Swiatek a réclamé plus de silence, Roland-Garros l'a entendue (malheureusement)

30 mai 2024 à 18:25:45 | par Mathieu Canac

Après les déclarations de David Goffin et Iga Świątek contre le public, Roland-Garros a décidé de prendre des mesures annoncées ce jeudi. Si celles en réponse aux plaintes du Belge étaient indispensables, celles découlant des reproches de la Polonaises sont sujettes à débat.

« L'alcool était jusqu'ici autorisé dans les tribunes. Désormais, c'est terminé (...). S’il y a le moindre comportement au-delà de la limite dans les tribunes, j’ai fait passer la consigne aux personnels de sécurité d’évacuer les personnes, même si elles ne sont pas toujours faciles à identifier. (.. ..) On sera intransigeant sur le respect des joueurs et du jeu. »

Face aux polémiques de ces deux derniers jours, Roland-Garros, par la voix d’Amélie Mauresmo, directrice du tournoi, a décidé de prendre les choses en main. Avec une prise marteau, pour taper fort sur certains pignoufs davantage présents pour transformer le stade en embrouillamini que pour mettre l’ambiance. Après sa victoire épique en cinq manches lundi contre Giovanni Mpetshi Perricard sur le court 14, cuvette - car semi-enterré - devenant chaudron dès qu’un joueur français y met les pieds, David Goffin s’est plaint de comportements de « Maurice ». De ceux qui poussent le bouchon un peu trop loin, pour faire dans l’euphémisme.   

« J’ai été victime d’insulte, on m’a même craché un chewing-gum » - David Goffin

« Ça va trop loin, c’est de l’irrespect total, a déclaré le Belge après la rencontre, comme l’a relayé Tennis Majors. C’est vraiment trop, ça devient du football. Bientôt, il y aura des fumigènes, des hooligans et ça se battra dans les tribunes. Ça commence à devenir ridicule. Certains sont là pour foutre le bordel. » « J’ai été victime d’insultes, on m’a même craché un chewing-gum dessus lors d’un changement de côté, a-t-il aussi relaté. Je n’avais jamais vécu ça. » Des comportements intolérables. On ne prend pas un être humain pour un vulgaire dessous de table de classe sous lequel on « peut » coller sa gomme à mâcher, comme disent les Québécois, pour ne pas se faire gauler par le prof.

Le lendemain, après un autre match d’anthologie, Iga Świątek, gagnante 7-6¹, 1-6, 7-5 en sauvant une balle de match contre Naomi Osaka, a elle aussi critiqué le public. En le regardant droit dans les yeux, lors de l’interview sur le court. « Quand nous sommes sous pression et que vous criez pendant le point, c’est vraiment très dur de rester concentrée, a-t-elle déclaré. C’est du sérieux pour nous. On donne nos vies pour être toujours meilleures. (...) C’est difficile d’accepter ça (les cris pendants les points). Les enjeux sont énormes, il y a beaucoup d’argent à gagner. Perdre quelques points peut changer le cours d’un match. »

« Si vous pouviez nous encourager entre les échanges mais pas pendant, ce serait super » - Iga Świątek

« S’il vous plaît, si vous pouviez nous encourager entre les échanges mais pas pendant, ce serait super, a-t-elle continué. J’espère que vous allez quand même continuer à m’apprécier, parce que je sais que le public français peut prendre certains joueurs en grippe et les huer. Mais je vous aime et j’ai toujours adoré jouer ici, alors continuons comme ça.» La reine de Roland-Garros, gagnante de trois des quatre dernières éditions, a réclamé le silence du peuple pendant ses coups de raquette : elle a été entendue par l’organisation du tournoi de la porte d’Auteuil.

« On est heureux de voir qu'il y a une ambiance, des émotions et que les spectateurs sont au rendez-vous (...) On peut manifester son enthousiasme, a assuré Amélie Mauresmo. Mais s’exprimer pendant un point, c’est non. On va essayer de limiter ça au maximum. Les arbitres ont reçu des consignes encore plus serrées et précises sur le fait de tenir leur public. » Or, existe-t-il meilleur moment qu’un point de folie pour devenir dingue et laisser exploser son émotion  ? Faut-il se contenir, perdre la spontanéité, pour attendre la fin de l’échange et s’enflammer froidement quand le joueur va chercher sa serviette pour s’essuyer ?

« J’ai trouvé le public vraiment cool, je vis pour ces moments » - Naomi Osaka

À l’US Open les tribunes sont bien plus dissipées qu’à Paris, et réputées pour leur ambiance unique au monde. Pendant les rallyes prodigieux, jalonnés de contres miraculeux en réponses à des coups fabuleux ou autres adjectifs terminant par -eux, le public fait monter les décibels à en filer des acouphènes définitifs aux oreilles les plus solides. En comparaison, la décision de « RG » visant à contenir l’énergie du stade est donc un peu difficile à comprendre. D’autant plus que l’adversaire de Świątek, Osaka, a, elle, apprécié l’atmosphère sous le toit du court Philippe-Chatrier, malgré des tribunes clairsemées (un autre problème à régler).

« J’ai trouvé le public vraiment cool, s’est exprimé la Japonaise en conférence de presse à l’issue du duel entre quadruples gagnantes en Grand Chelem. Je vis pour ces moments (ces ambiances). Ça me montre que le public prend du plaisir, et c’est ce dont j’ai envie. Je veux que les gens, peu importe que je gagne ou perde, se disent : ‘Oh, je passe vraiment un super moment devant ce match. Personnellement, je n’ai eu aucun problème avec le public. Mais je suis habitué à celui de New York aussi (sourire). » À Flushing Meadows - ou Świątek a d'ailleurs elle aussi triomphé, en 2022 -  elle avait notamment remporté une finale plus électrique que la foudre elle-même, indescriptible, face à au monument Serena Williams soutenue comme un seul homme par tout le stade en 2018.  

« Elle (Iga Świątek) ne peut pas se plaindre » - Paula Badosa  

Interrogée sur le sujet après sa victoire contre Yulia Putintseva au deuxième tour jeudi, Paula Badosa a envoyé une pique à la Polonaise. « Je pense qu’elle (Iga Świątek) ne peut pas se plaindre, a lancé l’Espagnole J’ai joué sur les courts 8 et 9 où on peut tout entendre, même les bruits du Suzanne-Lenglen et du Philippe-Chatrier. Je crois qu’elle a beaucoup de chance de jouer tout le temps sur le Chatrier, et ça, ça ne lui pose aucun problème. Mais ça m’est égal. Sur les petits courts j’entends énormément de bruits ; je reste tellement concentrée sur moi-même et sur mon match que ça ne me dérange pas vraiment. Et j’aime quand le public met l’ambiance, ça me motive. Pendant le covid, sans les fans, c’était triste. Ils sont importants pour notre sport. »

Malheureusement pour le public de Roland-Garros, les chances de voir les deux femmes régler leurs comptes sur le terrain sont aussi minces qu’un sandwich SNCF. Elles ne peuvent ne peuvent se retrouver qu’en finale et l'Espagnole doit défier, au troisième tour, son ami Aryna Sabalenka. La favorite du tournoi derrière Iga Świątek.

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