Jasmine Paolini : la « petite » qui a appris à grandir

7 juin 2024 à 20:52:41 | par Mathieu Canac

Samedi, face à Iga Świątek, Jasmine Paolini va jouer sa sixième finale en simple sur le circuit principal. La première en Grand Chelem. À 28 ans, après avoir eu besoin de temps pour croire en ses capacités.

Jasmine Paolini pourrait battre un record de taille. Au sens propre. En cas de victoire samedi contre Iga Świątek en finale de Roland-Garros, l’Italienne, 1,63 m, deviendrait la plus petite gagnante d’un tournoi du Grand Chelem depuis 1977. C’était déjà sur l’ocre de la porte d’Auteuil, lors du sacre de Mima Jaušovec. Cette dernière est d’ailleurs la championne de Majeur à la tête la plus proche du sol dans l’histoire de l’ére Open, à égalité avec l’Américain Nancy Richey à Wimbledon en 1968 ; la Slovène - Yougoslave à l’époque - et l’Américaine culminant à 160 cm de hauteur.

« J’aurais aimé être plus grande, pour mieux servir, a souri Paolini en conférence de presse à Paris. Mais j’accepte très bien de devoir faire avec mon corps. Il faut faire avec ce qu’on a. Je suis petite, OK, mais on essaie de ne pas en faire un problème. On essaie de faire quelque chose de différent pour progresser dans les autres domaines, et aussi au service. » Bref, la Transalpine n’en fait pas un complexe. D’autant plus que, malgré un tennis moderne où la puissance physique est de plus en plus prégnante, elle peut s’inspirer d’exemples récents de gabarits « courts sur pattes » qui ont toisé la concurrence. Ashleigh Barty, 1,66 m, et Simona Halep, 1,68 m, ont toutes deux gagné des titres « grandchelemiens » et été numéro 1 du classement WTA.

Ce que la Transalpine a dû apprendre à faire grandir, ça a été sa croyance en ses capacités. Elle qui est en train de réussir la meilleure saison de sa carrière. 71e mondiale en mars 2023 et 29e en début d’année, l’actuelle 15e va faire son entrée dans le top 10 lundi. Depuis février, elle compte un sacre prestigieux en simple sur le circuit principal. Un WTA, glané à Dubaï ; son deuxième trophée au total sur le circuit principal. À 28 ans. Parce qu’elle a eu besoin que les grains du sablier s'amoncellent afin d’avoir assez de matière pour cimenter sa confiance en elle.

 

« Plus jeune, c’était que je ne me pensais pas capable de réussir les performances que je réalise actuellement. » - Jasmine Paolini 

« Ça a été un long processus, a déclaré la native de Toscane devant les journalistes. J’ai dû croire en chaque étape franchie. Par exemple, maintenant, je pense que j’aurais pu entrer dans le top 100 plus tôt (elle l’a intégré pour la première fois en novembre 2019, à 23 ans). J’ai passé chaque cap supplémentaire au moment où j’ai cru en ma capacité à le faire. Le problème, disons, quand j’étais plus jeune, c’était que je ne me pensais pas capable de réussir les performances que je réalise actuellement. »

Avant le début du tournoi de Palerme mi-juillet 2023, Paolini avait disputé 23 matchs contres des membres du top 20. Bilan : 20 défaites ; 3 victoires, contre Aryna Sabalenka (2e), Daria Kasatkina (15e) et Elise Mertens (18e). Depuis, contre des adversaires de cette trempe, elle a compilé 6 revers pour 9 succès, dont 4 devant des joueuses du top 10 : Elena Rybakina (deux fois, la dernière en quart de finale à Roland-Garros, 4e), Ons Jabeur (9e) et Caroline Garcia (10e).

« Je pense avoir commencé plus régulièrement à un meilleur niveau à partir du milieu du mois de juillet l’an passé, a analysé Paolini devant les journalistes. Match après match, j’ai pris davantage confiance dans le fait de pouvoir jouer au plus haut niveau. (...) C’est aussi le fruit d’un travail sur moi-même, y compris en dehors du court. Et disputer quelques gros matchs contre des top joueuses m’a aidée à avoir davantage confiance en moi. Je me suis dit : ‘OK, je peux rivaliser avec elles.’ Maintenant, j’entre sur le court en me disant : ‘OK, ça va être difficile, mais j’ai une chance. Avant, je me disais que je ne pouvais pas gagner ce type de rencontre, qu’il me faudrait un miracle (sourire). Donc j’avais déjà perdu le match avant même de le commencer. »

« Je n’ai jamais rêvé d’être numéro 1 ou et gagnante en Grand Chelem ; pas même d’être top 10 » - Jasmine Paolini

« J’entre sur le court en me disant que je peux gagner, ça fait toute la différence parce que le tennis est un sport très mental, a-t-elle appuyé. Un sport dans lequel elle a gravi les échelons sans jamais penser plus loin que le prochain barreau. « J’ai commencé le tennis à 5 ans, je suis tombée amoureuse de ce sport, a-t-elle raconté. C’était juste pour m’amuser. Je n’ai jamais rêvé d’être numéro 1 et gagnante en Grand Chelem. Jamais. Je n’ai même jamais rêvé d’être dans le top 10. Je l’ai espéré, mais je n’y croyais pas vraiment. J’ai commencé à y croire en avançant pas à pas, en visant des objectifs proches, pas trop inaccessibles. » Contrairement à d’autres, qui ont toujours su rêver grand.

« Quand j’ai vu la vidéo de ‘Nole’ (Novak Djokovic) enfant (à 7 ans) quand il disait déjà vouloir être numéro 1 et gagner Wimbledon, j’ai trouvé ça incroyable de pouvoir rêver de ça si jeune, s’est-elle exprimée. Pareil quand j’ai vu Jannik (Sinner), à 15 ans, dire que son rêve était d’être numéro 1 (rêve qu’il atteindra lundi officiellement). Je n’ai jamais rêvé d’être en finale de Grand Chelem, mais j’y suis. Je suis tellement heureuse, mais c’est quelque chose de différent. Je suis une personne différente, je pense. »

Une personnalité plus proche de celle de Stan Wawrinka qui, lui non plus, comme il l’a souvent répété, n’avait jamais rêvé de gagner un titre du Grand Chelem. Croyant de plus en plus en lui, il en a remporté trois. Toujours en battant un numéro 1 mondial - une fois Nadal, deux fois Djokovic - aux allures de plafond de verre incassable. Désormais munie d’un brise-glace appelée « croyance en soi », Jasmine Paolini va devoir relever le mêmte type de défi face à une Iga Świątek boss du circuit WTA, et déjà triple gagnante de Roland-Garros. À 23 ans.

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