“Je pense que la différence se fait au niveau mental, nous expliquait Luca Van Assche, 18 ans, lors de l’épisode 3, après plusieurs défaites accrochées contre des membres du Top 100. Mon niveau de jeu n’est pas différent du leur, mais ils sont stables émotionnellement tout au long du match, et j’ai encore quelques fluctuations sur ça.” Poursuivant sa progression épatante, le vainqueur de Roland-Garros juniors 2021 est ensuite passé à deux doigts d’épingler son premier joueur de ce niveau. Défaite 5/7 6/2 7/6 face à Yoshihito Nishioka - 39e mondial - à Anvers. Puis, dans la foulée, lors du Challenger de Brest fin octobre où il a atteint sa deuxième finale dans cette catégorie de tournois, il s’est offert Nuño Borges, 95e de la hiérarchie planétaire. Arthur Cazaux, 20 printemps, a lui franchi le cap du premier titre en Challenger, après une ascension ralentie par les blessures. Vainqueur de Nonthaburi 2 début septembre, qui plus est en sortant des qualifications, il a enchaîné avec la finale de Nonthaburi 3. Diane Parry, figure de proue de la TJT, Antoine Ghibaudo, Daphnée Mpetshi Perricard et Lenny Couturier se sont eux aussi illustrés ces derniers mois.
DIANE PARRY
Âge : 20 ans
Classement : 65e au 31/10/2022 (58e la semaine précédente, meilleur classement)
Performances : première demi-finale sur le circuit principal, à Granby fin août, puis quarts de finale à Portorož mi-septembre et Monastir début octobre
Diane Parry a confirmé. Tombeuse de Barbora Krejčíková - tenante du titre et numéro 2 mondiale -, elle s’était hissée jusqu’au troisième tour de Roland-Garros. Une première pour elle en Grand Chelem. Une performance réitérée à Wimbledon. Depuis, elle a aligné plusieurs résultats probants, en montrant notamment de beaux progrès sur dur.
Après tes Roland-Garros et Wimbledon réussis, tu as enchaîné avec un premier quart de finale sur le circuit principal (Palerme), puis une première demi-finale (Granby) et deux nouveau quarts (Portorož et Monastir). La victoire contre Barbora Krejčíkova au premier tour de Roland a-t-elle agi comme un déclic en te faisant prendre encore un peu plus confiance en tes qualités ?
Oui, certainement, même si ça se fait de façon inconsciente. En tout cas, on se dit que c’est possible d’accrocher et même battre les meilleures joueuses du circuit, et donc qu’on peut très bien le faire à nouveau, face à d’autres top joueuses.
Jusqu’à cet été, tous circuits confondus, tes meilleurs résultats avaient eu lieu très majoritairement sur terre battue. Tu viens de faire demie à Granby et quarts à Portoroz et Monastir sur dur : dans quels domaines penses-tu avoir le plus progressé pour atteindre ce niveau sur cette surface ?
J’ai amélioré mes capacités physiques sur le terrain. Ma résistance et ma rapidité de déplacement me permettent maintenant d’être plus performante sur dur.
En quart à Granby, tu as trois balles de match dans la deuxième manche, avant de finalement t’imposer 6/4 6/7 7/6. Que t’es-tu dit au moment de la perte du deuxième malgré les balles de match ?
J’essaie toujours de jouer point par point. Ne pas me projeter sur les points suivants, et ne pas ressasser ce qui vient d’être loupé pour éviter la frustration, qui est pour moi l’émotion la plus destructrice pendant un match.
Ce quart a duré 2h54, j’imagine que la fatigue a pesé dans les jambes et que c’est en grande partie la fraîcheur qui t’a manquée pour pouvoir rivaliser avec Daria Kasatkina en demie ?
Certainement. Si, sur le moment, la victoire nous permet de ne pas ressentir la fatigue, le capital fraîcheur physique mais également mental sont quand même entamés quand on est passé si près de la chute. C’est peut-être ce qui m’a un peu manquée pour pouvoir rivaliser avec elle ce jour-là, et elle a en plus produit un très bon tennis.
À Portorož, tu t’es inclinée (1/6 7/6 6/3) contre Anna-Lena Friedsam après avoir mené 6-1, 4-1. Après le match, un paquet de parieurs frustrés imbéciles ont déversé leur haine sur les réseaux en t’insultant. Avais-tu déjà vécu ça ? Ça t’atteint ou tu arrives à rester imperméable à ces horreurs, comment le gère-t-on ?
Effectivement, c’est un match que j’aurais dû gagner, mais ce n’est pas la première fois que je reçois des insultes. Je n’y prête pas trop attention. Ça ne m’affecte pas particulièrement, dans la mesure où, d’une part, je ne connais pas personnellement ces personnes qui se livrent à cet exercice et, d’autre part, que je ne suis malheureusement pas la seule à subir ce type d’agression. Ça fait malheureusement partie des inconvénients que j’aurai toujours à supporter et contre lesquels on a pas trop de moyens d’action, j’en ai conscience.
Le 25 octobre, tu es 58e mondiale, ton meilleur classement. Un an en arrière, tu étais 200e, et 342e début juillet 2021. Quels caps penses-tu avoir franchis - que ce soit tennistiquement, mentalement ou physiquement - depuis pour grimper si vite ?
C’est l’amélioration dans tous ces compartiments, par le travail quotidien qui a permis cette évolution, mais je pense que la maturité joue également un rôle important pour franchir des paliers. Et il ne faut surtout pas oublier l'entraîneur. J’en profite pour remercier Gonzalo Lopez Sanchis, mon coach depuis 4 ans, pour tout le travail accompli. Je lui dois une bonne partie de cette progression.
On sait que tu aimes beaucoup Federer : as-tu regardé son ultime match en Laver Cup ? Une petite larme a coulé ?
Bien sûr, l’émotion était immense pour tous ses fans, dont j’ai toujours fait partie !
ANTOINE GHIBAUDO
Âge : 17 ans
Classement : 26e mondial junior au 31/10/2022 (20e au 15/08/2022, meilleur classement), 1148e à l’ATP (a gagné ses premiers points ATP en octobre)
Performances : titré à Pretoria, en Grade A, catégorie la plus importante en juniors derrière les tournoi du Grand Chelem et le Masters
Freiné par des blessures en début de saison, Antoine Ghibaudo a carburé pendant l’été. Fin août, il a remporté un tournoi juniors important à Pretoria. Dans la foulée, à 17 ans, il s’est lancé pleinement sur le circuit professionnel; en jouant des tournois ITF - déjà un quart de finale, à Nevers en octobre - et des qualifications en Challenger.
À Pretoria, tu as remporté ton 3e titre junior de l’année, et le premier de ta carrière de Grade A. Quel importance ce titre a-t-il à tes yeux ?
Ce titre a été très important car c’est un des plus gros tournois sur le circuit junior. Il m’a permis de beaucoup monter au classement, ce qui était un objectif pour moi afin de jouer sur le circuit professionnel.
En finale, tu bats le Sud-Africain Davin Badenhorst face à qui tu t‘étais incliné en finale à Durban un mois et demi plutôt. Qu’as-tu changé pour prendre ta revanche ? As-tu repéré une faiblesse à exploiter dans son jeu ?
Je n’ai pas changé énormément de choses, c’était déjà un très bon match la première fois que je l’ai joué. J’ai essayé d’être meilleur que lui mentalement, et de mieux gérer les moments clefs de la partie. C’est ce qui a fait la différence.
Quel a été le moment clef de ton parcours à Pretoria ?
Le moment clef a été le quart de finale (victoire 6/3 6/3 face à l’Américain Leonid Boika, actuellement 31e mondial junior). Je réussis un super match, ça m’a donné beaucoup de confiance pour la suite du tournoi.
Quel a été ton plus beau coup du tournoi ?
Je n’ai pas un coup spectaculaire qui me revient en tête, mais je gagne le tournoi de Pretoria sur un ace extérieur. C’est, pour moi, mon meilleur coup du tournoi.
Avant Pretoria, tu avais enchaîné avec le titre J2 à Castricum, finale du J2 de Durban puis demie du J1 de Durban. Dans quels domaines penses-tu avoir le plus progressé ces derniers mois pour réussir cette succession de bons résultats ?
J’ai été blessé trois mois en début d’année, ce qui m’a fait manquer le début de la saison. Je ne pense pas avoir progressé dans un domaine en particulier, mais j’ai toujours été sérieux à l’entraînement et c’est ce qui a payé.
Après Pretoria, tu étais 20e mondial chez les juniors. As-tu un objectif de classement d’ici la fin de la saison ?
Je n’ai pas d’objectif de classement. J’essaie de progresser le plus possible et de jouer le mieux possible en match. Mon objectif est d’être le plus performant sur le circuit professionnel à présent.
Ta forme actuelle a-t-elle fait grandir tes ambitions pour l’Open d’Australie juniors 2023, ou te concentres-tu sur le circuit professionnel ?
Je n’ai pas prévu de jouer l’Open d’Australie juniors. Je préfère jouer le circuit professionnel, et c’est aussi une tournée très coûteuse, ce qui est un problème pour moi.
Pendant ta tournée sud-africaine, as-tu eu le temps de visiter le pays ? Si oui, qu’est-ce qui t’a marqué ?
Je n’ai pas eu beaucoup de temps pour visiter. J’ai enchaîné les trois tournois, quasiment sans jour off. J’ai quand même pu aller une fois au zoo aquatique, j’ai pu y voir des animaux de là-bas, comme des requins !
DAPHNÉE MPETSHI PERRICARD
Âge : 13 ans
Classement : 498e mondiale junior au 31/10/2022 (492e la semaine précédente, meilleur classement)
Performances : gagnante du tournoi J3 de Saint-Cyprien fin octobre
En début de saison, Daphnée Mpesthi Perricard n’était encore qu’en découverte du circuit juniors. Et elle avait commencé fort, avec deux demi-finales en avril. Six mois plus tard, elle a soulevé son premier tournoi dans cette catégorie, en remportant le tournoi J3 de Saint-Cyprien pour intégrer le Top 500 mondial junior. À 13 ans.
Tu as joué ton premier tournoi junior fin 2021, avant de te lancer pleinement sur ce circuit en avril dernier. As-tu dépassé tes attentes en remportant, déjà, ton premier tournoi junior avant même tes 14 ans ?
Je n’ai pas d’attentes précises sur ce circuit. Je me concentre sur mon travail, tous les jours, et les points que je dois améliorer. Je suis contente de voir que ce travail porte ses fruits.
En finale à Saint-Cyprien, tu perds le premier 7-5, avant de dérouler 6-1, 6-1. Quel a été la clef de ce match pour retourner la situation ? As-tu changé quelque chose tactiquement ?
J’étais hyper stressée au début du match, alors je n’arrivais pas à mettre en place ce que je devais faire. J’y suis arrivée à la fin du premier set, même si je l’ai perdu. Ensuite j’ai continué à jouer de cette façon et ça a fonctionné.
Analyses-tu beaucoup le jeu de l’adversaire à chaque match, où cherches-tu avant tout à être concentrée sur le tien en restant dans les schémas qui fonctionnent le mieux pour toi ?
Non pas spécialement (d'analyse). Si j’ai l’occasion de la voir jouer, je la regarde un peu mais sans plus ! Ça me donne une petite idée de comment elle joue, mais c’est tout. J’essaie avant tout de me concentrer sur ce que je dois faire.
En avril, dès tes deuxième et troisième tournois juniors (Grade 5), tu avais fait deux demies. Dans quels secteurs as-tu le plus progressé depuis, pour remporter ton premier tournoi (qui plus est en Grade 3 !) ?
Pour ces deux Grade 5, je revenais de blessure. Après, j’ai beaucoup travaillé dans différents secteurs. C’est ce travail qui m’a fait progresser, et qui me fait dire que je suis une meilleure joueuse aujourd’hui qu’il y a six mois.
Avec ce titre, tu as gagné 389 places au classement junior pour faire ton entrée dans le Top 500. T’étais-tu fixée un objectif de classement à atteindre en fin de saison ?
Non, je ne parle pas de classement avec mon entourage.
Fin avril, tu nous avais confié que ta volée avait été particulièrement performante (à Saint-François et au Diamant), notamment en double. Vas-tu de plus en plus vers l’avant en simple ? Comment définirais-tu ton style de jeu ?
J’essaie d’aller de plus en plus vers l’avant en simple. C’est l’un de mes objectifs. Concernant mon style de jeu, je suis une attaquante de fond de court.
Quel est ton programme pour la fin de la saison ?
J’ai les championnats de France fin novembre. En décembre, je pense jouer un ITF junior et certainement un dernier tournoi en France pour terminer l’année 2022.
LENNY COUTURIER
Âge : 14 ans
Classement : 1309e mondial junior au 31/10/2022, meilleur classement (19e mondial des joueurs nés à partir de 2008)
Performances : vainqueur du tournoi international ITF U16 de Blois en juillet, alors qu’il n’avait encore que 13 ans, son premier titre dans cette catégorie
À Blois, Lenny Couturier était en mode rouleau-compresseur. Pour son premier titre ITF en catégorie U16, avant même d’avoir fêté ses 14 ans, Lenny n’a perdu que 3 jeux en moyenne par match. Aucun en finale ; 6/0 6/0. Depuis, il s’est concentré sur la catégorie supérieure, celle des juniors (U18), avec déjà une demi-finale à Saint-Paul, à la Réunion, en octobre.
Tu n’avais pas encore 14 ans, et tu as remporté le tournoi international U16 de Blois. Quels sont tes atouts pour rivaliser avec des joueurs plus âgés (comme William Jade en demie et Enzo Pierrot en quart) et plus puissants que toi ?
J’ai beaucoup utilisé le coup droit de décalage tout au long du tournoi, j’ai aussi beaucoup varié sur chacun de mes matchs et pris le jeu à mon compte. Je pense que c’est important pour rivaliser avec des joueurs plus puissants. J’ai aussi essayé de rester solide au niveau de la qualité de frappe et de balle, pour ne pas trop rater à l’échange.
William Jade, ton adversaire en demie, n’a visiblement pas trouvé de faille dans ton jeu pour donner des conseils à son petit frère, Daniel. En finale, tu as mis 6-0 6-0 à Daniel Jade. As-tu joué l’un des meilleurs niveaux de ta vie ce jour-là ? Avais-tu déjà gagné une finale 6/0 6/0 ?
Je n’ai pas joué l’un des meilleurs niveaux de toute ma vie, mais j’ai fait un excellent match, très relâché aussi, je n’étais pas tendu. Tout était bon. Je ne ratais rien, mais Daniel était fatigué, il refusait donc un peu le combat et les échanges parfois, en partant très vite à la faute. Mais mon match était d’un très bon niveau. C’est la première fois que je gagne une finale 6/0 6/0 ; je n’ai pas encore joué beaucoup de finales.
Tout au long de la semaine à Blois, tu as été presque injouable (6/2 6/1, 6/0 6/1, 6/4 6/3, 6/3 1/0 ab., 6/0 6/0). Avais-tu déjà été aussi régulier à un aussi bon niveau tout au long d’un tournoi ?
Je pense que ça ne m’était jamais arrivé d’être aussi régulier sur tout un tournoi, et encore plus en finale et demi-finale. Je suis très content de ça d’ailleurs, et de toutes mes performances.
Quel a été ton coup le plus efficace pendant le tournoi ?
Le coup droit.
Dans quels domaines penses-tu avoir le plus progressé ces derniers mois, pour réussir ce que tu as accompli à Blois ?
Surtout dans la rigueur et l’investissement sur le court, la stabilité émotionnelle, et la prise de confiance en mon jeu et mes coups.
Au cours du tournoi, c’est Enzo Pierrot, lui aussi membre de la Team Jeunes Talents, qui t’a le plus résisté (en quart, 6/3 6/4). Est-ce “perturbant” de jouer en tournoi officiel contre quelqu’un qu’on connaît bien, ou est-ce plutôt un atout (on peut bien préparer sa tactique contre son jeu) ?
Oui exactement, c’est assez perturbant pour moi oui, parce que je suis rentré sur le court en étant très tendu. Je ne pensais pas à jouer mon jeu, je pensais à qui j’avais en face de moi, que je le connaissais… Je n’avais pas forcément de tactique particulière, j’étais plus dans l’idée de de jouer mon jeu et de produire du bon tennis en utilisant mes points forts
En mars et avril, tu avais joué plusieurs tournois juniors (U18) avant de repartir sur des tournois U16 et U14. Après Blois, tu as rejoué deux tournois juniors. Quel est le programme pour la fin d’année ? Vas-tu privilégier les tournois juniors ?
Je suis en tournée à la Réunion actuellement (en octobre), ça se passe plutôt bien pour l’instant (demi-finale du tournoi junior J5 de Saint-Paul, puis quart de celui de Saint-Denis). Espérons que cela continue. Ensuite je m’entraîne, je vais aux championnats de France (en novembre) et je fais un ou deux CNGT (Circuits Nationaux des Grands Tournois, en adulte) en décembre. Maintenant, je ne vais faire que des tournois juniors et quelques tournois adultes. Le plus important maintenant, ce sont les ITF juniors.