Service, mental (et palmarès) différents : le sacre de Sabalenka à l’Open d’Australie

1 févr. 2023 à 19:27:04 | par Mathieu Canac

Invaincue en 2023, Aryna Sabalenka a aligné onze victoires consécutives, en ne perdant qu’un seul set, pour remporter le tournoi d’Adélaïde et - surtout - l’Open d’Australie. Grâce à un service plus stable, et un nouvel état d’esprit sur le court.

 

Lors de mes trois demi-finales, j’ai eu tellement d’opportunités que je n’ai pas su saisir. J’essaie de me dire que tout arrive pour une raison, et que ça me rend plus forte. J’imagine qu’au moment de ma prochaine demie, je serai une joueuse bien meilleure.

Le 9 septembre 2022, à l’US l’Open, Aryna Sabalenka s’inclinait 3/6 6/1 6/4 face à la patronne Iga Świątek. Sa troisième défaite en autant de demi-finales de Grand Chelem. Un nouveau revers, sans nouveau défaut. Que du déjà-vu : la Biélorusse était apparue très à fleur de peau, en difficulté pour gérer ses émotions dans les moments importants. Mais pas de quoi briser son ambition et la confiance en son potentiel. Elle était convaincue d’avoir à nouveau sa chance dans le futur. “Je dois continuer, avait-elle ajouté. Continuer d’essayer, continuer à me battre, continuer de faire de mon mieux. Je pense que ça va aller en s’améliorant. Si ce n’est pas cette année, ce sera la prochaine. Je serai prête à faire face à tout.” Chose dite, chose faite. Un peu moins de cinq mois plus tard, elle a fait voler en éclats son plafond de verre.

“J’ai commencé à travailler avec un gars de la biomécanique”

Pour aller bien plus haut. Jusqu’au sacre à l’Open d’Australie. Une couronne de laurier qu’elle a commencé à se tresser, en partie, en amont de Flushing Meadows lorsqu’elle s’est mise à travailler avec Gavin MacMillan, expert en biomécanique. Le but : remettre sa gestuelle de service en harmonie avec son corps. Avant le Majeur new-yorkais, elle affichait un bilan de 41 doubles fautes en 333 matchs, soit 8,12 en moyenne par rencontre. Grâce au travail effectué, ce ratio a diminué. Légèrement, d’abord, avec 6,79 unités par partie sur le restant de l’année 2022, pour atteindre notamment la finale du Masters perdue face à Caroline Garcia. Puis plus significativement, en tombant à  4,64 doubles fautes par duel depuis le début de la saison.

Cerise sur le gâteau, la joueuse de 24 ans a retrouvé plus d’efficacité en première balle : 7,36 aces par affrontement en 2023, contre un ratio de 4,53 dans ce domaine l’an passé. “J’ai énormément bossé sur mon service, qui était un désastre, a-t-elle expliqué en conférence de presse après son huitième de finale contre Belinda Bencic à Melbourne. J’ai tout essayé, puis j’ai commencé à travailler avec un gars de la biomécanique. Il m’a beaucoup aidée. À partir de là, je pense que tout a commencé à se mettre en place. Je pensais que le problème était mental, mais ça ne l’était pas. Il m’a montré ce qui n’allait pas dans mon geste.

“Je suis ma propre psychologue”

Toutefois, celle qui a terminé l’exercice 2022 en tête du classement des doubles fautes - avec 428 unités, soit 139 de plus que la deuxième, Ekaterina Alexandrova - a également passé un cap mentalement. Pour remporter son premier titre du Grand Chelem, elle s’est évertuée à s’orienter vers plus de quiétude sur le court. “Je me sens différente, a-t-elle confié avant d’aborder sa demi-finale contre Magda Linette sur le dur de la Rod Laver Arena. Lors de mes trois premières demi-finales (de Grand Chelem), je n’étais pas vraiment calme. Je surjouais. Je voulais tellement y arriver que je me précipitais. J’étais nerveuse, je hurlais après mes erreurs, etc. Désormais, je suis plus calme. Je pense vraiment que c’était la seule chose qui manquait à mon jeu.” La suite lui a donné raison.

Pour trouver son chemin, Sabalenka, qui était guidée par un psychologue du sport depuis ses 18 ans, a choisi de continuer à avancer seule. “J’ai décidé d’arrêter avec mon psychologue, a-t-elle révélé après sa victoire contre Linette. Pendant la pré-saison, je lui ai dit que j’avais besoin de gérer ça moi-même. Espérer sans cesse que quelqu’un règle mes problèmes, ça ne règle pas mes problèmes. Il fallait que je prenne cette responsabilité. Je suis ma propre psychologue maintenant (rires). (...) Je pense que je me connais assez bien. Je sais comment gérer mes émotions.” Et quand les vieux démons sont venus tenter d’installer l’enfer sous son crâne, elle a su faire face.

“Je suis devenue une joueuse différente, une Aryna différente”

Lors du dernier jeu de la finale au cours de laquelle elle a perdu son seul set en 2023 - victoire 4/6 6/3 6/4 contre Elena Rybakina - la native de Minsk a eu besoin de quatre balles de match, entrecoupées d’une balle de débreak à sauver, pour atteindre le paradis. Sur la première, un fantôme est revenu tenter de la hanter : double faute. Au moment le plus important de sa carrière, muée en Ghostbuster, elle a sorti l’aspirateur à spectre. “Après la double faute, je me suis dit que ça allait devenir amusant (rires), a-t-elle déclaré une fois le trophée en poche. Pendant le dernier jeu, j’étais évidemment nerveuse mais j’ai continué à me répéter : ‘Personne ne te dit que ça va être facile, il va falloir s’accrocher jusqu’au dernier point’. Je suis super heureuse d’avoir été capable de gérer mes émotions.”   

Je pense vraiment que j’avais besoin de passer par mes défaites difficiles à digérer (notamment en demi-finale de Grand Chelem) pour me connaître un peu mieux, a-t-elle ajouté. Grâce à ça, je suis devenue une joueuse différente, une Aryna différente.” Une Aryna Sabalenka numéro 2 mondiale avec un tout autre statut : celui d’une gagnante de Grand Chelem.

 

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