Andrey Rublev a remporté l’UTS (Ultimate Tennis Showdown) de Francfort la semaine passée (15 au 17 septembre 2023), en dominant Grigor Dimitrov en finale. Il s'agissait de la deuxième édition de cette exhibition « hors format », où l’on peut faire appel à une carte joker qui triple la valeur du prochain point, où le shot clock est à 15 secondes, où les matches se jouent en quart-temps de huit minutes, où il n'y a pas de deuxième balle… C’est le spectacle exacerbé. L’idée étant vraiment de faire le plus spectaculaire possible. Les joueurs présents sont invités, ils ont tous des surnoms et, à la fin, le vainqueur empoche une belle somme. Et les autres aussi, surtout ne vous inquiétez pas !
De plus en plus, les profils conviés à participer à ces semaines sont ce qu'il y a de plus alléchant en termes de spectaculaire sur le circuit. Pas étonnant donc d’y trouver du Bublik, Kyrgios, Monfils, Shelton, Eubanks, Rublev, Paire, Tiafoe… Tous, de manière unanime, quittent la semaine d’UTS enchantés. Ils aiment pouvoir jouer au tennis de manière différente. L’idée de Patrick Mouratoglou, organisateur de l’événement, est d’attirer un nouveau « fan base » au tennis. Pour cela, le « coach » estime qu’il faut s’éloigner de l’ultra traditionnel comme on peut le voir par exemple sur le Centre Court de Wimbledon. L’UTS, c’est un peu les « X Games » du tennis.
Cette semaine, dans la foulée de l’UTS (et de la Coupe Davis 😢), une quinzaine de joueurs vont se rendre à Vancouver pour participer à la 6e édition de la très élégante Laver Cup. On n'est toujours pas dans le tennis traditionnel, même si beaucoup plus par rapport à l’UTS. L’inspiration est là clairement la Ryder Cup, avec une équipe Europe et l’autre Reste du monde. Une fois de plus, pas de cut ou de classement, on vient uniquement si « Rodge » vous invite. Comme à l’UTS, chaque joueur, selon s’il fait partie de l’équipe gagnante ou perdante, recevra $125 000 ou $ 250 000. En plus de cela, les joueurs reçoivent tous un cachet dont la valeur n’a pas été communiquée et qui est calculé par rapport à leurs classements respectifs. Pas de folie ici, juste deux équipes qui s’affrontent avec des simples et des doubles. Une espèce de Coupe Davis ultra accélérée.
Concernant les forces en présence, on est sur des profils beaucoup plus lisses, tels que Stefanos Tsitsipas, Hubert Hurkacz (pas rancunier Roger), Taylor Fritz, Tommy Paul, Félix Auger-Aliassime. Puis il y a les joueurs qui conviennent aux deux compétitions, comme Gaël Monfils, Andrey Rublev et Casper Ruud (pas compris comment il s’intègre dans les joueurs ultra charismatiques, mais bon …), qui enchaînent Francfort et Vancouver. Tout comme pour l’UTS, les joueurs qui disputent la Laver Cup en sortent enchantés. Nick Kyrigos était même allé jusqu’à dire que c’était son épreuve préférée de l’année.
J’adore l’énergie qui en ressort et je me laisse volontiers prendre au jeu
Bien que différents l’un de l’autre, ces deux tournois d’exhibition apportent beaucoup de fraîcheur à un circuit qui, parfois, est en manque de coups d’éclat. Il faut dire que toute la communication autour de ces deux évènements est particulièrement léchée. Rien n’est oublié. Les hot shots sont en pagaille, on est constamment abreuvés d'images de coulisses, l’émotion est ultra présente et surtout, tennistiquement, il se passe des choses assez incroyables, sans doute dues au fait que les joueurs ont moins de pression, sont plus relâchés et peuvent ainsi produire un tennis plus spectaculaire.
En tant que gros consommateur de tennis, si l’on me propose un match d’un ATP 250 lambda entre deux joueurs mal classés, devant dix-sept spectateurs, ou bien une séance de jeux dans les carrés de service avec Bublik (aka The Bublik Enemy) et Ben Shelton (aka The Mountain), mon choix est fait direct. Si c’est le cas pour moi, alors que je suis ultra connaisseur, j’ose même pas imaginer ce que ça peut donner pour des novices.
Lorsque la Laver Cup a vu le jour, un grand nombre de critiques sont apparues. Personnellement, je n’aime pas que l’on fasse semblant qu’il s’agisse d’une compétition sérieuse. En revanche, j’adore l’énergie qui en ressort et je me laisse volontiers prendre au jeu. Puis, à l’occasion du Covid, est arrivé l’UTS. On pensait que ça pourrait être du one shot, mais en fait, pas du tout. Non seulement le phénomène s’installe dans la durée mais, en plus, il se démultiplie.
Sortir enfin la tête du sable
Que pouvons-nous donc tirer de cela ? Très simple. Si rien ne change dans le tennis professionnel, si les dirigeants de ce sport ne comprennent pas qu’il faut réagir et s’adapter au mode de consommation d’aujourd’hui, alors il va y avoir de plus en plus de Laver Cup et d’UTS. Sincèrement, je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas le cas. Les joueurs sont payés et bien payés, le public est ravi et les chiffres sont de mieux en mieux.
Evidemment que les Grands Chelems, pour l’instant, ne seront pas affectés par cela. En revanche, les « petits » tournois qui font face à ces événements dans le calendrier ont vraiment du souci à se faire. Ma recommandation à l’ITF, l’ATP et la WTA serait de sortir enfin la tête du sable. Le monde change et le tennis avec…