Novak Djokovic, chercheur d’or

21 juil. 2021 à 17:27:00 | par Mathieu Canac

Malgré les hésitations, Novak Djokovic a finalement décidé de participer aux Jeux olympiques. Pour deux raisons : l’amour de la Serbie et la quête de records.

 

Dans le débat autour du “meilleur joueur de tous les temps” devenu sempiternel par sa récurrence presque quotidienne, Andre Agassi n’est jamais évoqué. Logiquement. Bien que classé monument du tennis, il n’a pas atteint les sommets où sont fièrement assis Rafael Nadal, Roger Federer et Novak Djokovic. Mais il est le seul à avoir gravi une autre montagne. Dans l’histoire, personne hormis lui n’a remporté tous les titres les plus importants du tennis : les quatre Majeurs, le Masters, la Coupe Davis et les Jeux olympiques. Un record qui pourrait être égalé par Djokovic - dont Agassi a été le coach éphémère de mai 2017 à mars 2018 - le 1er août à Tokyo.

Si Nadal - qui a annoncé son retour à la compétition pour Washington à partir du 2 août - n’a encore jamais pu croquer le trophée des ATP Finals, Federer et Djokovic, eux, ont toujours échoué dans leur quête d’or olympique en simple. En l’absence du Suisse, qui a préféré renoncer en raison “d'une gêne au genou ressentie pendant la saison sur gazon”, le Serbe est devenu l’unique homme pouvant espérer réussir l’exploit accompli par “Dédé”. Et, en rejoignant ce dernier, le Belgradois pourrait continuer à courir après sa femme. Steffie Graf. La seule personne de l’histoire pouvant se targuer d’afficher un Grand Chelem doré (les quatre tournois du Grand Chelem et les JO remportés la même année) à son palmarès, grâce à sa saison 1988 inégalée.

“Si quelqu’un peut réussir le Grand Chelem Doré, c’est Novak”

Je l’ai dit de nombreuses fois, même avant que je rejoigne son équipe, si quelqu’un peut réussir le Grand Chelem doré, c’est Novak, a déclaré Goran Ivanišević, co-entraîneur du numéro 1 mondial, après le sacre de son protégé à Wimbledon. Il a beaucoup de confiance. Pour la première fois de sa carrière, il a gagné les trois premiers tournois du Grand Chelem de l’année. (...) Il est de plus en plus fort. Même quand il ne joue pas à son meilleur niveau, il gagne. Alors imaginez quand il est à son top… Il est imbattable. Pour un adversaire, je pense qu’il est même impossible de ne serait-ce qu’imaginer pouvoir le vaincre quand il joue son meilleur tennis.

Depuis ses premiers pas sur le circuit, le Belgradois a participé trois fois à l'événement sportif le plus important de la planète. En 2008 et 2012, il s'était incliné en demi-finale contre les futurs vainqueurs : Rafael Nadal et Andy Murray. S'il était reparti bronzé de Pékin, Juan Martin del Potro l'avait privé de cet honneur à Londres. Quatre ans plus tard, à Rio de Janeiro, ce même del Potro, qui comme souvent avait troqué sa raquette contre le marteau de Thor, l'avait assommé dès le premier tour. Rêve brisé, pilé par la puissance de l'Argentin, le surnommé "Djoker" avait quitté le court en larmes. Représenter son pays aux J.O. à toujours eu une place particulière dans son cœur.

Sécher les larmes de Rio

"C'est l'une des défaites les plus difficiles à vivre de ma carrière, avait-il confié en conférence de presse. Ce n'est pas facile à gérer, surtout maintenant, alors que la blessure est encore à vif. Ce n'est ni la première ni la dernière fois que je perds un match de tennis, mais les Jeux olympiques… Ouais, c'est complètement différent." Devant les journalistes, dans la foulée de son récent triomphe londonien lui permettant de glaner un vingtième trophée du Grand Chelem pour égaler Nadal et Federer, Djokovic avait émis des doutes quant à son voyage au Japon. La faute à l'annonce du huis clos, combinée à des règles strictes sous la bulle nippone, tombée durant la quinzaine anglaise.

"C'était vraiment triste d'apprendre ça (le huis clos pour les J.O.), avait-il expliqué. J'ai aussi entendu qu'il allait y avoir beaucoup de restrictions dans le village (olympique). Il est possible qu'on ne puisse pas aller assister aux performances des autres sportifs. Je ne peux même pas avoir mon cordeur, qui est très important dans mon équipe. Le nombre de personnes pouvant m'accompagner est limité. En raison de tout ça, je suis partagé. C'est du 50-50 (pour sa participation)." Si la balance a finalement penché du côté du “pour”, c’est par amour de sa patrie et l’envie d’ajouter une ligne à un palmarès déjà long comme le bras d’un géant du sport.

“Les gens se souviendront des médaillés, pas du huis clos”

J'ai pris cette décision par patriotisme et amour de la Serbie, a-t-il détaillé à l’agence de presse Monténégrine MINA avant son départ pour Tokyo. Même si je ne suis pas enchanté par l’absence de fans et les restrictions effectives au Japon. (...) J’ai croisé Blanka Vlašić (championne croate de saut en hauteur, médaillée d’argent et de bronze aux J.O.), et elle m’a rappelé que les gens se souviendront des médailles, pas des conditions de la compétition ou de l’absence de public. Ses mots m’ont marqué, et je suis ravi d’avoir choisi de prendre part aux Jeux olympiques. Je me sens inspiré, capable de jouer mon meilleur tennis et confiant à l’idée de pouvoir remporter l’or.

Le temps n’effacera sans doute pas le triste spectacle des tribunes vides et des stades qui sonnent creux. L’histoire a par exemple retenu le boycott, initié par les Américains, des J.O. de Moscou en 1980. Mais sur le plan de la performance, Novak Djokovic, en terminant doré, aurait alors beaucoup de chiffres en sa faveur pour débattre du G.O.A.T. De quoi clore le sujet ? Non. D’abord parce qu’aucune tête du monstre tricéphale n’a été coupée. Tant que les trois rivaux seront en activité, la course et les joutes verbales subsisteront. Ensuite parce que la part de subjectivité perdurera. Comme l’a souligné Ivanišević, “c’est aussi une affaire de préférence personnelle, de style de jeu. Pour moi, Novak est d’ores et déjà le plus grand. Mais certains préfèrent Nadal, d’autres Federer. Des personnes vont mettre un joueur encore différent (Laver, Borg…) en avant.” 

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