Le premier mardi de Roland-Garros 2023 a eu lieu la deuxième session de soirée du tournoi, avec l’affiche Gaël Monfils face à Sebastian Baez. Le match, qui était peut-être LE match du tournoi, s’est terminé vers 1 heure du matin. D'un point de vue fatigue, ce match m’a fracassé. Ce soir-là, j’ai dû m’endormir vers quatre heures du matin, pour reprendre cinq heures plus tard. Néanmoins, je ne regrette pas une seule seconde ce match et le fait d’y avoir assisté. Il s’agit de ces moments qui font un tournoi. Je n’ose même pas imaginer ce qui se serait passer si, à 23 heures, le match avait été interrompu. En fait, je sais : Baez aurait gagné, car « La Monf » n’avait pas plus d’un match dans le corps.
A Wimbledon, ce type de match ne peut pas avoir lieu, pour la simple et bonne raison qu’à 23 heures, on renvoie tout le monde à la maison, joueurs, spectateurs, officiels… Le gardien du stade éteint la lumière, met un tour de clef et tout le monde au dodo. Je trouve cela totalement scandaleux. Au nom de quoi l’organisation de Wimbledon se permet-elle d’interrompre des moments d’histoire potentiels ? En fait, ils n’ont pas vraiment le choix. Je ne vais pas non plus les défendre - ne vous inquiétez pas -, mais dans ce cas précis, c’est la législation qui oblige le tournoi à interrompre les parties en raison des riverains qui, après 23 heures, ne doivent surtout pas être dérangés. Vous comprenez, l’Anglais n’est pas un couche-tard.
L’ambiance était à son apogée, alors forcément, logique, on arrête tout !
Le problème est que cette règle/loi a peut-être coûté le match à Sir Andy Murray, qui menait deux sets à un face à Stefanos Tsitsipas, avant que 23 heures ne sonnent. Il avait le vent en poupe, le public était à bloc, l’ambiance était à son apogée, alors forcément, logique, on arrête tout !
Comment faire évoluer cette règle qui nous a clairement empêchés hier soir, d’assister à la fin d’une bataille entre Novak Djokovic et Hubert Hurkacz, alors que le Serbe menait deux sets à rien (7-6 7-6) ? C’est donc potentiellement, depuis le début du tournoi, deux immenses fins de matches dont le couvre-feu nous a privés : celle entre l’homme aux 23 Grands Chelems et le Polonais mieux connu sous le surnom (que je viens d’inventer) de « Jean-Michel-je-frappe-les-yeux-fermés », ainsi que celle du Tsitsipas-Murray.
Pensez-vous que les propriétés aux alentours de Wimbledon soient du low cost? Dans le cas contraire, pensez-vous que la valeur de ces biens est en partie due à leur proximité avec le Grand Chelem londonien ? Je pose la question, car dans l’éventualité où il existerait une corrélation entre la valeur des biens et la proximité du All England Lawn Tennis and Croquet club, alors ne pourrait-on pas accuser les sympathiques riverains de quelque peu cracher dans la soupe ? En l’état, le voisinage profite du gazon et de l’argent du gazon, ce qui est une anomalie. Normalement, « on ne peut pas tout avoir… ».
Les téléspectateurs de Wimbledon se chiffrent en centaines de millions.
Je propose, vite fait, quelques arguments qui permettraient peut-être d’adoucir la pilule. Si les matches pouvaient s’étendre dans la nuit londonienne, alors, maybe, le dimanche « off » pourrait-il être à nouveau de rigueur. Les propriétaires locaux pourraient, eux, mettre en location leur biens à des prix loin de ceux d’un mobil-home au camping des Flots Bleus. On serait donc sur du « win/win » (j’écris un peu en anglais pour qu’ils comprennent), ils toucheraient le pactole, ils ne seraient pas dérangés par des bruits insupportables de balles de tennis et surtout, nous, les fans de tennis, les vrais, pourrions assister à un match du premier au dernier point sans devoir faire un break pour la nuit.
Je ne suis pas certain du nombre de riverains qui sont concernés par cette pénibilité (peuchère), mais j’imagine qu’ils ne se comptent pas en centaines de milliers. En revanche, je sais que les téléspectateurs de Wimbledon se chiffrent en centaines de millions. Je sais également que, lorsqu’il est 23 heures à Wimbledon, il n’est pas la même heure dans le reste de la planète. Je me mets à la place d’un Australien qui regarde un match de déglingo avec Kyrgios (pas cette année, évidemment) et à qui on dit : « On s’arrête pour un peu plus d’une demi-journée avant que vous puissiez assister à la fin de ce match. »
Et je ne vous parle même pas du match entre Garcia et Fernandez qui a commencé sur un court et s’est achevé sur un autre, comme s’il s’agissait d’une partie comptant pour le troisième tour du tournoi interne du TC de Bourgolles-les-Mimounettes-sur-Flaune.
Je vous dis, un truc de fou.