Adios Rafa, y gracias por todo

10 oct. 2024 à 15:01:19 | par Eli Weinstein

Rafael Nadal a annoncé qu’il mettrait un terme à sa carrière à l’issue de la phase finale de la Coupe Davis, à Malaga. Phase finale à laquelle il compte participer avec l’Espagne, sous le capitanat de son pote et compagnon de route, David Ferrer. On aura donc le temps de lui rendre un dernier hommage à ce moment-là, mais en attendant, je voulais lui écrire pour le remercier.

Cher Rafa,

Normalement, mes lettres ouvertes sont exclusivement réservées au Père Noël. Mais pour toi, je veux bien faire une exception. Lorsque j’ai découvert ton annonce, il y a tout juste 10 minutes (au moment où j'écris ces lignes), je n’étais pas vraiment surpris. En fait, j’avais comme une intuition depuis que j’avais appris que tu allais disputer la phase finale de la Coupe Davis, avec l’Espagne, à Malaga, dans quelques semaines. Celle qu’il s’agirait là du moment où tu allais tirer ta révérence. Evidemment. L’opportunité était trop belle, chez toi, devant ton public, entouré des gens qui te sont chers. C’est d’une telle évidence que je suis surpris d’avoir été le seul à y penser. Mais passons, car on sait tous que je suis monstrueux en pronos ! 

Je suis vraiment content que tu puisses terminer sur le court et sortir comme il se doit. Tous ne peuvent pas en dire autant et, comme dit ton pote Richard (Gasquet), qui lui aussi va s’en aller : « La fin, le dernier match, c'est important. » T’as un peu joué avec le feu et j’ai eu très peur que tu sois obligé d’arrêter là, tout de suite. D’ailleurs, dans ta vidéo, j’ai été vraiment soulagé lorsque tu as dit : « Je suis très excité d'annoncer que ma dernière apparition sera en finale de la Coupe Davis pour représenter mon pays. » Ouf !

T’as déglingué Roger Federer !

Je sais que ce n’est pas tout à fait terminé et qu’on aura encore du temps pour revenir sur tout ce que tu as fait de tellement incroyable dans et pour ce sport. Mais tant pis, je le fais tout de suite : gracias Rafa. 

Merci d'avoir été le joueur que tu as été. Merci d'avoir montré que la détermination et l’abnégation permettent de renverser des montagnes et surtout une. Grâce à toi (entre autres), on a vécu les plus belles années de l’histoire du tennis. Lorsque tu es arrivé avec ton pantacourt et ton débardeur, Roger Federer était déjà un monstre. Il allait marcher sur le monde du tennis pendant encore de longues années, sans que personne ne puisse lui faire bouger une mèche. Et puis, toi, le petit gars de Manacor, tu lui as mis trois et trois dès votre premier match, en 2004, à Miami. Pour info, « Fed » était sur une belle lancée, car il avait gagné à Melbourne, Dubaï et Indian Wells (et le Masters en fin d’année précédente), avant que tu ne le fesses ! Tu fais d’ailleurs partie des rares joueurs qui possèdent un face-à-face positif avec lui. 24-16 en ta faveur ! C’est énorme ! T’as déglingué Roger Federer ! Alors merci pour ça, car tu as permis au tennis de rester intéressant à suivre. Il y a bien sûr eu le même phénomène avec Novak Djokovic. Lui est arrivé sur la scène après toi, puis t’a vite rattrapé. Il t’a même dépassé, mais de si peu. En plus, comme il était le « méchant » et toi le « gentil », c’était trop bien.

Ce que j’appréciais par-dessus tout et qui me donnait envie de mettre mon réveil et d’allumer la télé au milieu de la nuit, lorsque tu évoluais à l’autre bout de la terre, était cette magie que tu étais capable de produire et reproduire, sans donner l'impression d'être aussi talentueux qu’un Federer. Bien sûr que tu l’étais, peut-être même plus, car le talent, ce n’est pas seulement d’avoir un truc inné. Le talent, à mon sens, c’est la force mentale qui donne la possibilité de travailler et de travailler encore et toujours, sans jamais s’arrêter, de manière à pouvoir être la meilleure version possible de soi-même. Jamais tu n’aurais dû gagner Wimbledon avec ton jeu du fond du court. Et pourtant, tu l’as fait deux fois. Et la première en battant Roger Federer en finale, 9-7 au cinquième set ! Un truc de ouf ! Un match de malade ! Sans doute l'une des plus belles finales que j’ai vues à Wimb, avec cette fin presque mystique dans la pénombre londonienne. 

On t’a tous aimé en tant que joueur, mais aussi, et peut-être encore plus, en tant que personne.

Ton addiction à l’effort était ta marque de fabrique. Je ne sais pas si tu te rends compte, mais tu as inspiré tellement d’enfants, les poussant à s’entraîner dur, à ne jamais jeter leur raquette, à toujours respecter l’adversaire, à ne jamais (ou presque) dire un mot de travers à l’arbitre, à ne jamais prendre un avertissement pour mauvaise conduite sur le court, à toujours être gentil avec les ramasseurs de balles. 

Perso, je t’ai vu faire des choses tellement inattendues pour un gars de ton calibre ! Je me souviens notamment t’avoir croisé un jour à Roland. Tu revenais d’un entraînement sur le court 3 ou 4. Tu étais entouré d’une armée de gardes du corps qui, elle-même, était entourée d’un tsunami de fans devenant complètement fous à l’idée de, peut-être, pouvoir faire une photo ou avoir un autographe de toi. Je t’ai vu arriver et me suis donc écarté en avance, car j’avais anticipé la folie qui t’entourait. Lorsque tu es passé à mon niveau, t’as tourné la tête vers moi et dans ce chaos, car c’en était bien un, tu m’as salué avec un hochement de la tête, accompagné d’un petit clin d’oeil amusé qui voulait dire : « C’est de la folie ! » Il y aussi eu la fois où tu as remercié chaque garde du corps individuellement après qu’ils aient fini de t’escorter jusqu’au « Player’s lounge ».

En vrai, des anecdotes comme celles-ci te concernant, il y en a des centaines. Tout le monde a son moment de « Il est tellement sympa, franchement il n’avait pas besoin de faire ça et il le fait quand même ». En plus de ton jeu spectaculaire en débauche d’énergie, tu auras toujours aussi ce côté généreux et hyper gentil qui te collera. Et ce qui est fou, c'est que cela a toujours été fait avec un grand naturel. Rien n’était calculé. Jamais. Combien de fois as-tu fait exploser de rire la salle de presse alors que ce n’était pas du tout ton but ? C’est juste que ton naturel surprenait tellement dans ce monde superficiel, calculateur et méprisant que peut être parfois celui du tennis professionnel. 

Tu vois Rafa, on t’a tous aimé en tant que joueur, mais aussi, et peut-être encore plus, en tant que personne. Finalement, c’est le plus beau cadeau que tu nous as fait. Et il est bien à la hauteur de ceux du Père Noël. Alors pour tout ça : muchisimas gracias y adios Rafa.

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