Heureusement pour ses fans, Kyrgios n'a pas gagné Wimbledon

14 juil. 2022 à 14:08:00 | par Mathieu Canac

S'il avait remporté la finale de Wimbledon face à Novak Djokovic, Nick Kyrgios aurait, de son propre aveu, sans doute manqué de motivation pour poursuivre son aventure sur le circuit.

 

Souhaiter la réussite de votre joueur favori au détriment de votre bonheur de le voir jouer, ou vouloir le voir échouer pour pouvoir continuer à prendre du plaisir à le regarder ? Aimer Nick Kyrgios, c’est une question philosophique. C’est être perdu en plein paradoxe. C’est être tiraillé, presque déchiré en deux, par des sentiments contradictoires. "Si jamais je gagnais un titre du Grand Chelem, je prendrais ma retraite immédiatement après", avait déclaré l’Australien en 2016. Ses fans, du moins ceux qui n’ont pas oublié ces mots, ont peut-être ressenti de la tristesse tout en sautant de joie dimanche. Certes, le natif de Canberra venait de perdre la finale de Wimbledon face à Novak Djokovic, mais ça signifiait qu'il allait continuer sa carrière.

"Je viens juste de parler de ça avec quelques personnes, je pense que si je m'étais imposé aujourd’hui (dimanche 10 juillet) j’aurais eu du mal à rester motivé, a répondu le joueur de 27 printemps en conférence de presse après la rencontre. Toute ma vie, on m’a dit que gagner Wimbledon était l’accomplissement ultime. Il m’a fallu presque dix ans de carrière (il a débuté sur le circuit principal en 2013, à 18 ans) pour atteindre une finale de Majeur. Si j’avais gagné, j’aurais en quelque sorte atteint le plus haut sommet du tennis. J’aurais ensuite manqué de motivation pour jouer d’autres tournois, comme des ATP 250. Ça aurait été vraiment compliqué."

"Si j’avais gagné Wimbledon, j’aurais eu du mal à rester motivé" - Nick Kyrgios

Une motivation sur laquelle il a récemment travaillé, notamment grâce à l’apport de ses proches. En partant de loin. Fin septembre 2021, après la Laver Cup, il avait laissé planer le doute quant à son avenir. "C’était ma dernière apparition cette année, avait-il lâché. J’ai besoin de rentrer chez moi. Ça fait quatre mois et demi que je ne suis pas revenu en Australie. J’ai besoin de voir ma mère qui n’est pas en très bonne santé. (...) Je vais me préparer pour l’Open d’Australie (2022), et puis on verra… (...) Je ne vais pas mentir et dire que je prévois de jouer encore quatre ou cinq ans. Je n’ai plus rien à me prouver. Je suis déjà fier de ce que j’ai réussi, j’ai battu les meilleurs. (...) Je pense que c’était ma dernière Laver Cup.

Mais entre-temps, en plus du soutien de sa famille et de ses amis, il a trouvé l’amour. Si certains joueurs ont démontré des capacités à faire abstraction de l’extra-sportif pour oublier tous leurs soucis une fois sur le court, Kyrgios a toujours été l’opposé. Ses pétages de plombs ont aussi été la partie émergée d’un iceberg caché sous un océan de détresse. "C’est moi à l’Open d’Australie il y a trois ans, a-t-il écrit en légende d’une photo publiée sur son compte Instagram fin février. La plupart diraient que j’ai l’air bien, que je profite de ma vie… J’étais dans une de mes périodes les plus sombres. Si vous regardez de plus près, vous pouvez voir des blessures sur mon bras droit. Des blessures que je me suis infligées."

 

 

"J’avais des pensées suicidaires" - Nick Kyrgios

"J’avais des pensées suicidaires, a-t-il poursuivi. Je n’avais plus envie de sortir de mon lit, encore moins de jouer devant des millions de gens. Je me sentais seul, déprimé, négatif, j’abusais de l’alcool et des drogues, je rejetais ma famille et mes amis. C’était la conséquence du refus de m’ouvrir à mes proches, de leur parler et de me forcer à être petit à petit plus positif. (...) Je suis fier de dire que je me suis transformé et que j’ai un regard complètement différent sur tout. (...) La vie est belle." Sorti des ténèbres, vivant une idylle avec sa dulcinée, le natif de Canberra a vu rejaillir le feu de l’ancien volcan qu’on croyait trop vieux et presque définitivement éteint pour lui. Celui de l’ambition, de l’envie de soulever des trophées importants.

"Je me suis préparé pour ce tournoi, je l’ai entouré sur mon calendrier dès le début de l’année, a-t-il révélé lors de l’interview sur le court après sa victoire contre Filip Krajinović au deuxième tour à Londres. Je pense que Wimbledon est ma meilleure chance de gagner un titre du Grand Chelem." Des propos appuyés par de nouvelles déclarations après la finale. "Mon feu intérieur ne m’a jamais quitté depuis le début de la saison. J’ai aussi rencontré des personnes incroyables qui m’ont apporté de la motivation supplémentaire. J’ai trouvé des gens qui me soutiennent, qui aiment être avec moi, veulent me pousser à être quelqu’un de meilleur et un meilleur joueur de tennis, qui me trouvent immensément talentueux et qui pensent que j’ai encore beaucoup à faire dans ce sport."

"Je ne veux pas être cette personne qui joue tellement au tennis qu’elle ne peut profiter des moments en famille" - Nick Kyrgios

De quoi espérer voir le garnement du circuit régaler les amateurs de tennis - aussi bien ses partisans que ceux se plaisant à le détester - tout au long de l’année ? Non. Pas à ce point. "Je voyage entre quatre et cinq mois par an, a rappelé, après sa demi-finale au All England Club, celui qui a pris pour habitude de zapper la saison sur terre battue européenne. J’ai pris le temps de réfléchir, et je ne voyagerai jamais plus que ça. Je ne veux pas sacrifier le temps passé avec ma famille. Je chéris trop ces moments. Je ne veux pas être cette personne qui joue tellement au tennis qu’elle ne peut plus profiter plus de ces moments à la maison. Je veux garder ces périodes cruciales, chez moi, avec mes proches. Mais il me reste encore des tournois à disputer."

Depuis ses premiers pas chez les professionnels, le bonhomme n’a pas caché son affection pour la tournée estivale nord-américaine, ponctuée par l’US Open et ses ambiances électriques. "Je vais aller aux États-Unis, a-t-il affirmé. Après ça, je veux juste avoir du temps pour me poser, me dire que je viens de passer de bons mois, puis recharger les batteries pour repartir." Et, même s’il devait ne plus jouer en simple après Flushing Meadows comme en 2021, il devrait réapparaître en novembre à Turin. Grâce à leur titre à l’Open d’Australie, Nick Kyrgios et Thanasi Kokkinakis sont qualifiés pour le Masters de double. Spécialité dans laquelle les fans du surnommé "Kygs" peuvent donc souhaiter son triomphe en Grand Chelem sans craindre de le voir faire ses adieux.

Avantages

Découvrez les avantages WE ARE TENNIS

En savoir plus