16 ans, visage poupon et chevelure blonde, Mirra Andreeva a des allures de Boucle d’or. Mais ne vous fiez pas aux apparences, son appétit est celui d’un ours. Voire trois. “Mon rêve ? Djokovic a gagné 22 titres du Grand Chelem (comme Rafael Nadal), donc je veux aller jusqu’à 25, si c’est possible, je ne sais pas”, a-t-elle déclaré après avoir battu Diane Parry, membre de la Team BNP Paribas Jeunes Talents, au deuxième tour de Roland-Garros jeudi. Un succès 6-1, 6-2 en 1h17 - alors qu’elle s’était déjà imposée 6-2, 6-1 en 56 minutes contre Alison Riske-Amritraj deux jours plus tôt -, face à celle qui avait pourtant collé un 6-2, 6-3 à Anhelina Kalinina, finaliste du WTA 1000 de Rome.
Passée par les qualifications pour faire ses débuts en Grand Chelem, la jeune Russe est déjà en train de confirmer les attentes nées de sa révélation récente. Datant de Madrid, fin avril, où la finaliste de l’Open d’Australie juniors était arrivée en grande confiance, auréolée de 13 victoires consécutives en infligeant au passage cinq 6-0 pour remporter deux ITF W60 de suite. Ceux de Chiasso, en passant par les "qualif'", et Bellinzona. Ses cinquième et sixième trophées professionnels. Déjà. Dans la capitale espagnole, en tant que wild card, elle avait prolongé sa série d’invincibilité de trois unités. De façon sidérante.
“Comme mon coach me le dit, il ne faut pas faire sa diva” - Mirra Andreeva
Pour son deuxième tournoi sur le circuit principal, commencé alors qu’elle n’avait pas encore 16 ans - elle les a fêtés le jour de son troisième tour, le 29 avril - elle était allée jusqu’en huitièmes de finale avant d'être quelque peu éteinte par Aryna Sabalenka. “Je suis désolé pour ces mots, mais elle m’a botté le cul (sourire)”, a-t-elle déclaré au sujet de sa défaite 6-3, 6-1, marquée par une seconde manche au cours de laquelle elle n’avait gagné que trois points sur le service de la Biélorusse. Mais avant cela, l’actuelle 143e de la hiérarchie planétaire avait brillé de mille feux en éliminant deux membres du top 20 et une du top 50 : Leylah Fernandez (49e), Beatriz Haddad Maia (14e) puis Magda Linette (19e). Sans perdre le moindre set.
“Sur le circuit féminin actuel, j’aime vraiment beaucoup Leylah Fernandez, mais maintenant qu’elle l’a battue, ma joueuse préférée, c’est Mirra”, avait à cette occasion blagué Erika Andreeva, sa grande soeur - 18 ans, 147e mondiale -, lors d’une interview croisée avec Mirra pour Courts. Le danger de cette émergence précoce au haut niveau, c’est d’avoir la tête qui gonfle au point de ne plus avoir les pieds sur terre. Et si sa frangine lui lance des fleurs, sur le ton de la plaisanterie, son entourage est là pour éviter tout risque qu’elle les ramasse et s'en fasse un bouquet.
“Comme mon coach (le Franco-Monégasque Jean-René Lisnard, ancien 84e mondial, qui l'entraîne dans son centre à Cannes) le dit, il ne faut pas se faire sa diva, s’est-elle exprimée devant les journalistes à Paris, dans un anglais parfait, le phrasé calme, posé et naturel, dégageant une grande sincérité. Il faut toujours rester humble. Et je ne pense pas avoir eu tant de succès que ça. Je n’ai gagné aucun tournoi (sur le circuit principal), je suis seulement au troisième tour de Roland-Garros. Je n’ai rien fait d’incroyable.” Réfléchie devant les micros, la native de Krasnoïarsk, en Sibérie, l’est aussi raquette en main : “J’avais un plan contre ces deux joueuses (Alison Riske-Amritraj et Diane Parry).”
“Je dois réviser mes cours, faire mes devoirs, mais soyons honnêtes, parfois je ne les fais pas” - Mirra Andreeva
Si elle n’a pas la puissance dévastatrice d’une Sabalenka pour mettre l’adversaire à quatre mètres de la balle sur une frappe, Andreeva, 1,71 m, aime jouer proche de sa ligne de fond pour prendre l’échange à son compte. Faire travailler son opposante, la déplacer, en variant angles et trajectoires. Excellente en défense, déjà très mature sur le plan tactique, elle sait quand elle doit accélérer ou ralentir, se donner du temps en jouant des coups très bombées pour revenir dans le point. Avec elle, on est très loin de la stratégie Océane Dodin. “Mon style ? Ce n’est pas compliqué, je ne mets que des lattes, avait expliqué la Française à L'Équipe en 2015. C’est du tennis bim-bam-boum. S'il n'y a pas de troisième frappe, c'est mieux."
Malgré sa vie déjà extraordinaire, au sens propre du terme, Mirra Andreeva reste, sur certains points, comme beaucoup de jeunes de son âge. “Je dois réviser mes cours, faire mes devoirs, mais soyons honnêtes, parfois je ne les fais pas (rires), a-t-elle confié. Il m’arrive de regarder une série à la place.” Et peut-être qu’un jour elle sera elle-même dans une série, si Netflix continue de s’intéresser au tennis. Déjà assurée d’intégrer le top 100 après Roland-Garros et faisant partie des deux seules joueuses du top 600 - avec Brenda Fruhvirtová, 146e - à etre nées à partir de 2007 Mirra Andreeva semble destinée à jouer les premiers rôles. Mais elle le sait, il ne faut jamais vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Il lui reste encore beaucoup de travail à accomplir, le casting est l’un d’être terminé.
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