Je ne voulais pas faire une grande célébration devant lui. Je n’aime pas les joueurs qui font ça et je ne voulais surtout pas que Roger pense que je lui manquais de respect.
Qu'a-t-il dit au filet ?
- Rien de spécial. "Bien joué", "félicitations". Sobre.
Tu as failli aller en demi-finale après ça. Tu as en effet bien joué le match suivant aussi, ce qui n’est pas souvent le cas après une victoire contre un de ces trois joueurs (Federer, Djokovic et Nadal)...
- Oui, j'étais encore en confiance. Je jouais bien à ce moment-là. J'ai failli gagner le match suivant et donc failli aller en demi-finale. Ce n'était pas juste un "coup d'un jour ». Mais Lucas (Pouille) jouait lui aussi très bien ce jour-là et je n’ai pas réussi à remporter le match.
Cette victoire face à Federer est-elle la plus grande de ta carrière ?
- Clairement. Je suis content de l'avoir eue. Même si je regrette parfois de ne pas avoir mieux capitalisé ensuite.
Tu es donc invaincu contre Federer, Nadal et Djokovic...
- Je n'ai jamais joué Djokovic et Nadal.
Tu es donc officiellement invaincu contre les trois !
- (Rires) Oui, si on compte que je ne les ai pas tous joués, alors techniquement oui !
Les mauvaises langues diront qu’il est idiot de se proclamer invaincu face à un joueur si on ne l’a joué et battu qu’une fois. Mais ceux qui disent ça sont en général ceux qui ne sont jamais parvenus à battre le « Big 3 ». Pour en avoir parlé avec Evgeny, je peux vous assurer que ça n’a rien d’anodin pour lui. Le fameux « order of play » est mis sous cadre et le match, revu de temps à autre, reste un souvenir indélébile.
Dustin Brown : « Je savais déjà à quel type de balle m’attendre »
Il n’en restait plus qu’un. Je n’essaie pas de vous faire pleurer, mais je vous assure qu’il est compliqué de trouver des joueurs invaincus, avec plus d’un match, face à un de ces extra-terrestres. Concernant Rafael Nadal, je n’ai trouvé que Dustin Brown et Alex Corretja, qui sont à 2 victoires et aucune défaite face à l’homme au 14 Roland-Garros. Pour Corretja, c’était en 2003 donc… Mais pour Brown, il s’agit de 2014 à Halle et 2015 à Wimbledon. Certes, le gazon n’est pas la surface de prédilection de Rafa, mais il a tout de même gagné Wimbledon à deux reprises. Donc pas exactement un « peintre » sur gazon.
C’est donc vers Dustin Brown que je me suis tourné pour avoir un témoignage précieux. Cependant, je n’avais pas anticipé le fait qu’il était visiblement trop demandé et qu’il allait refuser ma demande d’interview. C’est son droit me direz-vous, mais je trouve cela tout de même dommage. La carrière de Dustin Brown n’est pas remplie d’exploits, mais soit.
Vous l’aurez compris, les déclarations qui suivent ne sont donc pas le résultat d’une conversation avec Dustin Brown, mais viennent d’interviews données récemment, notamment lors du dernier Moselle Open. C’est forcément moins riche que si j’avais pu lui poser toutes mes questions sur ce thème, ce qui n’empêche que son exploit demeure tout aussi incroyable.
Sur la raison principale de sa victoire à Wimbledon face à Nadal, Brown explique : « Ma victoire à Halle l’année d’avant était l’élément le plus important pour le battre à nouveau à Wimbledon. Je savais déjà à quel type de balle m’attendre. Je ne débarquais pas totalement, même si ça reste Rafael Nadal en face et qu’en plus, Wimbledon est un peu moins rapide que Halle. Ça m’a permis, mentalement, de ne pas avoir trop à le gérer lui et son tennis, et j’ai pu me concentrer davantage sur le Centre Court de Wimbledon et tout le cérémonial autour. Après, le plan était de reproduire ce que j’étais parvenu à faire à Halle. Mais j’étais un peu inquiet car là, c’était au meilleur des cinq sets avec, comme je le disais, des conditions de jeu un peu plus lentes. Lorsque je l’avais affronté à Halle, il arrivait directement de Paris. Il n’avait aucune préparation sur gazon. Je me souviens que mon entraîneur m’avait alors donné des consignes du type « Si dans un jeu tu mènes de deux points, tu ne sers que des premières balles ». Mais ce dont je me souviens aussi, c’est que la pression était sur lui. Moi, je n’avais absolument rien à perdre face à Rafael Nadal sur le court central de Wimbledon. »
Sur les détails du match à « Wimb », Dustin Brown se souvient bien du fait qu’il avait eu une volée à jouer sur balle de match, sur le service de Nadal, mais n’avait pas réussi à la laisser dans le court. Dans la foulée, il avait fallu servir pour le match. Brown se souvient : « J’étais inquiet, car je devais servir pour le match et j’ai d’ailleurs entamé le jeu par une double faute. Puis j’ai réussi à bien servir et à conclure le match. »
Après sa défaite face à Brown, Rafael Nadal était en mode déprime absolue en conférence de presse, expliquant : « Face à ce type de joueur, vous n’avez pas de rythme. Il n’y avait aucune différence de vitesse entre le premier et le second service. Je n’ai pas frappé trois balles de suite de la même façon. Le fait d’avoir perdu le premier set m’a rendu le match encore plus difficile. Face à ce type de joueur, c’est encore plus difficile lorsque vous êtes mené. J’ai fait trop d’erreurs. »
Je sais, j’insiste, mais je reste très déçu de ne pas avoir pu vous offrir le témoignage en détail de Dustin Brown. C’est dommage car, pour être honnête, c’est en raison de cette double domination que j’ai voulu écrire cet article. Pour ne rien vous cacher, j’ai également essayé de contacter Andrey Rublev et son 1-0 sur Federer. Malheureusement, son agent m’a répondu que « mener 1-0 ne veut rien dire, surtout si on n’a joué qu’une fois ». Dont acte. Je reste persuadé que cette victoire veut dire quelque chose de plus que les autres pour Rublev.
Battre un des membres du Big 3 est un exploit en soi. Ne jamais perdre face à eux en est un encore plus incroyable. Il y a Pat Rafter et Franco Squillari face à Roger Federer, mais tous deux avant que Roger ne devienne « Rodge ». Alex Corretja et Dustin Brown l’ont fait face à Rafael Nadal. Marat Safin, en plus de Jiri Vesely et Alejandro Tabilo, face à Novak Djokovic, mais comme vous pouvez vous en douter, il s’agit là aussi de défaites apparues plus tôt dans la carrière de Novak. Un dernier petit coup d’oeil en coulisses : Safin aussi a choisi de rester muet sur le thème. Encore une fois, dommage.
Plus d’informations sur
Les joueurs
Novak Djokovic
Rafael Nadal
Roger Federer
Jiri Vesely
Evgeny Donskoy
Alejandro Tabilo
Dustin Brown