Fritz bat Nadal, alors qu’il devait déclarer forfait

21 mars 2022 à 18:47:00 | par Eli Weinstein

Taylor Fritz a battu Rafael Nadal en finale du BNP Paribas Open à Indian Wells. Premier vainqueur américain depuis Andre Agassi en 2001, Fritz a battu l’Espagnol 6-3 7-6 au terme d’une journée qui semblait pourtant aller en faveur de l’homme aux 21 Grands Chelems.

Pour mon dernier jour au BNP Paribas Open, j’arrive au « Paradis du tennis » et là, je vois tout de suite un mouvement de foule, un flot de spectateurs quittant le terrain d’entraînement et se dirigeant vers la barrière qui sépare le grand public de l’espace joueur. Je me dis alors qu'il ne reste plus grand monde dans le tournoi et que, vu l’engouement, ça ne doit pas être Radu Albot (qui pour le coup s’entraînait encore hier à Indian Wells).

En effet, ce n’était pas le Moldave, mais bel et bien Rafael Nadal comme je le suspectais. Il s’est rapproché de la barrière et a signé, comme à son habitude, un maximum d’objets, essayant de faire plaisir à tout le monde, et étant d'ailleurs pas loin d'y arriver. Il avait l’air en forme. J’ai ensuite croisé son coach, Marc Lopez, qui m’a confirmé qu’il se sentait bien. C’est déjà ça, me suis-je dit. Car la veille, face à Carlos Alcaraz, il avait été manipulé assez violemment sur le court, par un kiné qui essayait de lui faire craquer des trucs dans le dos en le tordant un peu dans tous les sens.


Donc il va bien, la journée ne pouvait pas mieux débuter.

Je file alors sur le Stadium 1 (le court central) pour jeter un œil sur l’entraînement de Taylor Fritz. J’aperçois à ce moment-là l’Américain en train de sautiller, très doucement, sur la ligne de fond et tout à coup, se plaindre violemment de sa cheville droite, en mode « Je ne peux pas tenir debout ». Il en jette même sa raquette et quitte le court en boitant. Ok. Dans ma tête, je rembobine : Rafa est en pleine forme et Taylor est sur une cheville. Déjà qu’avec deux chevilles « healthy », ce n’est pas simple face à Nadal, alors sur une…

L’Américain a d’ailleurs expliqué plus tard : « J’étais dégoûté, à deux doigts de m’effondrer en larmes, car je pensais que je n’allais pas pouvoir jouer. »

L’heure tourne. La rumeur d’un possible forfait de l’Américain, qui avait vraiment l’air au fond du fond du trou, commence à circuler. Les organisateurs, eux, s’inquiètent. Inutile de dire qu’il s’agirait là d’un désastre. Une finale de Masters 1000 qui ne se joue pas, ce n’est pas du jamais vu, mais c’est d’une grande rareté. Et franchement, après un tournoi annulé en 2020 puis un autre disputé 18 mois plus tard avec seulement la moitié des joueurs présents et une petite jauge de public, une finale non disputée serait la goutte qui fait déborder le vase. 

Une deuxième rumeur a alors commencé à circuler, comme quoi Taylor Fritz allait se faire faire une infiltration, sans doute à la cortisone, de manière à pouvoir disputer cette finale qui a lieu dans son jardin. Il y venait souvent, quand il était enfant, voir jouer notamment un certain… Rafael Nadal. Ses parents résidaient en effet à deux heures de route, à Rancho Santa Fe.

Il est 13 heures, Iga Swiatek et Maria Sakkari prennent possession du court pour la finale dames. 80 minutes plus tard, la Polonaise soulève le trophée, après avoir mis 6-4 6-1 à une Sakkari surpassée par l’envergure du match. Toujours pas de nouvelles des garçons. On se dit que quoi qu’il arrive, si un forfait doit être annoncé, ça ne serait fait qu’après la finale dames. La cérémonie de remise des prix s’achève, les filles quittent le court et là, le filet est changé et tous les préparatifs sont mis en route pour la finale messieurs. On est à H-7 minutes. C’est donc réglé, Taylor Fritz, malgré sa patte folle, a décidé de disputer le match pour se donner la chance de réaliser son rêve d’enfance :

« L’heure du match est arrivée, les membres de mon équipe ne voulaient pas que je joue, mais je voulais tenter ma chance. »

Plutôt bien inspiré le garçon.

Puis le match démarre et Fritz breake d’entrée. Là, on se dit : tiens, tiens… Puis il rebreake et mène rapidement 5-1, avant de s’imposer 6-3. Là, on ne se dit plus tiens tiens, ni par la barbichette, ni rien du tout. Si ce n’est qu’on se met à penser que Taylor Fritz peut remporter ce match, ce qui semblait totalement impossible il y a quelques heures. Puis on s’aperçoit même que celui qui lutte physiquement n’est pas l’Américain, mais bel et bien l’Espagnol : Nadal marche lentement sur le court et fait appel, à nouveau, au kiné, après avoir déjà consulté ce dernier à la fin du premier set. Cette fois, on est à la fin du second, changement de côté à 6-5 pour Fritz. Le kiné a allongé Rafa sur le ventre et lui a prodigué une espère de massage cardiaque sur le dos.

 L’Espagnol expliquera plus tard, qu’il ressentait comme une aiguille qui l’empochait de respirer correctement : « J'avais mal, honnêtement. J'avais des problèmes respiratoires. Je ne sais pas si c'est quelque chose sur la côte, je ne sais pas encore. Quand je respire, quand je bouge, c'est comme si j'avais une aiguille à l'intérieur. C'est une douleur qui me limite beaucoup. » 
Sans doute quelque chose qu’il a contracté la veille face à Alcaraz, lorsqu’il devait sans arrêt faire des ajustements à cause du vent et qu’un mouvement de trop a fait sauter quelque chose. 

Quelques minutes plus tard, Taylor Fritz devenait le premier Américain depuis Andre Agassi en 2001 à s’imposer au BNP Paribas Open. 
Comme quoi, dans le tennis, il n’y a pas de vérité, même lorsqu’on pense posséder le scoop en interne.


 

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