Kyrgios, Medvedev, Zverev, Tsitsipás… Après une ère policée, les langues sortent des poches

26 avr. 2023 à 14:13:05 | par Mathieu Canac

Depuis l'arrivée au plus haut niveau de Rafael Nadal, Roger Federer et Novak Djokovic, les meilleurs joueurs du monde nous ont habitués a mutuellement se couvrir d'éloges. Mais, depuis quelques années, la génération plus jeune n'hésite pas à se tirer publiquement dans les pattes.

Une fois le dernier échange joué, on s’enlace, on tapote le torse de l’adversaire, on le tient par l’épaule ou taille. La poignée de main ressemble presque à une courte séquence de danse à deux. Un bal des faux-culs, parfois, tant tout cela peut être uniquement une façade offerte au public par deux joueurs ne s’appréciant pas réellement. Parce que c’est devenu la norme. À des années lumières de l’époque, révolue au début des années 2000, où on se serrait la pogne, et basta. Mais depuis quelques temps, on voit un peu plus d’échanges moins tactiles et chaleureux au filet. Certains étant même plus que frisquets, comme à Monte-Carlo entre Holger Rune et Jannik Sinner, Alexander Zverev et Daniil Medvedev.

Une tendance qui se retrouve également en conférence de presse, ou dans les interviews. Dans une ère, notamment impulsée par le Big 3, où les meilleurs joueurs sont aussi les jardiniers les plus habiles pour tresser des couronnes de lauriers à leurs rivaux, certains se plaisent à jouer les “mauvaises graines”. En balançant sur les collègues des déclarations n’ayant rien de fleurs, si ce n’est peut-être le piquant de la rose. “Il est l’un des joueurs les moins fair-play du monde, a lâché Zverev à Monaco, après s’être incliné 3-6 7-5 7-6⁷ face à Medvedev l’ayant irrité par son attitude et une pause-toilettes prise à 4-3 dans le dernier set. En tant que sportif, il me déçoit énormément.

Maître du contre aussi bien sur le court que devant les micros, Medvedev a répliqué dès le lendemain. “Si quelqu'un de super fair-play comme Diego (Schwartzman), Casper (Ruud), Karen (Khachanov) ou Andrey (Rublev) me dit quelque chose comme ça, je me sens désolé, a-t-il d’abord répondu. Mais Sascha (le surnom de Zverev) n'est pas ce genre de gars. Quand il dit que quelqu'un n'est pas fair-play, tu as envie de lui répondre : 'OK, super, regarde-toi dans le miroir.’ (...) Non, nous n'avons jamais vraiment été des amis proches, ou peut-être un peu en juniors. C'est seulement lui, dans des discours de remises de prix, qui a dit être ami avec ma femme et moi, ce qui n'est clairement plus le cas depuis longtemps.

“J’espère qu’Andrey (Rublev) battra de très nombreuses fois ce joueur (Stéfanos Tsitsipás)” - Daniil Medvedev

À Munich, la semaine passée, un journaliste a remis une pièce dans la machine en relançant l’Allemand sur le sujet. “Il (Medvedev) a dit que ce n’était pas à moi de parler de fair-play, mais, moi, je n’ai jamais pris de temps mort médical ou de pause-toilettes inutiles, a répondu ce dernier. Je gagne ou perds uniquement avec mon tennis, je suis très fier de ça. Si Daniil veut venir me parler, aucun problème.” Car le Russe n’a jamais eu de souci pour s’exprimer. Y compris quand il n’était pas directement concerné. Comme pour se mêler de la bisbille entre son compère Andrey Rublev et Stéfanos Tsitsipás.

En fin de saison dernière, Tsitsipás, battu par Rublev lors du Masters, n’avait pas été d’humeur aux compliments après la rencontre. “J’ai l’impression d’être un meilleur joueur (que Rublev), avait-il lâché. J’aurais pu faire plus de choses avec la balle, être plus créatif, inutile de le préciser, c’est assez évident. Mais il a su s’imposer avec les quelques outils qu’il a dans son jeu.” Trois mois et demi plus tard, après s’être imposé face à Rublev en en finale du tournoi de Dubaï, Medvedev a glissé une pique au Grec.

Il n’y a pas longtemps, un joueur a dit qu’il (Rublev) n’avait que peu d’outils dans son jeu, a déclaré le surnommé ‘Danya’ lors de la remise des prix. Ce n’est pas vrai. J’espère qu’il battra celui qui a dit ça de très nombreuses fois dans les années à venir.” Une pierre, deux coups. En plus de soutenir un ami, le vainqueur de l'US Open 2022 a pu attaquer un “ennemi”. Une nouvelle fois. Parce que par le passé, depuis leur premier clash - sur le court, à Miami en 2018 - Medvedev et Tsitsipás ont rarement raté l'occasion de se balancer une vacherie.

“C’était probablement un gars (Nick Kyrgios) qui victimisait les autres à l’école” - Stéfanos Tsitsipás

Jouer contre Daniil, c’est ennuyeux, tellement ennuyeux, c’est comme une journée de plus au boulot, avait balancé le natif d’Athènes, battu par le Moscovite à Shanghai en 2019. “Je pense qu’on se respecte en tant que joueurs, mais probablement pas beaucoup en tant que personnes (sourire)”, avait révélé le brun avant de s’incliner contre le blond à Roland-Garros en 2021. Puis, après le quart finale de l’Open d’Australie 2022 remporté par Medvedev, Tsitsipás en avait remis une couche. “Je sais que certains aiment faire ce genre de truc (la colère noire de Medvedev contre l’arbitre) pour tenter de vous déstabiliser mentalement, a-t-il commenté. C'était peut-être une tactique. Il n’est pas la personne la plus mature de toute façon (sourire).

Quelques mois plus tard, à Wimbledon, ce fut avec Nick Kyrgios que l’homme aux cheveux longs avait poursuivi le duel au-delà du match. “Son attitude finit vraiment par vous taper sur les nerfs, avait-t-il déclaré. Il fait de l’intimidation constante. C’était probablement un gars qui victimisait les autres à l’école (un ‘bully’, a-t-il dit en anglais). Je n’aime pas ces gens-là.” L’Australien, habitué à envoyer des scuds dans tous les sens depuis des années - à Novak Djokovic avant de se rabibocher à l’occasion de leur finale à Wimbledon, “You, absolute pelican” envoyé à Karen Khachanov sur Twitter ou encore un “Your mum” adressé à Casper Ruud et supprimé ensuite - ne s’était pas fait prier pour répliquer.

Je n’ai jamais donné une poignée de main comme il (Tsitsipás) l’a fait, avait-il répondu. J’ai toujours regardé mon adversaire dans les yeux en disant ‘Bien joué’ même quand j’ai été disqualifié contre Casper Ruud (à Rome en 2019). Il (Tsitsipás) ne l’a pas fait, il n’a pas été un homme.” De l’histoire ancienne, toutefois. Les deux bougres ayant joué ensemble en double lors d’une compétition exhibition - la Diriyah Cup - en décembre. Ces langues de plus en plus déliées ne sont pas sans rappeler une période qu’on a appelé “l’âge d’or du tennis”. Avec un John McEnroe qui balançait “J’ai plus de talent dans mon petit doigt que Ivan Lendl dans tout son corps”, ou encore un Jimmy Connors à l’origine du surnom “Chicken” (poule mouillée) donné à ce même Lendl. Un temps où les joueurs ne donnaient pas dans le bal masqué, pour avancer à visage découvert sans cacher leurs inimitiés.

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