Ça y est, Roland-Garros est terminé. Les courts sont bâchés pour un an. Le court Philippe-Chatrier sonne creux. Même si, en tendant bien l’oreille, on entend les rugissements d’un joueur espagnol qui continue à écrire l’histoire de ce tournoi.
Mais pas de temps pour être nostalgique. Le circuit ne s’arrête pas. Jamais. Et à peine Rafael Nadal a-t-il soulevé la Coupe des Mousquetaires, que le grand cirque du tennis a pris ses cliques et ses claques pour s’installer sur le gazon pendant quelques semaines. La transition est aussi belle que violente. La terre battue ocre est remplacée par le gazon vert qui pète (en tout cas dans un premier temps), les longs échanges par des rallyes courts et les glissades par des volées.
Les deux dernières victoires en simple en Grand Chelem étaient sur gazon.
Du coup, comme on s’éloigne de cette surface made in France (aussi), les joueurs tricolores brillent beaucoup moins. Et bien non, absolument pas ! Paradoxalement, alors qu’il n’existe que très peu de courts en gazon dans l’Hexagone, les résultats des Français sur cette surface sont, historiquement, étonnamment bons. En effet depuis l’ère Open, cinq joueurs français ont atteint le dernier carré à Wimbledon (pour un total de huit demi-finales disputées) et l'un d'entre eux a même disputé la finale (Cédric Pioline 1997). A titre comparatif, il y a eu sept demi-finales avec un joueur français à Melbourne et seulement quatre à New-York. Roland-Garros reste devant avec 11 demies, dont une franco-française en 1983, même si depuis cette année-là et le titre de Yannick Noah, seulement sept demi-finales concernaient des « Bleus ».
Lorsqu’on regarde le tennis féminin tricolore, on s’aperçoit tout simplement que les deux dernières victoires en simple en Grand Chelem étaient sur gazon et qu’à cela, il faut ajouter deux finales.
Comment expliquer cette aisance sur le gazon pour les joueurs français ? Pourquoi, sur les trente-trois joueurs titrés depuis l’ère Open, un tiers possède au moins un titre sur cette surface « so British »?
Plusieurs raisons, mais deux d’entre elles me semble plus intéressantes.
Ils arrivent sur le vert, l’esprit libéré et le bras léger.
Premièrement, la saison sur gazon arrive historiquement dans la foulée de Roland-Garros, sauf lorsque le tournoi se joue en septembre, ce qui, depuis 1891, n’est arrivé qu’une fois, pandémie oblige. Du coup, lorsque les Français débarquent à ’s-Hertogenbosch ou Stuttgart (ou quel que soit le tournoi sur gazon qui démarre le lendemain de Roland-Garros), ils respirent. Non pas que le Grand Chelem parisien soit une corvée ou une punition, loin de là, mais c’est une grande pression qui, au bout de quinze jours, est pesante sur le subconscient. Ils sont sollicités dans tous les sens, qu’il s’agisse des médias, familles, amis, sponsors… C’est sans discontinuer.
Alors certes, disputer un Grand-Chelem à domicile est un grand luxe auquel tous les champions en devenir souhaitent goûter. Mais pas que. Si vous demandez à n’importe quel joueur français, toutes générations confondues, quel Grand Chelem il ou elle rêve de remporter, il ou elle vous répondra sans la moindre hésitation qu’il s’agit de Roland-Garros. Bien sûr que c’est bon. Evidemment qu’il n’y a rien de mieux, mais c’est usant. Cette cape de super-héros lestée se désintègre dès qu’ils montent dans l’avion pour quitter Paris et aller taper leurs premières balles sur le gazon britannique, allemand ou néerlandais. Ils arrivent sur le vert, l’esprit libéré et le bras léger.
Un autre argument qui se tient et qui vient s’ajouter à l’état d’esprit des Français sur le gazon est leur style de jeu. En effet, si l’on regarde de plus près l’identité des 11 Français titrés, on s’aperçoit qu’il s’agit d’un profil précis. Qu’ont en commun notamment Richard Gasquet, Nicolas Mahut, Sébastien Grosjean, Henri Leconte, Fabrice Santoro, Michaël Llodra ou encore Adrian Mannarino ? Ils ont tous, comme on dit, « une main ». Il s’agit de joueurs avec un toucher de balle plus développé que les autres. Cette capacité à être très technique est particulièrement efficace sur gazon où les échanges sont courts et le petit jeu primordial. Certes, avoir un gros service est aussi un grand avantage, mais avec le ralentissement de la surface, celui-ci est de plus en plus neutralisé, alors que le talent pur, lui, est incontrôlable. Tu l’as ou tu ne l’as pas. Et il se trouve que bon nombre de Français l’ont.
La preuve, sur les 16 joueurs en lice en quarts de finale aujourd’hui à Stuttgart et ’s-Hertogenbosch, presque 20% sont Français. C’est tout simplement la nationalité la plus représentée.
En espérant que ça rigole …
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