C’est factuel, Gaël Monfils est le dernier représentant français au Moselle Open 2021. Il a décroché, hier, jeudi 23 septembre, son billet pour les quarts de finale du tournoi de Metz en dominant Philippe Kohlschreiber pour la 15e fois en 17 rencontres ! Pauvre « Philou »…
Après le match, le 20e joueur mondial s’est rendu, comme il est de coutume et de règlement, en conférence de presse. Après trois questions, il a eu droit à celle-ci :
Vous êtes le seul Français en quart de finale et c'est la première fois que cela arrive à Metz…
Alors certes, ce n’était pas exactement une question, mais ça appelait une réaction. Celle-ci n’a pas tardé :
« Il faut arrêter avec ce truc de zéro Français en fin de tournoi. Est-ce que les gars qui ont perdu étaient favoris de leur match ? Je ne suis pas sûr. Je trouve dur de pointer ça du doigt. C'est déjà assez dur de perdre. Tout le monde cherche à gagner, on ne fait pas exprès de perdre. Oui, peut-être qu'on performe moins cette semaine. Oui, peut-être que ça ira mieux la semaine prochaine. Oui, c'était compliqué en Grand Chelem cette année. Mais ce n'est pas une fin en soi. Combien de pays rêveraient d'avoir autant de joueurs que nous dans le classement ? On est une grande nation de tennis, même si, de temps en temps, c'est un peu plus dur. Il ne faut pas trop nous mettre en haut quand on joue bien, mais il ne faut pas trop nous pointer du doigt quand on perd. Cela fait mal et on espère que ça changera rapidement. La période a été compliquée, mais on va revenir. »
Le journaliste de L'Equipe qui, je précise, n’est pas celui à avoir lancé cette phrase, a retranscrit, mais a pas mal coupé, car la réponse/coup de gueule de Gaël était bien plus longue. Mais la substantifique moëlle est bien là : il en a marre d’entendre parler du zéro Français.
Les deux positions sont défendables.
D’un côté, on a un journaliste qui fait son métier en évoquant le nez au milieu de la figure, avec des résultats français décevants cette semaine, ce qui rappelle évidemment une année compliquée en Grand Chelem pour nos Bleus. Sans doute aurait-il fallu amener la chose autrement. Peut-être aurait-il pu vraiment poser une question, tout en faisant précéder ses dires d'une formule du type : « Désolé de revenir là-dessus, mais … ». Je ne dis pas qu’il faille prendre des pincettes à chaque fois, mais pourquoi pas, de temps en temps, arrondir un peu les angles de manière à adoucir l’atmosphère ? Il s’agit tout de même d’un dialogue entre deux êtres humains et, jusqu’à preuve du contraire, rien ne fonctionne mieux que la diplomatie.
Du côté de Monfils, je compatis également. Il vient de passer 1h32 sur le court (la conférence de presse a eu lieu 10 minutes après la fin de son match). Il a gagné. Il s’est qualifié pour les quarts de finale et pourtant, on lui reparle du mauvais bilan tricolore. Un discours qu’il a malheureusement trop entendu cette année. Néanmoins, ce n’était pas la première question de la conf. Si ce sujet avait été évoqué sans même parler du match, alors oui, on aurait compris qu'il s’agace. Mais là, ça fait partie du job. En fin de conférence de presse, on s’éloigne souvent un peu de l’actualité « chaude », comme pouvait l’être sa victoire toute fraîche sur « Philou ».
L’analyse globale que j’en fais est que cet échange traduit clairement un malaise entre la presse française et les joueurs. Certes, ça ne date pas d’hier. Depuis que je suis dans ce milieu, soit 1995, j’ai le souvenir d'avoir toujours assisté à ce genre de scénettes. Mais ça faisait un petit moment. Quoique. Ne serait-ce que la semaine dernière, Richard Gasquet avait poussé un coup de gueule sur la critique de la présence familiale dans sa structure. Et si on va plus loin, on peut remonter à Naomi Osaka qui a carrément fait une espèce de burn out, essentiellement dû à la presse.
Cette dernière (la presse) est-elle trop présente ? Faut-il limiter les interventions ? Changer le système ? Ce qui est certain, c’est que pour le moment, il (le système) est ainsi fait. Les journalistes posent des questions aux joueurs après les matches. Les marques sponsorisent les joueurs. Les fans achètent les journaux. Les marques font de la pub dans les journaux. Les fans achètent des produits de ces marques. Les marques sponsorisent les tournois. Les tournois payent les joueurs etc etc…
Sans doute que tout ça est revisitable. Pas simple, mais revisitable. Mais en attendant, il faut faire avec. Il faut continuer à poser les questions et surtout, il faut continuer à y répondre. Gaël aurait pu aussi dire : « Oui, ça m’attriste d’être le seul Français en quarts ». Point à la ligne. Là, il a développé, peut-être pas directement répondu, mais a donné de quoi faire réagir. La preuve, j’en parle encore.
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