Une détonation a eu lieu, hier, au Masters 1000 de Monte-Carlo. Pas une vraie, ne vous inquiétez pas. C’est juste que Novak Djokovic, le Monégasque (de domicile), s’est incliné, chez lui donc, en trois sets face à l’Italien Lorenzo Musetti qui, pour le coup, évoluait vraiment à domicile, avec un public italien totalement acquis à sa cause.
Mais en regardant d’un peu plus près, ne pouvait-on pas s’attendre à cette défaite ? Voici quelques débuts de réponse.
La difficulté de reprendre après un long break
Comme vous le savez tous, Novak Djokovic, après avoir remporté son 22e Grand Chelem à l’Open d’Australie, n’a pu enchaîner avec les deux Masters 1000 américains - le BNP Paribas Open et Miami, également surnommés le « sunshine double » -, en raison de sa non-vaccination à la Covid 19. Pendant que tous ses petits copains disputaient des matches de compétition, Novak, lui, s’entraînait dur afin d'être prêt quand la caravane du tennis débarquerait en Europe pour la tournée de printemps sur terre battue.
Seulement voilà, l’entraînement c’est une chose, et les matches une autre. Le rythme de la compétition est très précis et vous impose une vitesse de croisière particulière. Vous vous couchez en pensant à votre premier match du tournoi, puis vous le jouez, et vous le gagnez (ou pas). Tout cela procure des émotions en tous genres que votre mental doit gérer. Pas simple. Il faut éviter de dépenser trop d’énergie avec de la colère, du stress, de la déception, de la joie, de la peur… Ce panaché d’émotions conditionne l’athlète. Lorsqu’il se retrouve sur le terrain, il sait jouer avec tout ça en lui. Il sait être performant malgré la fatigue. Il est capable d’être décisif malgré la trouille. Mais quand on s’arrête un mois, les premières fois, ça peut alors faire mal.
La terre battue, pire surface pour un retour
Tous les joueurs de tennis vous le diront, la terre battue est la surface la plus compliquée qui soit. De par la longueur de ses points, elle impose d’avoir un niveau physique très élevé, mais aussi un mental capable de suivre. Lorsque chaque point dure en moyenne une vingtaine de coups de raquette, on peut se douter que, pour le cerveau, ce n’est pas simple. Il faut rester très costaud dans la tête pendant de longues durées. Et lorsqu’on a un peu perdu l’habitude de ça, c’est très compliqué au début.
L’année dernière, Novak Djokovic, après ne pas avoir disputé l’Open d’Australie (toujours pour les mêmes raisons), puis s’être incliné en quart de finale à Dubaï en février, avait fait son retour à la compétition à Monte-Carlo, manquant également la tournée US. Il s’était incliné d’entrée sur Alejandro Davidovich Fokina. Il avait ensuite perdu en finale, chez lui (vraiment cette fois) à Belgrade, puis en demi-finale à Madrid, avant d'enfin soulever un trophée à l’occasion de l'Internazionali BNL d’Italia (le Masters 1000 de Rome). Et en 2021 ? Là non plus, il n’avait pas fait le voyage en Californie, ni en Floride. Résultat : défaite en huitième de finale face à Daniel Evans à Monte-Carlo. Ce dernier étant d'ailleurs bien moins spécialiste de la terre que son bourreau d’hier.
Lorenzo Musetti un terrien, un vrai
Après son « Bye » du premier tour, Novak Djokovic, tête de série numéro 1 du tournoi (Carlos Alcaraz étant forfait), a affronté le qualifié russe Ivan Gakhov. A noter que ce dernier avait battu Luca Van Assche au dernier tour des qualifs, avant de dominer Mackenzie McDonald au premier tour, puis de rendre les armes face à « Nole » et de fêter tout ça dignement, comme vous pouvez l’apercevoir dans la vidéo ci-dessous.
Djoko avait quand même dû refaire un break de retard dans le premier set face à Gahkov, ce qui était déjà un premier signe de fragilité mentale.
Pendant ce temps-là, son futur adversaire venait d’infliger un troisième 6-0 en deux matches ! Au premier tour, face à un autre Serbe, Miomir Kecmanovic, Musetti s’était imposé 7-6 6-0, avant de battre 6-0 6-0 son compatriote Luca Nardi. Soit dit en passant, le talentueux Musetti ferait bien de prendre quelques leçons de respect avant que tout le vestiaire ne se retourne contre lui. Lorsqu’on met deux bulles à son adversaire, on exulte rarement de la manière dont l’a fait l’Italien.
Néanmoins, Lorenzo Musetti est particulièrement à l’aise sur terre battue. C’est sa meilleure surface et, en dehors des « cadors », il était l'un des pires adversaires que Novak pouvait affronter.
Le coude de Novak, la cerise sur le gâteau
Tout ce que j’ai mentionné ci-dessus était connu. Autant d’indices qui auraient pu aider à laisser entrevoir une troisième défaite prématurée au Masters 1000 de Monte-Carlo. Cependant, voir Novak Djokovic jouer avec un « sleeve » pour garder son coude au chaud, alors ça, c’était une surprise ou presque. Le Serbe avait été aperçu criant de douleur et se plaignant du coude durant un entraînement.
Il était clairement diminué et, surtout, fortement agacé par ce « détail ». En témoigne sa conférence de presse qui a suivi le match, que je partage avec vous in extenso.
« Quelles sont vos impressions après cette défaite ? Quelques coups corrects, mais aussi beaucoup d'erreurs...
Le feeling est terrible, honnêtement. Mais félicitations à lui. Il est resté fort dans les moments importants, et voilà. C'est tout ce que je peux dire. Bonne chance à lui.
Pouvez-vous en dire plus sur votre bras droit, sur ce manchon que vous portiez ?
Je ne peux rien dire. Je suis ok. Ça va. Bravo à lui. Passons à autre chose.
Sentiez-vous dès ce matin que ce serait peut-être une journée compliquée ?
Vous espérez toujours passer une bonne journée au boulot, mais je sais que je ne joue pas bien et que lui joue très bien, alors je savais que ce serait un match compliqué.
Monte-Carlo vous a rarement réussi ces dernières années, ça ne devrait pas avoir l'air si catastrophique cette fois ou alors...
(Il coupe) Je ne pense pas que ce soit catastrophique, mais mon feeling est mauvais maintenant, parce que j'ai perdu ce match. C'est tout. Félicitations à lui. Je passe à autre chose.
Avez-vous les idées claires sur ce que vous voulez faire la semaine prochaine ?
La semaine prochaine, je jouerai (l'ATP 250 de) Banja Luka.
On vous connaît, on voit que vous vous sentez mal. Comment l'expliquez-vous, parce que votre début de saison était très bon...
Je sais, mais c'est juste que ce n'est pas un bon jour pour moi. Je ne suis pas vraiment d'humeur à parler. »
Conférence de presse expédiée en moins de deux minutes. C’est très rare et cela démontre que quelque chose ne va pas. Sans doute pas trop grave, car il n’aurait pas joué s’il y avait un risque, mais perdre et en plus être un peu blessé, c’en était trop pour un des GOAT.
Cette défaite n’est donc pas totalement surprenante. Il va falloir à Novak Djokovic encore quelques semaines pour se régler, en espérant que son coude lui foute la paix. A suivre…
