Aux yeux du profane, le fabuleux récit de sa carrière pourrait avoir des allures de mythe. Un de ceux que les générations futures étudieraient à l’école, au même titre que Guillaume Tell. S’il ne manie pas l’arbalète mais la raquette, Roger Federer a un point commun avec le héros légendaire de la Suisse : il met souvent dans le mille. Et, cette fois, l’Helvète aux 20 titres du Grand Chelem a choisi de viser une cible en partant de très loin. Plusieurs mois en arrière, depuis Doha, il a décoché une flèche dont le résultat du tir est attendu à partir de la semaine prochaine, à Londres. “Mon but est d’arriver à Wimbledon en étant à 100 %, avait-il expliqué au Qatar, en mars, au moment de son retour à la compétition après 13 mois et demi d’absence en raison de deux arthroscopies du genou droit. À partir de là, la saison commencera réellement pour moi.”
Depuis ses deux tours dans le golfe persique, le Bâlois n’a pas joué autant de matchs qu’il l’espérait. “Pour ce qui est de la forme physique, Roger est encore un peu en retard, concédait Séverin Lüthi, l’un de ses deux entraîneurs avec Ivan Ljubičić, fin avril. Il a encore certaines carences et nous devons nous concentrer sur cela.” Pour cette raison, Federer n’a retrouvé les courts que mi-mai. Sur terre battue, à Genève. “J’ai besoin de jouer une dizaine de matchs pour savoir où j’en suis, confiait-il alors devant la presse. L’idée, en venant sur terre battue, c’est d’avoir un maximum de temps de jeu avant Wimbledon. Genève et Roland-Garros ont pour but de me remettre en selle. Je prends ces tournois comme des entraînements privilégiés.” Seul hic, le lendemain, il s’inclinait dès son entrée en lice devant Pablo Andujar.
Wimbledon, trois semaines après son forfait à Roland-Garros
Deux semaines plus tard, à Roland-Garros, il a pu aligner trois succès. En allant crescendo : 1h33 face à Denis Istomin, 2h35 contre Marin Čilić puis une lutte de 3h35 pour se défaire de Dominik Koepfer. Après ce dernier duel - le premier de sa carrière à huis clos - remporté 7/6 6/7 7/6 7/5 en terminant au bout de la nuit, à 00h43, il déclarait forfait pour les huitièmes de finale. “Il est important que j’écoute mon corps et que je n’aille pas trop vite dans le retour à la compétition”, détaillait-t-il, le lendemain, après un réveil sans doute compliqué et quelques articulations rendues grinçantes, à bientôt 40 ans, par les efforts de la veille. Rassuré quant à sa progression par rapport à son tableau de marche - “Jamais je j’aurais imaginé gagner trois matchs ici’, lâchait-il devant la presse -, il ne se sentait toutefois pas capable de pousser la machine sur plusieurs longues joutes sans l’enrayer.
Un état physique pouvant laisser l’observateur extérieur dubitatif. Si le corps de Roger Federer n’était pas en mesure d’enchaîner après une empoignade de moins de 4h, comment pourrait-il, à son âge, possiblement disputer jusqu’à sept rencontres au meilleur des cinq manches trois semaines plus tard, seulement, à Wimbledon ? La question, légitime, demeure énigme pour la quasi-totalité de l’humanité. Seuls le principal concerné, les membres de son staff et son entourage ont suffisamment d’éléments pour y répondre. Sans avoir, eux non plus, la certitude que l’ancien numéro 1 mondial peut être dans une forme optimale d’ici quelques jours sur le gazon anglais. C’est ce que laisse transparaître la conférence de presse de Roger Federer dans la foulée de sa victoire au premier tour de l’ATP 500 de Halle.
“Mes objectifs sont toujours élevés pour Wimbledon”
“J’étais concentré sur cette semaine (dernière, à Halle) et ma récupération après Paris, donc vous me prenez un peu au dépourvu en m’interrogeant sur mes attentes pour Wimbledon, répondait-il suite à son succès 7/6 7/5 contre Ilya Ivashka, huit jours après son retrait du Majeur parisien. Mes objectifs sont toujours élevés à Londres. Je veux dire ; ils doivent l’être sinon je ne jouerais pas. Tous les matchs que je pourrai disputer ici, ce sera du positif pour Wimbledon. Mon service est là. J'ai juste besoin de mettre mon jeu de jambes en place, avoir les bonnes intentions sur le court, choisir les bons coups aux bons moments, m'assurer que mon jeu agressif du fond fonctionne de façon automatique. J'espère atteindre ce stade cette semaine, sinon j'ai encore une semaine d'entraînement ensuite.” Un entraînement qu’il va devoir mettre à profit.
Battu 4/6 6/3 6/2 par Félix Auger-Aliassime au deuxième tour de l’ATP 500 allemand, il n’a pas atteint la dizaine de matchs escomptés qu’il évoquait. Depuis Genève, il en a disputé six. Quatre sur ocre et deux sur herbe. Sans obtenir de résultat de premier plan. À l’approche de Wimbledon, dont le tableau principal débute lundi, la flèche décochée à Doha ne semble pas prendre la direction du centre de la cible. Mais Roger Federer, travaillant chez lui, en Suisse, avant son arrivée à Londres ce mercredi, est peut-être encore capable de corriger le tir. S’il y parvenait, il pourrait alors ajouter un chapitre au récit presque mythologique de ses prouesses. Celui où, à l’orée de ses 40 printemps, il aurait réussi à sortir du bois de façon spectaculaire à Wimbledon, après une coupure de plus d’un an et seulement huit matchs dans les cannes depuis son retour en mars.
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