Alizé Cornet annonce sa retraite

29 avr. 2024 à 18:53:38 | par Eli Weinstein

Le week-end dernier, Alizé Cornet a annoncé, sur Canal + (choix intrigant), qu’à l’issue de son dernier Roland-Garros, elle prendrait sa retraite de joueuse professionnelle. L’aventure s'achèvera donc exactement là où elle avait commencé, après 19 ans d'une carrière exceptionnelle !

« Elle est entrée sur le terrain sans rien à perdre, en défendant crânement sa chance. Elle frappe bien la balle. Elle a envie, elle a la rage. On l’a bien vu sur le terrain aujourd’hui, elle ne lâche rien. Elle a un bel avenir, oui, un bel avenir. » Il s’agit là des mots d’Amélie Mauresmo pour Alizé Cornet, à l’issue de leur deuxième tour à Roland-Garros, en 2005. Alizé avait 15 ans. C’était son tout premier tableau sur le circuit principal. Au premier tour, elle avait créé la sensation en dominant la Russe Alina Jidkova, alors classée 71e, 7-6 6-3. Cette victoire surprenante d'Alizé lui avait alors ouvert la porte à un match face à son idole, la numéro 3 mondiale du moment, celle qu’elle avait en poster au-dessus de son lit. Elle finira par perdre 6-0 6-2 face à Amélie Mauresmo, mais peu importe car, on le sait maintenant, il s’agissait là de la ligne de départ d’un marathon long de 19 ans.

C’est donc tout récemment, à savoir le week-end dernier, qu’Alizé Cornet a pris la parole sur Canal + (choix intrigant de média, vu qu’ils ne font quasiment plus de tennis), pour faire une double annonce : Roland-Garros 2024 sera son dernier et dans la foulée du tournoi, elle prendra sa retraite.

« J’ai envie de décider de ma sortie et là, je sens que j’ai un peu moins à donner, en termes d’envie. Pour moi, c’est le bon moment pour dire au revoir au tennis », a déclaré Cornet. Aucun débat possible. Ce qu’a dit la Française dans ces quelques mots est ce que disent tous les joueurs. A la différence qu’Alizé fait ce qu’elle dit. Nombreuses et nombreux sont ceux qui annoncent que le jour où ils n’auront plus la motivation, ils arrêteront. Et pourtant, certains et certaines font traîner. J’aime cette honnêteté dans l’attitude, ces actes qui suivent les paroles. C’est assez rare pour être souligné.

Bastien Fazincani : Quand je pense à Alizé, explique-t-il, ce qui me frappe le plus est son implication dans le travail.

Alors comment rendre hommage à dix-neuf ans de carrière ? Evidemment en commençant par énumérer son palmarès. Elle a remporté 6 titres sur le circuit principal avec, dans l'ordre chronologique, Budapest (2008), Bad Gastein (2012), Strasbourg (2013), Katowice (2014), Hobart (2016) et Gstaad (2018). En 2019, elle a fait partie de la campagne victorieuse de la - alors encore - Fed Cup (la compétition sera rebaptisée Billie Jean King Cup en 2020). Et même si elle n’a pas joué en finale, elle aura apporté un point déterminant en quart, en Belgique, face à la numéro 1 adverse, Elise Mertens. Elle a également disputé neuf finales dont celle du « 1000 » de Rome en 2008. Pour être très précis, tout au long de sa carrière, Alizé Cornet a empoché $10,337,117 en prize money. Sa plus grande force a sans doute été sa longévité. Elle est d’ailleurs la recordwoman de présences consécutives dans les tournois du Grand Chelem avec 68 participations d'affilée, série en cours. 

De sa carrière, elle aura forcément quelques regrets, l’un de ne pas avoir réussi à intégrer ce foutu Top 10, restant bloquée à la 11e place (son meilleur classement). On imagine aussi qu’elle aurait voulu mieux faire en Grand Chelem, même si elle a atteint un quart de finale à l’Open d’Australie en 2022. Une belle seconde semaine à Roland aurait sans doute bien résonné dans ses oreilles. Il lui reste encore une chance, même si ça paraît compliqué.

Alizé Cornet, c’est aussi une énorme battante avec un caractère pour le moins bien trempé. On se souvient tous de cette scène cocasse à Indian Wells, en 2018, face à Zhuk.

Le coach qu’elle vire du court ce jour-là est Bastien Fazincani. Je vous rassure, il ne lui en tient pas du tout rigueur. « Quand je pense à Alizé, explique-t-il, ce qui me frappe le plus est son implication dans le travail. Elle cherche toujours à s’améliorer sur un court. Elle peut rigoler sur le banc durant une pause, puis on reprend l’entraînement et là, elle remet son masque de pro et ça ne rigole plus du tout. C’est quelqu’un de très intelligent, sur et en dehors du court. On peut parler avec elle de tout. Elle est cultivée, intéressante, curieuse. Mais c’est son côté battante que je retiens le plus. Elle ne lâche jamais.

J’ai une anecdote qui la caractérise très bien. On allait disputer le tournoi de Limoges en 2017. On se retrouve dans un club où étaient programmés les entraînements, il faisait 0 degré dans la salle. On avait les gants, le bonnet… Là, elle s’est mise à taper. Puis on a fini la séance, mais elle a voulu continuer en jouant des points. Et ce qui devait arriver arriva, elle se blesse musculairement. Les 48 heures qui ont suivi ont été dédiées à récupérer de manière à pouvoir disputer ce premier tour face à la 118e joueuse mondiale, Danka Kovinic. 99 joueuses sur 100 n’auraient pas joué ce match, qui était en fin de saison et qui aurait pu remettre en cause sa préparation pour la suivante. Pas Alizé. Durant ces 48 heures, elle a tout fait, sauf jouer au tennis ou courir. Uniquement de la récup. Lorsqu’elle est arrivée sur le court, elle n’avait plus couru depuis deux jours. Après un jeu, elle me regarde et me dit qu’elle va lui faire faire la faute en trois frappes. Elle finira par gagner ce match 6-1 7-6. Ce match n’a changé en rien sa carrière, elle n’avait aucun intérêt à le jouer, elle était alors classée 38e, et pourtant, elle l’a fait et s’est imposée. Ça, pour moi, c’est Alizé Cornet. »

Caroline Garcia : Elle a eu une carrière assez extraordinaire.

A l’occasion du tournoi de Madrid, Caroline Garcia, co-équipière d'Alizé en équipe de France et avec qui elle a été championne du monde en 2019, a eu des mots sympas pour sa copine : « Nous, on le sait depuis quelques semaines. Elle nous avait envoyé une vidéo quand on était au Portel (lors de la rencontre de Billie Jean King Cup France - Grande-Bretagne). Je ne pensais pas qu'elle allait l'annoncer. Elle est sur le circuit depuis tellement longtemps... Je la connais bien, on a vécu plein de moments incroyables ensemble. Même si je le savais, quand j'ai écouté son interview, ça m'a remis un coup sur la tête. Je me suis dit, punaise... C'est là que tu te rends compte que les années passent. À un moment, il faut tourner la page. Elle a eu une carrière assez extraordinaire. Elle a toujours essayé de se remettre en question, d'évoluer. C'est incroyable le recul qu'elle a sur elle-même, les questionnements par lesquels elle est passée. Je suis admirative et j'espère qu'elle ne restera pas trop loin et qu'on pourra toujours se voir un peu. »

Il reste encore quelques semaines à Alizé Cornet en tant que joueuse professionnelle, avant de devenir romancière à temps plein, ou de se lancer dans une autre activité comme consultante par exemple. Avec son franc-parler, c’est un exercice dans lequel elle pourra sans doute exceller (sur Canal ?). 

Même si ce n’est pas encore terminé, on souhaite à Alizé une belle fin de carrière et, surtout, bon vent pour la suite. Et, pourquoi pas, la retrouver un jour sur le banc de l’équipe de France pour emmener les « Bleues » vers un nouveau titre...

 

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