Comme prévu, voici venu le temps de la deuxième salve de prix pour 2023. Après les plus belles révélations de l’année, dont Mirra Andreeva et Arthur Fils sont les heureux lauréats - ils m’ont d’ailleurs tous les deux appelé pour me remercier de les avoir distingués (lol) -, l’heure est venue de récompenser les plus belles progressions du millésime qui s’achèvera dans 23 jours.
Plus belle progression féminine 2023 :
Elles sont bon nombre à postuler à ce prix si convoité. Pas tant parce qu’il a une valeur pécuniaire - à ce propos, je tiens à rassurer tout le monde, tout cela n’est qu’honorifique -, mais tout simplement parce qu'il signifie qu’elles ont réussi une grande saison. J’aurais pu nommer Jasmine Paolini qui s’est installée dans le Top 30 alors qu’elle pointait au-delà de la 60e place en début d’année. Coco Gauff aurait également pu être titrée avec son été de folie et cette victoire historique à l’US Open. Mais il me semble que la lauréate qui se détache est la Tchèque Marketa Vondrousova.
Au 2 janvier 2023, premier lundi de l’année et jour du premier classement annuel, Marketa Vondrousova pointait à la 92e place mondiale. D’ailleurs, il y a un an jour pour jour, elle était engagée en simple et double au WTA 125 d’Angers, dirigé par Nicolas Mahut, où elle s’était inclinée face à Alycia Parks, la future lauréate. 2023 avait ensuite démarré avec un quart de finale à Adélaïde et un 3e tour à l’Open d’Australie, non sans avoir battu la numéro 2 mondiale, Ons Jabeur, au 2e tour. C’était un premier signal mettant en évidence le fait que la finaliste malheureuse de Roland-Garros 2019 était sur la bonne voie.
Dans la foulée, elle s’est offert une demi-finale au WTA 500 de Linz, ainsi qu’un huitième au BNP Paribas Open à Indian Wells, en disposant au passage, une fois de plus, d’Ons Jabeur, cette fois classée 4e. A Miami, c’est Veronika Kudermetova et Karolina Pliskova qui ont fait les frais du retour en forme de celle dont la surface favorite est la terre battue pour avoir grandi dessus, mais dont le jeu est « plus adapté à des surfaces dures ». Tiens, elle n’a pas parlé de gazon, ça tombe bien, on va y revenir.
« J'étais ici l'année dernière en train de regarder ma meilleure amie Miriam Kolodziejová. Je portais un plâtre »
Sur la terre justement, romaine, Vondrusova a cette fois dominé Bianca Andreescu (31e) et Maria Sakkari (8e). Les perfs devenaient de plus en plus régulières. Puis est arrivée la tournée, toujours aussi courte, sur gazon. Un seul tournoi à Berlin, ponctué d'un quart de finale, pour retrouver les sensations du gazon et travailler la transition des glissades de la terre battue, puis « Hop ! A Wimbledon ». Et la magie a opéré. Sept matches pour autant de victoires, pour celle qui, jusque-là, avait touché du doigt de grandes finales (Roland-Garros et les Jeux Olympiques de Tokyo en 2021) mais sans jamais soulever le trophée de la championne.
Sur la route pour le titre, elle a évincé Veronika Kudermetova (12e) au 2e tour, Donna Vekic (21e) au troisième, sa compatriote Marie Bouzkova (33e) en huitième, Jessica Pegula (4e) en quart, Elina Svitolina en demi-finale (spoiler alert : on reparlera de Madame Monfils dans les jours à venir) et, finalement, comme un symbole, Ons Jabeur en finale, pour une troisième confrontation en 2023 et autant de victoires.
Avant de disputer sa finale, Marketa déclarait : « Je suis tellement reconnaissante d'être ici, d'être en bonne santé et de rejouer au tennis après cette blessure au poignet. J'étais ici l'année dernière en train de regarder ma meilleure amie Miriam Kolodziejová. Je portais un plâtre. Avec ma soeur, on est allées la voir à Roehampton, puis on a passé une semaine à Londres. J’avais fait du shopping et quelques bons restaurants. J’étais loin d’imaginer qu’un an plus tard, je serai en finale de Wimbledon. »
Elle est entrée dans le Grand Chelem londonien classée à la 42e place mondiale. Elle en est sortie numéro 10. Puis elle est parvenue à maintenir son rang, voire l’améliorer un chouia grâce notamment à un quart de finale à l’US Open. Et elle a réussi à se qualifier pour le Masters féminin, même si celui-ci ne lui a pas vraiment souri, avec trois défaites en trois matches.
Peu importe, Marketa Vondrousova a réussi une année 2023 tout juste incroyable et pour cela, elle mérite sans aucun débat de recevoir le prix de la plus belle progression féminine 2023.
Plus belle progression masculine 2023 :
Sur le circuit masculin, le choix est tout aussi délicat. Comme pour les femmes, plusieurs postulent à ce prix si convoité. Naturellement, je pense à Jannick Sinner. Choix étonnant pour certains, mais il me semble aussi difficile de faire le saut de 100 à 30 que de 15 à 4, ce qui correspond à l’évolution du classement de l’Italien en 2023.
J’aurais pu choisir Ben Shelton, qui a réussi une année incroyable, mais à mon sens, l’Américain concourait dans la catégorie des révélations et celle-ci a été remportée par Arthur Fils. C’est comme ça. C’est moi qui décide. Je persiste et signe que j’ai ce privilège incroyable et je l’adore.
Revenons donc à mon lauréat de la plus belle progression et à Jannik. Saviez-vous qu’en atteignant la 4e place mondiale, il est devenu seulement le deuxième Italien à réussir cet exploit ? Avant lui, c’était Adriano Panatta, le 24 aout 1976 ! Et si on reste dans les records du tennis italien, celui du nombre de victoires en une saison est tombé, car les 57 victoires de Sinner n’avaient jamais été atteintes depuis le début de l’ère Open. Forcément, autant de victoires appellent des titres. Et en 2023, l’homme qui, durant le COVID, faisait un don de 10 dollars pour aider contre la pandémie pour chaque photo reçue de pizza qui lui ressemblait (la preuve qu’il est à la fois généreux et qu’il a de l’humour), en a remporté quatre. Il a ainsi égalé son record de tournois gagnés sur une année, après 2021 où il s’était imposé à Melbourne (l’ATP 250), Washington (ATP 500), Sofia (250) et Anvers (250). La grosse différence, c'est que dans son palmarès 2023, il y a (enfin) un Masters 1000 : Toronto.
Cette finale remportée face à Alex de Minaur était sa troisième dans la catégorie reine du circuit ATP. Avant cela, il s’était incliné à deux reprises, à chaque fois à Miami, face à Hubert Hurkacz en 2021 et Daniil Medvedev cette année. Avant ce titre canadien, Sinner avait aussi atteint en 2023 le dernier carré au BNP Paribas Open d'Indian Wells, son meilleur résultat en Californie, battant au passage le tenant du titre Taylor Fritz. C’est Carlos Alcaraz qu’il l’avait ensuite dominé pour une place en finale. Le même Alcaraz sur qui il avait pris sa revanche en demie, quinze jours plus tard, dans le sud de la Floride.
La transition sur terre battue n’a ensuite posé aucun problème au natif de San Candido en Italie. Son premier tournoi sur terre a été Monte-Carlo, où il a fait encore partie des quatre derniers joueurs en lice. La suite de la saison sur ocre a en revanche été beaucoup moins fructueuse, avec la grosse contre-performance d’avoir été sorti au 2e tour de Roland-Garros par l’Allemand Daniel Altmaier, au terme d'un match totalement fou.
Paradoxalement, c’est à Wimbledon qu’il s’est illustré en parvenant à se hisser, avec brio, dans le dernier carré. A tel point qu'on pensait même qu’il allait pouvoir surprendre la machine Novak Djokovic en demie. Malheureusement pour lui, trois sets plus tard, il était dans l’avion. Néanmoins, le niveau de jeu affiché durant sa quinzaine londonienne laissait présager de belles choses.
« Je crois qu'il fait de moi un meilleur joueur, comme tous les autres joueurs contre lesquels j'ai perdu »
Celles-ci n’ont pas attendu longtemps. Lors de son tournoi suivant, Toronto, Jannik Sinner soulevait donc son premier titre en Masters 1000, après une semaine phénoménale, durant laquelle il ne concéda qu’un petit set face à Gaël Monfils en quart de finale. La suite de la tournée américaine a été bonne également, mais pas aussi incroyable, avec un huitième décevant à l’US Open.
En revanche, la fin d’année de celui qui est désormais entraîné par Darren Cahill a été hors norme. A Pékin, il bat coup sur coup Carlos Alcaraz et Daniil Medvedev pour soulever la coupe. A Vienne, il bat à nouveau le Russe en finale, avant de l'éliminer en demi-finale des ATP Tour Finals à Turin, où il chute ensuite sur Novak Djokovic en finale. Ce tournoi lui était pourtant promis. Il avait battu le Serbe en poule, mais s’est fait prendre tactiquement le jour de la finale. Après cette défaite, il déclarait tout simplement : « Le tennis est intéressant car chaque jour est différent. Un jour, j'ai gagné contre lui. Puis, au même endroit, dans les mêmes conditions, j'ai perdu. Mais j'ai vu aujourd'hui que je dois encore m'améliorer. Je crois qu'il fait de moi un meilleur joueur, comme tous les autres joueurs contre lesquels j'ai perdu. Je dois maintenant travailler là-dessus. D'abord, je vais à la Coupe Davis. Après, j'aurai un peu de temps, un mois, pour travailler sur ce que je dois améliorer, notamment physiquement. »
Non seulement il est beau joueur, mais il est surtout lucide et philosophe. Comme il le disait, il s’est envolé pour la phase finale de la Coupe Davis et y a retrouvé Novak Djokovic en demie. Cette fois, l'Italien a retenu la leçon et s’est défait du numéro 1 mondial. Il été monstrueux durant la semaine de Malaga et a offert le titre à l’Italie, achevant le travail face à Alex de Minaur sur un 6-0 ! Après la victoire de l’Italie en quart de finale, face aux Pays-Bas, à la question « A quel moment les choses ont tourné ? », le capitaine néerlandais, Paul Haarhuis, avait répondu en conférence de presse : « Lorsque Jannik Sinner est arrivé à Malaga ! »
Pour moi, Jannik Sinner, en plus d’être un joueur exemplaire dans l’attitude et la détermination, mérite amplement le prix de la plus belle progression masculine de l’année.