Je vous garantis que Roger Federer n’oubliera jamais Milan (et Brest), au même titre que Novak Djokovic gardera toujours une place spéciale pour Amersfoort dans son coeur. Et tout pareil pour Rafael Nadal et Sopot. Pourquoi ? Vous l’avez ? Evidemment que vous l’avez, il s’agit bien sûr du premier titre remporté sur le circuit par les uns et les autres.
Pour cette raison, Alexander Bublik sera désormais amoureux de la place de la Comédie, va s’abonner à la Mosson et sera un pro George Frêche (paix à son âme) pour toujours. Son titre remporté hier, dimanche 6 février, face à Alexander Zverev à Montpellier, gardera éternellement une place spéciale sur son étagère à trophées qui, sans aucun doute, va se remplir copieusement au vu du condensé de talent contenu dans la main droite de ce jeune homme (24 ans).
Avant ce sacre, Alexander Bublik était considéré comme un des « fous » du circuit. Tout le monde savait qu’il était pétri de talent et tous redoutaient de l’affronter. Car face à lui, à aucun moment vous ne pouvez vous douter de ce qui va se passer. Le garçon est une espèce de mélange entre Nick Kyrgios, Benoît Paire et Marcelo Rios.
Un bon vieux sandwich jambon/fromage des familles.
Après sa victoire en demi-finale face à Filip Krajinovic, Bublik exprimait son étonnement d’avoir pu bénéficier de la faveur du public montpelliérain. En conférence de presse d’après-match, il a prononcé la phrase suivante : « Je n’ai aucune idée de la raison pour laquelle les Français m’aiment. Je ne parle pas leur langue et je ne suis pas très gentil. » Cette phrase étonnante est justement l'une des raisons pour laquelle le joueur du Kazakhstan est apprécié. Il est d’une franchise quasi unique.
Je me souviens d’avoir assisté à une table ronde en sa présence à Marseille, il y a deux ans. Il y avait expliqué qu’il n’aimait pas le tennis et qu’il ne jouait que pour l’argent. Je me souviens encore de la tête de l’attachée de presse de l’ATP qui assistait aux échanges. Elle n’en revenait pas de ce qu’elle venait d’entendre, son visage en disait long, mais dans le même temps, vu le client, elle n’était qu’à moitié surprise.
Autre petite anecdote : je me souviens être dans le salon des joueurs de Roland-Garros, quelques minutes avant la finale 2021 du double messieurs entre les paires Mahut-Herbert et Bublik-Golubev. Là, tout à coup, je vois passer Alexander Bublik, qui devait entrer sur le court 25 minutes plus tard, avec en main un bon vieux sandwich jambon/fromage des familles. Toujours sur le même thème, durant ce tournoi, Golubev était en galère pour s’entraîner les matins de match, car son partenaire dormait jusqu’à 14 heures pour un match à 17 heures…
On retrouve cette folie douce dans le jeu de Bublik, forcément. Le service peut être un service à la cuillère, tout comme une bombe de 225 km/h en 2e balle. Pour l’adversaire, c’est l’inconnue permanente, ce qui est très déstabilisant.
En voici quelques échantillons :
Mais les joueurs ultra-talentueux, comme l’est Bublik, ont souvent beaucoup de mal à répondre aux attentes. Ils sont en quelque sorte comme ces élèves précoces et supérieurement intelligents qui, de par un ennui en classe dû à leurs énormes facilités, se retrouvent en échec scolaire. Et jusqu’à hier, c’était le cas pour le Kazakhstanais. Par échec, j’entends là aucun titre. A quatre reprises, il s’était incliné en finale (2 en 2019 et 2 en 2021), avant enfin de valider la 5e à Montpellier.
iI peut prétendre intégrer le Top 10.
Alors s’agit-il d’une exception, et Alexander Bublik va-t-il continuer à nous faire rire/rêver sans vraiment jamais rien gagner ? Ou bien sommes-nous en train d’assister à une prise de conscience de ce jeune homme, qui a peut-être décidé de n'en faire moins qu’à sa tête et d’avoir un comportement plus professionnel sur la durée ?
L’historique de son classement est peut-être un début de réponse. Il est en progression permanente pour atteindre, aujourd’hui, lundi 7 février, son meilleur classement à la 31e place mondiale.
Je sais qu’Alexander Bublik fait partie des joueurs pour qui je serais prêt à acheter un billet afin de le voir jouer. Si maintenant il rajoute le fond à la forme, alors il peut prétendre intégrer le Top 10 d’ici la fin de l’année. Espérons juste que sa prise de conscience, s’il s’agit bien de cela, n’aseptise alors pas trop son jeu fantastique et provocateur.
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