Contre-pieds mortels

2 juil. 2021 à 11:19:00 | par Eli Weinstein

Le gazon de Wimbledon est dangereux. Depuis le début du tournoi, légion sont les joueurs qui ont chuté. Plus de peur que de mal direz-vous. Pas vraiment. Adrian Mannarino a dû abandonner face à Roger Federer alors qu’il menait 2 sets à 1, tout comme Serena Williams. Que se passe-t-il ? Et surtout, comment y remédier ?

Je n’arrive pas à tourner la page. Adrian Mannarino aurait vraiment pu battre Roger Federer. Il n'y a pas que moi qui le pense, Roger himself est d’accord : « Mannarino était le meilleur sur le court aujourd’hui. » Alors certes, le meilleur n’est pas toujours le vainqueur, la preuve, mais c’est quand même normalement un avantage. Son nom aurait été lu en majuscules sur toutes les unes du monde et enfin - et cela est non négligeable -, il m’aurait donné raison

Mais je n’écris pas cet article pour vous dire « I told you so ». Non, je prends la plume pour dénoncer les conditions de jeu à Wimbledon. C’est fou quand même ! Alors même que Roger Federer était en conférence de presse après cette victoire sur abandon, il apprenait de la bouche d’une journaliste que Serena Williams venait elle aussi d’abandonner, en raison d’une blessure contractée sur le même court, sur la même ligne de fond que Manna.

Le terrain n’offre pas de résistance au pied d’appui et là : patatras.

S’il vous plaît, jouez avec moi deux secondes. Fermez les yeux et imaginez que le même scénario ait lieu, non pas à Wimbledon, mais à Roland-Garros. Le Grand Chelem parisien se ferait DETRUIRE par la presse mondiale. Et les premiers à crier au scandale seraient sans aucun doute les journalistes britanniques. Mais là, comme il s’agit de Wimbledon, le « temple du tennis », ça passe crème.

Je n’ai pas du tout la prétention de regarder tous les matches, mais à chaque fois que je m’attarde sur l’un d’eux, ça ne loupe pas. Franchement, je me demande encore par quel miracle Gaël Monfils, Jo-Wilfried Tsonga ou Nick Kyrgios n’ont pas quitté le court sur des béquilles. Les trois ont fait exactement la même chose : reprise d’appui sur un contre-pied. Le terrain n’offre pas de résistance au pied d’appui et là : patatras. Un quasi grand écart facial à chaque fois. Toujours dans sa conférence de presse, Federer a avoué que lui aussi a un peu glissé et surtout qu'il fallait faire très attention en se déplaçant, l’herbe étant très glissante. Tu m’étonnes. Je vous rassure, à aucun moment il n'a dit que ce n’étaient pas des conditions dignes d’un Grand Chelem... 

Moi par contre, je le dis : ce ne sont pas des conditions dignes d’un Grand Chelem. Ni d’un Masters 1000, ou encore du tournoi interne du club de ton village. C’est hyper dangereux. Je ne peux pas croire qu’il s’agisse d’une surprise pour les organisateurs. Ils savaient forcément dans quel état était la pelouse ! Et pourtant, on continue comme si de rien n'était.

Sir Andy Murray s’est tout de même permis de communiquer un peu sur les conditions de jeu avec ce tweet :

Il aurait pu également mentionner Manna, mais bon…

Novak Djokovic a également mordu le gazon involontairement, durant son premier tour face à Jack Draper. Le numéro 1 mondial a avoué ne pas se souvenir d’être « autant tombé sur le Centre Court ». 

Non seulement ce n’est pas de la faute du tournoi, mais en plus, everything is going to be OK.

Les explications de l’organisation du tournoi sont magiques : « les conditions météorologiques les plus humides de la décennie ». Du coup, le toit étant resté fermé, cela a accentué l’humidité, ce qui, de facto, a rendu les conditions de jeu plus compliquées. Mais rassurez-vous, le tournoi précise aussi que « la préparation des courts est exactement aussi méticuleuse que les années précédentes » et que « les courts vont se raffermir au fil des matchs ».

Eh bien nous voilà soulagés ! Non seulement ce n’est pas de la faute du tournoi, mais en plus, everything is going to be OK. Au passage on nous parle que du Center Court et du 1, mais il y a des « chute Patrick » sur tous les courts.

La seule explication qui revient est celle du toit fermé qui augmente l’humidité. Et alors ? Ce n’est pas une fatalité. Il doit bien y avoir un moyen de contrer cette humidité, sans quoi cela veut dire que le système est défaillant. Et s'il pleuvait chaque année à Wimbledon (blague) ? C’est tout ? C’est comme ça ? Il pleut, désolé, et bonne chance aux joueurs. Désolé, mais je ne l’accepte pas. Je ne suis pas ingénieur mais j'imagine qu'il doit exister un système de séchage pour lutter contre cette sur-humidité. Il est inconcevable qu'un tournoi quel qu'il soit reçoive des joueurs dans ces conditions. 

Dans cette misère, Wimbledon s’en sort malheureusement bien. Car si à la place du genou de Manna, cela avait été celui de Federer qui avait tourné, alors là…

Vous voyez la une de l’Équipe : « Fin de carrière pour Federer suite à sa blessure à Wimbledon. ».

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