Vous connaissez forcément cette formule : « La magie d’la coupe ». En l’occurrence, la Coupe est celle de Billie Jean King, connue auparavant sous le nom de Fed Cup. Pourtant, cette magie dont on parle si souvent, qui opère en général sans raison, n’est finalement pas si présente que cela. Il y a bien sûr des surprises en Coupe Davis ou en Billie Jean King Cup (BJKC), mais des inconnus qui débarquent et qui cassent tout, c’est très rare.
En réfléchissant, on pense instinctivement à Henri Leconte qui revient de nulle part, en 1991, pour battre Agassi et Sampras. Mais il ne s’agissait en aucun cas de ses grands débuts dans la compétition. Pour être honnête, la réalité est plutôt inverse et les exemples sont pléthores de cas où, pour leurs débuts, les joueuses et joueurs se font happer par l’évènement, la pression, le poids du maillot de l’équipe nationale, les attentes de toute une nation.
Il y a néanmoins des cas qui prouvent que le conte de fées peut avoir lieu. Cameron Norrie avait explosé sur la scène mondiale en disputant une épreuve de Coupe Davis pour la Grande-Bretagne. C'était en 2018. Classé au-delà du Top 100, Norrie avait surpris la terre entière, à commencer par son adversaire du jour, Roberto Bautista-Agut qui pointait alors à la 23e place mondiale. Norrie l’avait battu en cinq sets, après avoir perdu les deux premiers. Une performance XXL qui, au final, n’avait servi à rien, car l’Espagne l’avait emporté 3-1.
Mais à part ça, pas grand-chose. Pas faute d’avoir cherché.
Et là, tout à coup, quelque chose d’incroyable. Du fin fond de l’Ontario au Canada, Mississauga pour être précis, une fille de 18 ans, classée cette semaine 258e mondiale, débarque en Andalousie avec son équipe canadienne : Marina Stakusic. Elle n’avait jamais disputé le moindre point en Billie Jean King Cup et est envoyée au feu d’entrée pour affronter la 65e joueuse mondiale, Rebeka Masarova, qui plus est espagnole et donc chez elle. Une heure et neuf minutes plus tard, la Canadienne disposait de celle qui la devance pourtant de 193 places au classement, 6-3 6-1, comme si de rien était. Au final, le Canada a battu l’Espagne 3-0.
Le lendemain (jeudi 9 novembre), la même Marina, après sa performance XXXXL, est alignée d’entrée pour affronter cette fois la Polonaise Magda Frech (pas de lien de parenté avec Georges !), 63e mondiale. La tâche s’annonçait aussi compliquée. Il fallait reproduire le miracle de la veille avec, cette fois, des attentes au vu de la performance de la veille. Pas de problème pour cette droitière d’un mètre soixante-quatorze et son revers à deux mains dévastateur. La magie d’la coupe a opéré, mais avec un scénario différent. Un set et un break de retard n’ont pas découragé celle qui est née le 27 novembre 2004. Elle jouait « chaleur » et a renversé la partie pour, à nouveau, faire tomber une Top 100 et rester invaincue dans la compétition. Le Canada, comme la veille, a remporté la rencontre 3-0.
Elle a d'une part affiché un tennis incroyable, avec une puissance lui permettant de traverser la balle et de mettre ses adversaires respectives à 5 mètres. Mais elle a aussi en magasin une main incroyable, qui lui offre la possibilité de tuer un point grâce à une amortie destructrice de rythme.
Stakusic a trois titres à son actif, acquis cette saison sur le circuit ITF. Avant d’arriver à Séville, elle n’a disputé que deux matches sur le circuit principal, au tournoi de Granby au Canada, en 2022. Issue des qualifications, elle s’était inclinée au deuxième tour. A part ça, rien. Nada, comme ils disent à Séville. Et pourtant, en quarante-huit heures, elle est devenue une titulaire indiscutable de l’équipe canadienne. Elle disputera sans aucun doute la demi-finale et sûrement, à l’image de ses deux premiers matches, sans le moindre complexe.
On ne sait pas grand-chose de cette joueuse canadienne d’origine serbe, si ce n’est que son frère, Marko Stakusic, âgé de 20 ans, est également un joueur de tennis, classé actuellement 1292e…
En revanche, ce que l’on sait, c'est qu’une étoile est née à Séville et qu'elle s’appelle Marina Stakusic. Habituez-vous à ce nom.