“Rivalité saine, positive”, “émulation”. Très souvent, Richard Gasquet, Gaël Monfils, Gilles Simon et Jo-Wilfried Tsonga ont utilisé ces mots pour décrire leurs relations sportives. expliquer comment être arrivé à plusieurs les a aidés à aller plus haut, en voulant faire aussi bien, voire mieux, que les copains. Quand on a grandi, ferraillé toute sa jeunesse avec quelqu’un qui franchit une étape supérieure, on se dit “moi aussi je peux le faire”, ont-ils détaillé. Bons potes, souvent partenaires d’entraînement, Arthur Fils et Luca Van Assche, 18 ans tous les deux, ont pris le même chemin. Récemment, Fils, notamment tombeur de Wawrinka, Gasquet ou encore Bautista Agut, a fait deux demi-finales consécutives à Montpellier et Marseille. Puis, Van Assche, membre de la Team Jeunes Talents, a remporté deux tournois Challenger d’affilée - Pau et Sanremo - pour devenir le seul joueur de moins de 19 ans du top 100. Dans la foulée, mardi à Estoril, il a remporté son onzième match de suite, et - surtout - son premier sur le circuit principal. De quoi s’affirmer en locomotive de la “TJT”, dont plusieurs wagons se sont illustrés ces derniers mois.
Arthur Cazaux
Âge : 20 ans
Classement : 205e mondial au 3 avril 2023 (meilleur classement)
Performances : vainqueur du Challenger de Nonthaburi 2 en sortant des qualifications, puis finaliste de Nonthaburi 3 la semaine suivante, toujours en sortant des qualifications, en janvier
Révélé en 2021, à 18 ans, par des victoires contre Sebastian Korda en qualification du Masters 1000 de Madrid, Adrian Mannarino à Genève - pour son premier match sur le circuit principal - ou encore Richard Gasquet lors du Challenger de Roanne, Arthur Cazaux a ensuite vu son ascension être stoppée par des blessures. Mais depuis que son corps a retrouvé la forme, il a repris sa marche en avant. En septembre dernier, après des mois compliqués, il avait enchaîné le titre de Nonthaburi 2 - pour ouvrir son palmarès en Challenger - et finale de Nonthaburi 3. Un enchaînement qu’il a reproduit en janvier, dans cette même ville.
Sur ta route vers le titre à Nonthaburi 2 en janvier, tu bats successivement Gunneswaran, Sandgren, Novak et Harris (deux anciens top 50 et deux anciens top 100) : est-ce la plus belle série de victoires de ta carrière ?
Oui, je pense. Je n’avais jamais joué autant de bons joueurs, qui ont eu de bons classements, sur plusieurs matchs d’affilé. J’avais déjà battu de très bons joueurs, mais je pense que c’est ma plus belle série. Surtout que je suis allé chercher le titre au bout, donc c’est encore plus plaisant.
Contre Gunneswaran en huitièmes de finale, tu te retrouves avec deux balles de match contre toi à 6-7 4-5 et 15-40 après avoir manqué une volée “facile”. Peu importe, tu sauves les deux balles de match en dictant l’échange du fond, puis une troisième à 5-6 30-40 en venant au filet. As-tu spécifiquement travaillé sur cet aspect : faire le jeu sur les points importants, ne pas céder à la tentation de reculer même après un échec (la volée ratée) ?
C’est vrai, j’ai sauvé trois balles de match, ça ne s’est pas joué à grand-chose (sourire). Forcément, il y a un peu de réussite. Mais, comme on a pu le voir, sur les trois balles de match que je sauve je suis allé de l’avant. C’est un aspect du jeu que j’ai beaucoup travaillé depuis que je suis avec Stéphane Huet (depuis juillet 2022, ndlr), mon entraîneur. Sur les balles de match, je n’ai pas eu peur et je me suis dit que, de toute façon, il fallait y aller. Tout en alliant de la solidité aux bonnes intentions. J’ai su trouver ce juste milieu sur les balles de match.
L’été dernier, tu avais enchaîné titre (ton premier en Challenger) et finale à Nonthaburi. En janvier, rebelote : titre puis finale. Qu’est-ce qui fait que tu te sens si bien là-bas ?
Je me sens bien en Thaïlande, parce que j’y trouve des conditions que j’aime bien. C’est du dur extérieur, avec de la chaleur - il fait très chaud, très humide -, et je suis assez confiant par rapport à mes capacités physiques. Je sais que même dans des conditions difficiles comme celles-ci, je peux tenir. Voir, aussi, que mes adversaires peuvent craquer (physiquement) avant moi, ça me donne encore plus de confiance pendant le match. Et c’est un pays que j’aime beaucoup, assez spirituel, les gens sont très gentils, très accueillants… Je ne sais pas, c’est un environnement que j’aime beaucoup.
Ta progression a été ralentie par quatre mois sans match (de novembre 2021 à mars 2022) en raison de blessures. Une déchirure (psoas), puis une pubalgie, c’est bien bien ça ? Es-tu totalement débarrassé de cette pubalgie ? Tout va bien physiquement ?
C’est sûr, j’ai été beaucoup arrêté depuis deux ans. J’ai eu une déchirure aux abdos qui m’a arrêté un mois et demi, une pubalgie - ma plus longue blessure, qui m’a stoppé huit mois -, une déchirure au quadriceps qui m’a écarté un mois… Et ce ne sont pas les seules blessures de ma jeune carrière. Fin 2016, j’ai eu une fracture au pied, et une fracture au coude fin 2018. Tout ça, ça a été très long. Pour l’instant, j’ai réussi à mettre mes douleurs pubalgiques de côté. J’ai bien bossé à Clairefontaine pendant six semaines en juillet dernier, ça m’a beaucoup aidé à atténuer mes douleurs. Mais je sais qu’il y a toujours un peu d’inflammation et que je serai toujours sensible au niveau de cette zone pubienne. C’est pour ça que, tous les matins, depuis un an, j’ai mes routines pour la pubalgie sinon j’ai encore des douleurs. Et là, depuis que je suis repassé sur terre battue, j’ai toujours des petites douleurs mais j’arrive à le gérer avec mes routines, en allant voir un peu plus les kinés aussi. Donc pour l’instant, ça va, c’est gérable.
Mentalement, comment as-tu géré cette longue période sans matchs ? En as-tu profité pour travailler de nouvelles choses ? Te découvrir de nouveaux centres d'intérêts hors tennis ?
Mentalement, forcément, ce n’était pas évident. Surtout ma pubalgie, parce que je ne savais pas exactement quand j’allais pouvoir reprendre. À des moments je pouvais jouer, à d’autres non parce que j’avais trop mal. C’était compliqué, je ne savais pas quand ces douleurs allaient s’arrêter. Je ne voyais pas le bout du tunnel. Mais j’ai su être résilient, et après mon passage à Clairefontaine, j’ai plutôt bien rejoueé, tout de suite, donc c’était cool. Mais durant cette période (de blessure), j’ai essayé de voir mes proches, de profiter avec eux, de me changer les idées. Mais, même dans des périodes comme celles-ci, durant lesquelles je ne peux pas trop jouer, j’ai toujours la tête au tennis, je cherche des choses à améliorer que ce soit sur le mental ou autre, je regarde aussi des matchs, des vidéos, ce qui est toujours intéressant.
Quels sont tes objectifs pour 2023 ?
C’est d’essayer de me rapprocher du top 100, d’y être avant la fin de l’année, de me qualifier pour le Masters NextGen. Je veux poursuivre ma progression en restant fidèle à mes objectifs, mes intentions, et le reste, le classement, suivra.
Elsa Jacquemot
Âge : 19 ans
Classement : 162e mondiale au 3 avril 2023
Performances : gagnante de l'ITF W100+H de Dubaï en décembre, son premier titre professionnel
Championne du monde junior 2020 et vainqueur de Roland-Garros dans cette catégorie d’âge cette année-là, Elsa Jacquemot se rapproche peu à peu du top 100. Après deux finales sur le circuit ITF, dont une où elle était passée à deux doigts du titre, la Française aux frappes puissantes a remporté son premier titre chez les professionnelle pour terminer l’année 2022 en beauté.
Tu avais commencé l’année 2022 avec ta deuxième finale professionnelle, tu l’as terminée en remportant ton premier titre : quels progrès penses-tu avoir fait entre ces deux finales ?
J’ai fait beaucoup de progrès sur les plans tennistique et physique.
Après ta finale à Manacor en 2022 où tu avais servi deux fois pour le titre, tu nous avais expliqué que la défaite avait été difficile à digérer sur le moment. T’es-tu appuyée sur cette expérience pour gagner à Dubaï ; y as-tu repensé pour gérer tes émotions au moment de conclure ?
Ça a été très dur de ne pas pouvoir gagner mon premier titre, en ayant eu des balles de match. Ça m’a beaucoup servi par la suite. Je n’ai pas repensé à ce moment (la finale perdue à Manacor) pendant ma finale (à Dubaï). Mais je sais que, inconsciemment, même si je n’y pensais pas, ça m’a permis de mieux gérer mes émotions.
En finale, tu bats Magdalena Frech, 118e mondiale (et ancienne top 100). Sur le plan du classement, c’est ta 5e meilleure perf’ en carrière (derrière Kalinskaya 75e, Watson 103e, Burel 103e et Voynets 117e). Réussir cette perf’ dans une finale fait-il de ce match le meilleur de ta carrière à tes yeux ?
C’était un de mes meilleurs matchs, en tout cas, parce qu’on a fait une superbe partie, et l’ambiance était très bonne !
Quel a été le moment clef de ton tournoi ?
Quand j’ai pris conscience que j’étais en train de gagner cette finale, et que j’ai su rester dans le moment présent. J’étais contente de l’avoir fait !
T’es-tu fixée des objectifs en particulier pour 2023 ?
Gagner le plus de matchs possible.
Ksenia Chasteau
Âge : 17 ans
Classement : 4e mondiale junior (meilleur classement) et 73e mondiale (71e, meilleur classement, le 13 mars) chez les dames au 3 avril 2023, en tennis-fauteuil
Performances : finaliste à Marcq-en-Baroeul en janvier, sa première finale en Grade A junior
Moins deux ans en arrière, Ksenia Chasteau perdait, comme son papa, sa jambe gauche suite à un accident de moto. Nouvelle venue dans la Team Jeunes Talents, Ksenia, qui était classée 15/3 au tennis "classique" en commençant la compétition "assez tard" comme elle l'a confié pour le site de la FFT, a connu une ascension éclair en tennis-fauteuil. Au point d'être déjà une des cadors du circuit junior, et bien implantée dans le top 100 chez les dames. Alors qu’elle vient tout juste de fêter ses 17 ans, le 12 mars.
Tu as commencé sur le circuit juniors mondial en mai 2022. Seulement sept mois plus tard, tu gagnes ton premier tournoi et tu es top 5 dans cette catégorie. T’attendais-tu à aller aussi haut aussi vite, ou t’es-tu surprise toi-même ?
J’ai été assez surprise de mon apprentissage rapide du déplacement avec le fauteuil. Cela dit, depuis toute petite, j’ai une bonne capacité motrice. J’ai pu rapidement assimiler les déplacements clés, et en y additionnant ma très bonne base tennistique, les résultats se sont très vite manifestés. Les personnes autour de moi me font comprendre que c’est beau ce que j’ai réussi en aussi peu de temps, mais, moi, je trouve ça presque normal étant donné mon profil sportif.
En plus de ça, tu as gagné les Championnats de France juniors en juin dernier. A ce moment-là, tu n’avais commencé le tennis fauteuil que depuis à peine un an. Pour t’adapter si rapidement, sur quels aspects as-tu particulièrement travaillé ?
Je n’ai pas voulu dissocier le tennis et le tennis-fauteuil dans ma tête. J’ai été bien accompagnée à mes débuts, avec des joueurs qui, eux, en revanche, avaient plus le déplacement que le tennis. Et, donc, ce mélange de compétences m’a beaucoup apporté, je pense. Néanmoins, je crois réellement que ma passion a pris le dessus. Je ne me suis pas uniquement focalisée sur le déplacement avec le fauteuil. J’ai conservé ma signature tennistique, tout en apprenant le déplacement. Un deuxième point qui peut expliquer ma progression manifeste, c’est le soutien que j’ai eu pendant toute mon année à l’hôpital. Résultat, dès ma sortie, j’ai commencé à jouer au tennis-fauteuil grâce aux associations, et à m’entraîner sérieusement.
Quels sont tes points forts ?
Le mental, et la volée.
Tu joues également sur le circuit dames, tu es déjà top 100 (et 6e française). Vas-tu continuer à jouer les deux circuits en parallèle, ou envisages-tu de te concentrer sur le circuit dames dès 2023 ?
Je vais principalement jouer sur le circuit dames. Mais je vais continuer chez les juniors, parce que je souhaiterais être numéro 1 mondiale de cette catégorie et gagner de grands tournois comme l’US Open junior, les Petits As…
Tu es une nouvelle venue dans la Team BNP Paribas Jeunes Talents : quel premier bilan fais-tu de ce début d’aventure avec la Team ? Qu’est-ce que ça t’a apporté ?
Lors de mon premier séminaire avec la Team, j’ai été très heureuse de rencontrer tous ces espoirs français. En tant que joueuse de tennis-fauteuil, faire partie de la Team me raccroche au tennis classique que j’adore, et que je retrouve largement dans ma discipline. L’ambiance est vraiment cool (au sein de la TJT) et nous, jeunes joueurs, bénéficions de précieux conseils de la part de plein d’intervenants. Et le fait que nos parents soient intégrés au projet, ça aide beaucoup.
Shanice Roignot
Âge : 16 ans
Classement : 361e mondiale junior au 3 avril 2023
Performances : gagnante de deux tournois J60 consécutifs à Durban fin janvier et début février, ses deux premiers titres sur le circuit junior
Comptant parmi les meilleures joueuses françaises de sa génération avec, entre autres, Mathilde Ngijol-Carré et Sarah Iliev, deux autres membres de la Team Jeunes Talents, Shanice Roignot avait notamment atteint une finale junior à Saint-Domingue l’an passé. Avant d’être privée des Championnats de France pour blessure. Une déception effacée par un début de saison 2023 en fanfare.
Début de saison tonitruant pour toi, avec deux titres consécutifs à Durba, tes deux premiers trophées en juniors. Qu’as-tu ressenti après la balle de match lors du premier titre ? Était-ce ton meilleur moment de joueuse ?
Remporter ce premier titre junior, c’était beaucoup de plaisir ! Maintenant, il faut continuer à travailler dur que que ce ne soit qu’un début, et en remporter beaucoup d’autres. Mes coachs et moi étions contents de ces victoires, mais maintenant, on a soif d’aller en chercher plus.
Lors du premier titre, tu n’as perdu aucun seul set. Pour le deuxième, tu es sortie gagnante de plusieurs gros matchs (4-6 7-5 7-5 au 1er tour, 7-6 5-7 6-3 en demi-finale, 7-5 2-6 6-4 en finale). Pour ta fiche, tu nous avais confié que physique et mental faisaient partie de tes points forts, tu l'as encore prouvé sur le court ! En match, que te dis-tu dans ta tête au moment de gérer un point important en fin de set ?
Au fur et à mesure des matchs, il fallait que, mentalement, je sois encore plus présente. Parce que j’enchaînais les rencontres, je jouais aussi en double (elle a aussi remporté un titre en double à Durban, avec l’Espagnole Uxue Azurza Frade, ndlr), donc physiquement j’étais moins fraîche. Ce qui a fait que, lors des derniers matchs, j’ai souvent gagné au mental. Je m’accrochais, je combattais chaque point.
Tu nous avais aussi expliqué devoir notamment progresser en revers et dans la tactique. Où en es-tu sur ces deux aspects ?
J’ai beaucoup progressé sur ces deux aspects, mais je me suis aussi améliorée dans les autres compartiments de mon jeu, et sur le mental. Mais je suis encore en formation, je dois toujours améliorer énormément de choses, je ne suis qu’au début. J’ai intégré un centre (le Top Tennis Center, à Barcelone, ndlr) en octobre. Nous avons travaillé pas mal de choses à l’entraînement, mais savoir bien les utiliser en match, c’est encore une autre étape.
Dans quels domaines penses-tu avoir le plus évolué depuis ta finale à Saint-Domingue en avril 2022 ?
Le mental, je pense. Et la technique.
En août, tu avais dû déclarer forfait pour les Championnats de France (dont tu étais la favorite avec Sarah Iliev, future gagnante). Comment as-tu digéré ce coup dur ?
Surtout que mon forfait s’est produit de manière inattendue. Je m’étais déjà préparée pour aller jouer mon premier tour mais en sortant de ma chambre d’hôtel, pour me rendre au stade, je tombe en me tordant la cheville. J’avais mal en posant le pied par terre, je boitais, donc impossible de jouer. Mais ça arrive, ça fait partie des évènements imprévisibles de la vie. Même si j’ai dû déclarer forfait, j’ai eu la chance d’avoir bien pu récupérer, rapidement, et de nouveau être prête pour enchaîner les tournois.
As-tu eu le temps de visiter l’Afrique du Sud pendant ta tournée là-bas ? Si oui, qu’est-ce qui t’a le plus plu (ou déplu) ?
Oui. Par exemple, après ma victoire finale à Durban, mon coach (Pau Trenado) et un joueur (Nicolas Robert) faisant partie du même centre que moi, qui a gagné le titre en simple chez les garçons, nous sommes allés à la plage, au centre ville. J’ai bien aimé, surtout le climat, il faisait très chaud alors qu’en France c’était l’hiver. J’ai vraiment beaucoup aimé mon séjour en Afrique du sud, c’est un beau pays.
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