Depuis quelques minutes (les premier matches du tournoi viennent de démarrer à l’heure où j’écris ces quelques lignes), les joueuses qui participent à Wimbledon ont désormais l’autorisation, de la part de l’organisation du tournoi, de porter des shorties colorés. Rien que le fait d’avoir écrit cette phrase est complètement improbable. Je récapitule pour être certain de bien comprendre ce que je viens d’écrire. En fait, l’équipe organisatrice de Wimbledon décide de la couleur des dessous que porteront les joueuses ! Ouf !
Je suis sûr que certains, si tant est qu’ils lisent encore ce papier, doivent se dire : « Mais de quoi il parle le gars ? On est bien en 2023 ? On parle bien d’un tournoi qui se joue dans une partie du monde « libre » ? » Oui et oui, donc comment expliquer ce règlement?
Coco Gauff : "Parfois, quand on va aux toilettes, c'est juste pour vérifier que rien ne se voit."
C’est en réalité très simple. Les joueuses qui disputent Wimbledon avaient jusqu'à maintenant un stress supplémentaire par rapport aux hommes : la peur qu'en cas de règles pendant le tournoi, leurs sous-vêtements se salissent et que ces traces soient visibles. C’est un souci, un vrai. Un match de tennis est suffisamment et organiquement générateur de stress, il a tout sauf besoin d’autres éléments venant rendre l’épreuve encore plus difficile à vivre.
La tête de série numéro 7 du tournoi, Coco Gauff, qui affrontera sa compatriote américaine Sofia Kenin au premier tour, expliquait avant le tournoi qu’elle-même, comme bon nombre de joueuses (si ce n’est toutes), était satisfaite de cette décision prise par le tournoi : « Ce sera un grand soulagement, a-t-elle déclaré. L'année dernière, j'avais mes règles à Wimbledon et c'était très stressant. Les sous-vêtements hygiéniques sont là pour nous aider, mais c'est toujours dans un coin de notre tête. Parfois, quand on va aux toilettes, c'est juste pour vérifier que rien ne se voit. Je pense que cela va enlever beaucoup de stress pour moi et pour les autres filles dans les vestiaires, c'est certain. Je suis heureuse que l'on en parle et que la décision ait été prise. »
Tu m’étonnes. Les filles ne veulent juste pas taper l’affiche !
On ne s’imagine pas jusqu’où cela peut aller dans la préparation d’un tournoi. Prenons l’exemple de l’Australienne Daria Gavrilova qui explique la chose suivante : « Par le passé, j’ai dû faire en sorte de stopper mes règles pendant Wimbledon par peur de tacher ma tenue avec du sang. On a suffisamment de stress comme ça ! »
Je suis en admiration devant ces joueuses qui, d’abord, ont eu le courage d’évoquer ce sujet qui jusqu’à maintenant était clairement tabou, mais qui, en plus, ne sont pas du tout véhémentes dans leurs prises de parole. Toutes celles qui se sont exprimées ont salué cette décision et ont indiqué leur joie d’avoir appris cette évolution du règlement.
Billie Jean King demande à ce que la règle du « all white » soit tout simplement « abandonnée »
Perso, je trouve cela complètement effarant qu’on ait dû attendre 2023 pour que cela évolue enfin. Nan mais c’est vrai quoi, la gent féminine n’a pas attendu 2023 pour avoir des cycles menstruels il me semble ! C’est tellement archaïque que ça fout les « j’tons » !
Pourquoi l’équipe dirigeante du tournoi n’avait-elle pas réagi plus tôt ? Peut-être, tout simplement, parce que l’équipe dirigeante du All England Lawn Tennis & Croquet Club n’évolue pas avec son temps. Ou pire. Imaginez-vous une seule seconde que le tournoi soit régi par une majorité d’homme qui, jusqu’à maintenant, n’en avait absolument rien à faire des soucis intimes qui gênaient les joueuses.
Lorsque l’annonce de cette évolution a été communiqué, Billie Jean King s’en est félicitée, mais en a profité pour aller plus loin, demandant à ce que la règle du « all white » soit tout simplement « abandonnée ». Celle qui a ouvert la voie pour les femmes dans le tennis professionnel explique - et je ne peux être plus en accord avec elle - « qu’il n’y a rien de pire dans le sport professionnel que quand vous allumez votre télévision et que les deux joueurs portent la même tenue. C’est horrible. Personne ne sait qui est qui. Avez-vous déjà vu, dans un autre sport, des athlètes d’équipes opposées qui portent les mêmes uniformes ? ». Evidemment Billie Jean !
Pour revenir à nos moutons (tout blancs), je suis très content pour les joueuses. Et qui sait, peut-être un jour verra-t-on des joueurs et des joueuses portant des couleurs dans tous les sens à Wimbledon...