Il est des joueuses qui ont été en tête du classement mondial sans jamais avoir remporté un tournoi du Grand Chelem. C’est étrange, et on se demande même comment cela peut être possible, mais c’est déjà arrivé avec notamment la Russe Dinara Safina, la Serbe Jelena Jankovic ou encore la Tchèque Karolina Pliskova. Kim Clijsters, Amélie Mauresmo, Caroline Wozniacki et Simona Halep sont, quant à elles, toutes devenues n°1 bien avant d’avoir gagné leur premier, voire leur seul, Grand Chelem. En effet, il est possible de graviter au sommet du classement non seulement sans avoir soulevé de trophée en Grand Chelem, et même presque sans avoir remporté le moindre titre.
C’est le cas de Maria Sakkari. Qualifiée pour les huitièmes de finale au BNP Paribas Open à Indian Wells, la Grecque, finaliste malheureuse dans le désert californien l’an dernier, ne compte pour l’instant qu’un seul « petit » titre à son actif, remontant à 2019 au tournoi 250 de Rabat, au Maroc. Pourtant « Sak Attack », comme elle est surnommée, pointe actuellement à la 7e place mondiale et, surtout, fait partie du Top 10 sans jamais l’avoir quitté depuis qu’elle y a fait son entrée en septembre 2021. En termes de classement, elle a même pointé à la 3e place mondiale pendant près de 9 semaines (non consécutives) en 2022. Comment peut-elle être aussi haut sans (presque) jamais gagner ?
Maria Sakkari avait eu une balle de match face à Barbora Krejcikova
Il n’y a pas de réponse simple. Evidemment qu’il y a des tas de raisons pour lesquelles elle n’a pas remporté telle ou telle finale. Au total, en plus de celle de Rabat, Sakkari en a disputé six pour le moment, dont deux en WTA 1000, à Guadalajara fin 2022 face à Pegula, et donc à Indian Wells l'an dernier face à Swiatek. J’aimerais bien pourvoir vous dire qu’elle ne perd que lorsqu’elle affronte mieux classée qu’elle, sauf que cette stat ne se vérifie pas. Elle s’est déjà inclinée face à moins forte, notamment à Parme l’an dernier, lorsqu’elle avait rendu les armes face à l’Egyptienne Mayar Sherif, alors classée 74e.
Il semblerait donc que Maria Sakkari ait du mal à gérer les moments importants. Elle se met à subir émotionnellement, ce qui impacte directement la qualité de son tennis. On a d’ailleurs pu voir tout ce processus de très près grâce à la série Netflix « Break Point », où l’on suit la joueuse dans son intimité et où l'on s’aperçoit à quel point elle est émotive. Pour ceux qui ne l’ont pas encore vue, il y a un épisode consacré à Sakkari, qui montre justement à quel point elle est à fleur de peau lorsqu’elle joue.
Cette émotion ne lui a pas seulement coûté de banals titres sur le circuit, mais peut-être même un titre en Grand Chelem. En tout cas, pour sûr, une finale. En effet, en 2021, Maria Sakkari avait eu une balle de match face à Barbora Krejcikova, sur le court Philippe-Chatrier, en demi-finale de Roland-Garros. Là aussi, la Grecque n’avait pas su convertir l’opportunité.
Physiquement, Sakkari est sans doute la plus athlétique du circuit. Elle s’impose des séquences de fitness que beaucoup de joueurs n’arriveraient pas à achever. Souvenez-vous des vidéos qu’elle postait pendant le confinement. Voici quelques exemples au cas où vous seriez passés à côté :
Elle a besoin de cette froideur d’exécution que maîtrise tellement bien Iga Swiatek.
L’aspect physique de son jeu est donc bien huilé. Elle peut difficilement faire plus. Il suffit d’observer le galbe de ses épaules pour comprendre qu’elle passe beaucoup de temps à la salle. Mais clairement, le problème qu’elle doit résoudre est celui qui se trouve entre ses deux oreilles. Tout le monde sait que le mental joue un rôle prépondérant chez les athlètes de haut niveau et le tennis n’y échappe pas du tout. Il fait même partie des sports où cet aspect est encore plus important qu’ailleurs. Et c’est souvent ce qui fait la différence entre toutes ces joueuses pétries de talent et de qualités athlétiques hors normes.
Bien évidemment que Maria Sakkari, comme tous et toutes désormais, travaille le côté mental avec des préparateurs spécialisés, des sophrologues, psychologues. Mais pour l’instant, ça ne paye pas. Il lui faut réussir à surmonter cette émotion qui la submerge dans le money time. Elle a besoin de cette froideur d’exécution que maîtrise tellement bien Iga Swiatek. La Polonaise a aussi, de temps en temps, des soucis avec son mental, mais elle est accompagnée à temps plein par une psychologue. Peut-être que Sakkari devrait s’en inspirer.
En attendant, elle a beaucoup de points à défendre cette semaine et pour cela, il va falloir être forte, surtout dans la tête. Si elle y parvient, il n’y a alors aucune raison que son tour n'arrive pas. Et une fois la machine enclenchée, elle va devenir très dangereuse et pourrait même atteindre son but ultime : devenir n°1 mondiale.