« Je veux dire merci à Mikael (Tillström, son coach), a déclaré Gaël Monfils après titre ATP, le 12e de sa carrière, au BNP Paribas Nordic Open de Stockholm - tournoi, créé en 1969, dont il est devenu le champion le plus âgé à 37 ans, 1 mois et 21 jours - qui lui a permis de faire son retour dans le top 100. Avant Roland-Garros, je lui ai dit que j’avais besoin de son aide. Il a eu une réaction du genre : “Sérieusement ?” J’ai répondu que oui. Deux jours après, il m’a rappelé pour me dire : “Ton match (défaite 6-3, 6-2 contre Andy Murray au Challenger d’Aix-en-Provence, le 3 mai) était horrible. On s’entraîne demain. »
À cette époque, Monfils était aux portes de sortie du top 400 ; 394e mondial le lundi 29 mai, jour du début du tableau principal de Roland-Garros. Soit son plus mauvais classement depuis fin septembre 2004, alors qu’il venait de fêter ses 18 ans et s’apprêtait à jouer son premier tournoi du circuit principal. À Metz, où son entraîneur du moment, Thierry Champion, le présentait comme un « rebelle » lors d’un reportage de Stade 2 suivant également le parcours de Richard Gasquet jusqu’à sa première finale ATP. Battu en quart de finale par « Richie », « La Monf’” » avait eu ces mots après l’élimination : « Je suis un vainqueur dans l’âme. C’est bien, on va dire, mais j’espère aller plus loin. » De quoi faire sourire le pote Gasquet, taquin en fin de vidéo.
« Si je fais le spectacle, tant mieux, c’est génial, mais je veux avant tout gagner »
Un pan (trop) souvent oublié de la personnalité de Monfils, parfois vu uniquement comme un showman. Un clown, même, d’après ses haters. Hérésie. Avec des chaussures trop grandes, il n’aurait jamais pu courir au haut niveau pendant près de deux décennies. « Je l’ai souvent dit, les gens se trompent, avait-il déclaré début 2022 en conférence de presse après sa demi-finale à Adélaïde, où il avait ensuite remporté son 11e titre. Si je fais le spectacle, tant mieux, c’est génial, mais je veux avant tout gagner. Quand je saute ou autre, c’est dans le but de gagner le point, parce que j’ai confiance en mes capacités à le faire avec réussite. Lorsque je suis tendu, je fais des erreurs. J’ai besoin d’être relâché, d’avoir cette créativité et ces interactions avec le public pour équilibrer mon jeu. Sinon, c’est plus difficile pour moi de trouver mon meilleur tennis. »
Pour gagner à nouveau des matchs, remonter au classement, il a refait appel à Mikael Tillström - qui avait déjà été son coach entre octobre 2015 et juin 2018 -, associé à Peter Lucassen, après la fin de son aventure avec Günter Bresnik et Richard Ruckelshausen. Au moment de cette décision, Monfils était pris dans une spirale négative le faisant tournoyer au milieu de blessures et défaites. Écarté du circuit pendant huit mois en raison d’un problème au talon droit, il avait repris la compétition début mars, à Indian Wells - où il s'était offert son deuxième succès contre un numéro & mondial un an plus tôt. « Si je me reblesse (pour une longue durée), c’est fini, rideau, je sais que je suis sur un fil », avait-il alors déclaré à cette occasion, comme l’avait rapporté L’Équipe. Et son corps l’avait de nouveau enquiquiné.
Touché au poignet droit, il avait dû abandonner à 3-3 contre Ugo Humbert à Miami. Puis il a accumulé les revers. Sept au total tous circuits confondus, pour une victoire, par abandon, avant de débarquer à Roland-Garros. Là, après une victoire épique contre Sebastián Báez - 3-6, 6-3, 7-5, 1-6, 7-5 alors qu'il était mené 4-0 dans le dernier set - il a dû déclarer forfait pour le deuxième tour. La faute au poignet gauche, cette fois. Absent deux mois - pas de saison sur gazon pour lui -, il a retrouvé des couleurs lors de la tournée nord-américaine avant de voir la vie en rose à Stockholm. Sans faire de cirque. Grâce à sa force de travail. À son âge, après avoir déjà eu une très belle carrière, il faut une volonté d’acharné afin de trouver la motivation d’encaisser les efforts nécessaires à un retour au premier plan.
« Quand tu es arrêté un peu trop longtemps, les efforts sont plus durs. Mentalement, c’est très dur. »
« J’avais envie de jouer jusqu’à 40 ans - et c’est toujours un but -, et j’ai eu ma blessure au pied qui m’a vachement calmé, a-t-il confié lors d’une conversation avec Benoît Paire et Patrick Mouratoglou pour l’UTS. Parce qu’il faut tout refaire, il faut revenir. Et j’étais en train de revenir quand je me suis blessé (aux poignets). Quand tu es arrêté un peu trop longtemps, les efforts sont plus durs. Mentalement, c’est très dur. » Outre l’envie d’être à nouveau performant, ce qui l’a poussé a aussi été son amour du tennis. Gagner et prendre du plaisir sur le court, voilà les deux éléments principaux qui lui ont servi de moteur à double cylindre depuis toujours.
« Mon conseil aux jeunes ? C’est de profiter, s’amuser, a-t-il répondu à We Are Tennis après son sacre à Stockholm. Le sport, c’est une façon de prendre du plaisir, surtout au début pour les enfants, ils ont besoin de ça. Il faut aimer passer des heures sur le court, s’entraîner, prendre du plaisir en compétition, mais il faut aussi s’amuser en jouant avec des copains. Quand vous êtes jeune, il ne s’agit pas que d’être super dévoué (au tennis) et sérieux. Évidemment, ça devient nécessaire plus tard. Mais au début, il s’agit surtout de s’amuser. On n’est jeune qu’une fois. » Gaël Monfils, malgré les aiguilles du temps commençant à tricoter le linceul de sa carrière, a toutefois réussi une cure de jouvence. Au point d’être devenu le neuvième joueur - seulement - à gagner un titre à 37 ans ou plus depuis le début de l’ère Open.