Jérémy Chardy : « Mon ambition est juste de me faire plaisir et de profiter de chaque moment sur le court »

3 févr. 2023 à 11:53:52 | par Eli Weinstein

Jérémy Chardy est l'un des joueurs de tennis les plus occupés. Après un an et demi d’absence, il a effectué, à l’occasion de l’Open d’Australie, son retour à la compétition. A ce même Open d’Australie, il entraînait - et entraîne toujours - Ugo Humbert, fraîchement sélectionné en équipe de France de Coupe Davis. A ces deux casquettes, il faut ajouter celle de directeur du Challenger de Pau qui a lieu fin février.

- Toi, quand tu fais ton retour, tu ne fais pas semblant ! Tu es passé de blessé à joueur/entraîneur/directeur de tournoi. D'où ma première question : es-tu hyperactif ?
C’est bizarre parce que je suis plutôt calme, mais j’adore faire plein de choses, et apprendre en même temps. Dès que j’ai un nouveau projet, dans un domaine que je ne connais pas du tout, ça m’attire et j’ai très envie de me lancer. Et lorsque je commence quelque chose, je me mets à fond dedans. Je veux tout savoir, essayer de tout comprendre. De ce fait, l’investissement est total.

- Le bilan de ton retour à la compet' est forcément bon, avec un premier match/tour gagné à l’Open d’Australie en simple et une demi-finale en double, rien que ça. Mais comment étaient tes sensations ? Y avait-il de l’appréhension, de l’inquiétude, de l’excitation, du stress… ?
C’était très bizarre, car pour la première fois, je n’ai pas éprouvé de stress avant le match. Il y avait beaucoup de plaisir et de joie de pouvoir repartir sur le court, de retrouver la compétition et de me retrouver dans un Grand Chelem. Et en même temps, je ressentais énormément de peur car je n’avais aucun repère. D’ailleurs, au début du match, j’avais l’impression que je n’avais jamais joué au tennis. J’étais perdu sur le court, j’avais l’impression qu’il était tout petit. C’était très, très bizarre, je n’arrivais plus à lancer ma balle. Pendant un set entier, j’étais complètement perdu, je ne savais même plus quel « grip » je devais prendre en revers. Grâce à mon expérience, je  n’ai pas paniqué et j’ai su rester calme.

- As-tu « mieux » vécu la défaite au 2e tour ?
Franchement, ce n’est pas une défaite qui a été lourde à encaisser. Après mon premier match, j’avais des douleurs partout. J’ai découvert des muscles dans mon corps ! J’avais des douleurs à des endroits dont j’ignorais l’existence ! Sincèrement, je n’allais pas en Australie pour gagner un match. Simplement le fait de jouer était pour moi une victoire. Alors le fait de perdre au deuxième tour n’a rien changé, ce n’était que du positif. Après mon match, j’étais dans le vestiaire avec mon kiné et Ugo (Humbert). On a rigolé, puis lui avait son match et je suis donc vite passé à autre chose.

Jérémy Chardy voudrait surtout être prêt physiquement pour jouer à Roland-Garros.

- Quel est ton calendrier désormais ?
Ce n’est pas simple, car je n’ai que mon classement protégé pour jouer (55 en double, 88 en simple). J’en ai 12 sur toute l’année, sachant que j’en ai déjà pris un. J’ai donc décidé que les trois prochaines semaines, je n’allais jouer qu’en double. Ça me permet de conserver mes classements protégés pour la terre battue, le gazon et l’été. Le but est de pouvoir continuer à me préparer physiquement avant la terre battue. Le fait de jouer des doubles me permet de continuer à faire des matches. En plus, être sur les tournois me donne la possibilité de m’entraîner avec les joueurs du circuit, de faire des sets en simple et, doucement, de retrouver le rythme. Je voudrais surtout être prêt physiquement pour jouer à Roland-Garros.

- Quelles sont tes ambitions/objectifs pour 2023 ? 
Juste me faire plaisir, profiter de chaque moment sur le court. J’adore jouer au tennis, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle, quand j’étais blessé, je me suis mis à aider Ugo, car j’aime vraiment ça. Mais la grande idée est d’être compétitif à chaque fois que je dispute un tournoi. Après, en termes de classement, je n’ai pas d’objectif. Si je joue bien, ce sera du bonus, et sinon j’arrêterai, mais heureux d’avoir pu le faire sur le court et pas à l’hôpital.

- C’est quand même pas banal la situation dans laquelle tu étais à Melbourne, à savoir joueur du tableau de simple et entraîneur d’un autre joueur dans le tableau. Du jamais vu, non ?
Tout le monde pense en effet que c’est la première fois qu’un joueur du tableau en coache un autre. Les autres joueurs m’ont aussi dit que j’étais de loin l’entraîneur le plus fort sur le court ! C’est sûr que je suis plus fit que pas mal d’entre eux !

- Et si vous deviez vous affronter ?
Ne me pose pas cette question ! C’était ma hantise au tirage au sort de l’Open d’Australie. On y a pensé tous les deux, parce qu’en plus, on s’était déjà joués à l’Open d’Australie (1er tour 2019 : victoire de Chardy 3-6 7-6 6-4 6-7 7-6 en 4h04). Ça serait très, très difficile pour moi de jouer contre lui. On était amis, mais maintenant, avec le fait de l’entraîner et de passer beaucoup de temps avec lui, je suis rentré un peu plus dans son intimité. On a une relation qui est très proche et je n’ai pas envie de jouer contre lui. En plus, si on se joue, il sera très favori. Même lui ne veut pas jouer contre moi. Ce serait horrible ce match !

- Tu sais que ça va arriver !
C’est ce que tout le monde dit…

Quand tu entraînes, c’est très différent, mais j’apprécie beaucoup le partage de l’expérience.

- Les joueurs parlent beaucoup de la fatigue mentale durant un Grand Chelem. Mais pour toi, ça devait être une fatigue au carré, en te préoccupant de toi et d’Ugo.
Quand tu es coach, c’est émotionnellement et mentalement que c’est fatiguant, parce que tu dois prendre toutes les émotions de ton joueur. Ugo sait parfaitement que je joue aussi, du coup il me « ménage » un peu, car il veut que je continue à l’entraîner. C’est un grand professionnel, je n’ai donc pas du tout besoin de le pousser, ce qui est une grande chance en termes d’économie d’énergie. Notre dynamique n’est pas celle classique d’un joueur et de son coach. Cela donne une relation qui est beaucoup plus directe et plus facile. En plus, j’adore être sur le court avec lui. Je ne vois pas passer le temps, j’adore faire ça. Et puis, il se remet à bien jouer, il a été sélectionné en équipe de France de Coupe Davis pour la première fois. A l’entraînement, son niveau de jeu est très élevé, donc ça ne va pas tarder sur le court. Quelques victoires et une confiance retrouvée, et il sera à nouveau très compétitif.

- Elle veut dire quoi cette sélection pour toi ?
Pour moi, c’est vraiment une récompense. On a commencé en juillet dernier alors qu’il était au plus bas. On a beaucoup travaillé. Je sais le chemin qu’il a parcouru et cette sélection vient vraiment récompenser tout ça.

- Attention, question à 100 francs : tu préfères être joueur ou entraîneur ?
Je préfère encore jouer. Quand tu joues, c’est toi qui maîtrises, c’est toi qui es sur le court, tu vis les émotions. Quand tu entraînes, c’est très différent, mais j’apprécie beaucoup le partage de l’expérience. Entraîner est toujours quelque chose qui m’a passionné. J'ai toujours dit qu’un jour je transmettrais mon expérience à quelqu’un. Je ne savais pas à qui, mais du fait que ce soit Ugo, je trouve ça vraiment sympa.

- Comment a démarré votre collaboration ?
C’est lui et son agent, Thierry Ascione, qui m’ont appelé. C'était après Wimbledon, l’an dernier. Ils savaient que je venais de me faire opérer, que je ne rejouerais pas de la saison, et ils m’ont demandé si cela m'intéresserait d'entraîner Ugo jusqu’à Bercy. Puis, à la fin de l’année, il a voulu qu’on continue.

- Comment allez-vous vous organiser pour la suite ?
On a une relation qui est très bonne. Je lui répète que tant qu’il estime que je peux l’aider et que, de mon côté, je vois qu’il est motivé et qu’il continue à se donner à 100%, alors je l’aiderai quel que soit son classement. Et si un jour l’un d’entre nous en a marre, alors ça s’arrêtera. Mais pour l’instant, on continue sans se donner de date de péremption.

Oui, Ugo Humbert il va jouer mon tournoi et j’y serai son coach.

- On a parlé du joueur Chardy, du coach, mais il y a encore une casquette qu’on n’a pas évoquée, celle de directeur du Challenger de Pau, qui débute fin février. On imagine que cette mission aussi consomme du temps, de l’énergie …
Oui, ça prend de l’énergie. Mais ce projet est encore différent. Le but était de faire redémarrer le tennis dans ma région. J’ai une équipe qui m’accompagne et dont je suis ravi. Je suis entouré de gens passionnés et motivés. Et heureusement qu’ils sont là, car sans eux, ça ne serait pas possible. J’adore par-dessus tout voir ces gens qui viennent de partout, chacun avec son expertise, tout le monde tirant dans le même sens.

- Le tournoi change de catégorie cette année, c'est bien ça ?
Oui, on passe en Challenger 125K. C’était l’objectif de faire grossir le tournoi, d’avoir des joueurs de plus en plus forts et, chaque année, de faire les choses un peu mieux.

- Et puis les partenaires sont à fond derrière toi...
Oui, c’est ça qui est fabuleux. Les partenaires ont adoré le projet depuis le début. Aujourd’hui, ils ont envie de s’investir, de faire grandir le tournoi, que chacun à son niveau puisse le faire progresser. Il y a le tennis durant la semaine, mais on fait énormément de choses autour, pour la ville et pour la région.

- Y a-t-il des chances qu’Ugo Humbert dispute le tournoi cette année ?
Oui, c’est fort possible. Oui, il va jouer le tournoi et j’y serai son coach.

- Il ne manquerait plus que tu joues ton tournoi, tout en étant le directeur et en coachant un autre joueur du tableau !
Pour ça, il me faudrait plus de 24 heures dans une journée. Mais ne m’excite pas, car je vais avoir envie de relever le challenge !

- Au final, arrives-tu à trouver un peu de temps pour passer des moments en famille ?
C’est toujours un équilibre à trouver. J’ai de la chance, car ils ont pu venir avec moi en Australie, ce qui m’a permis de partager tous ces moments avec eux. Après, tout est question d’organisation. Il est primordial d’avoir un planning bien établi pour ne pas se laisser trop déborder non plus. Et surtout, j’ai la chance d’avoir une femme qui est à fond derrière moi, qui m’encourage à poursuivre mes passions et qui est, elle aussi, très active. Donc tout va bien !

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