Je me souviens parfaitement d’avoir dit pendant la finale de Roland-Garros, lorsque Novak Djokovic avait quitté le court avec son sac sur l’épaule, que le Serbe était dans son bon droit, qu’il avait bien raison de profiter de la règle permettant aux joueurs de tennis de sortir à la fin d’un set pour une pause soi-disant pipi. La réalité est tout autre. Les joueurs en profitent pour se changer intégralement, peut-être pas prendre une douche mais sans doute se servir allègrement du lavabo qui se trouve dans la pièce. Par la force des choses, ils reviennent donc requinqués.
Hier, durant le quart de finale d’Ugo Humbert, le Français a quitté le court à la fin d’un premier set où il n’arrivait pas à faire grand-chose, pour ensuite revenir et breaker d’entrée. Un avantage suffisant pour égaliser à un set partout. A la fin du 2e, c’est Khachanov qui s’est absenté et vous connaissez la suite. Ugo était en plein bourre et c’est lui cette fois qui s’est fait faucher en plein vol. Appelez-moi chauvin, mais là, ça m’a gavé ! Et pour toujours.
Avec le recul, ce n’est pas que je trouve ces pauses anormales, c’est que je les trouve GROTESQUES ! Il y a des moments où je peux avoir honte de mon sport. Clairement, ce point de règlement en fait immensément partie. Je comprends parfaitement qu’il faille de temps à autre foncer dans les vestiaires pour se soulager. Sauf que depuis un moment, ce n’est plus du tout ce qui se passe.
A mon sens, la règle des toilettes est intelligible.
Mais avant d’aller plus loin et d'écrire des bêtises, je voudrais m’assurer de ce que dit la règle. En fait, ce n’est pas la règle mais les règles : celle des toilettes et celle de la chaleur extrême. La première autorise les joueurs à sortir deux fois par match pour faire une pause pipi. La seconde rentre en vigueur lorsqu’un certain nombre de critères sont cochés (chaleur, humidité, vent, froid). Une fois qu’elle est en place, elle autorise les joueurs à bénéficier d’une pause de 10 minutes après le 2e set sur un match en trois sets gagnants, comme c’est le cas à Tokyo. Pendant ces 10 minutes, les joueurs peuvent faire ce qu’ils veulent, à condition de ne pas bénéficier de coaching ou d’assistance médicale. Pour le reste, ils peuvent prendre une douche, se plonger dans un bain de glace, se changer de la tête aux pieds (caleçon inclus), manger, boire…
Maintenant, je peux dire des bêtises.
A mon sens, la règle des toilettes est intelligible. Et il est difficile d’imposer un temps imparti pour cela, car si vous jouez sur le court Philippe-Chatrier, vous ne mettrez pas le même temps pour atteindre les toilettes que si vous êtes sur le 5. D’ailleurs, lorsque cette règle est utilisée de façon abusive, il y a sanction : à Lyon, Sinner était sorti mais n'avait pas utilisé les toilettes. Il a pris un avertissement et une amende par la suite.
« Gérard, remets-moi une Suze s’il te plait ! ».
Par contre, une pause de 10 minutes pour se refaire une beauté, je trouve cela incroyable. Le tennis est, par définition, un duel, un combat physique de deux athlètes (ou quatre). Si l’un d’entre eux n’est pas capable d’aller au bout de ce duel, alors la victoire devrait revenir à l’autre. Sauf que ce n’est pas le cas. On fait tout pour que le match aille à son terme. Pourquoi ? A la boxe, les victoires par KO ne sont-elles pas les plus belles ? Je ne dis pas que je souhaiterais voir les matches se terminer plus vite, mais de temps à autre, si un joueur est totalement cramé, je trouverais logique de le voir juste abandonner. En revanche, le voir être soigné à tous les changements de côté, là, c’est niet !
Concernant le degré d’humidité des vêtements, je ne comprends pas bien le souci. Si un t-shirt est trop mouillé, il suffit de le changer, tout comme le short et les chaussettes d’ailleurs. Ça vous choquerait, vous, de voir un joueur retirer son short pour en mettre un propre ? Moi non, et pour les âmes sensibles, il suffit de prévoir une petite cabine pour se changer. Mais de grâce, mettez un terme à cette sortie du court qui se fait en plus au ralenti, autant à la sortie qu’au retour sur le terrain.
Et puis, on ne va pas se le cacher, ce moment d’isolement, qui est bien souvent pris lorsque le joueur est mené et qui, ensuite, offre la plupart du temps un retournement de situation ne fait pas du bien au tennis en général. Les râleurs en profitent pour dire des bêtises encore plus grosses que les miennes, à coup de « C’est sûr il se fait une petite piquouze et après, ça va mieux ». Ce genre de phrase est souvent suivi par « Gérard, remets-moi une Suze s’il te plait ! ».
Les instances du tennis sont en période de réflexion et ces règles pourraient être amenées à changer bientôt, car on se rend compte au niveau de l’intelligentsia du tennis mondial que ça ne va pas du tout.
Ouf, je ne suis donc pas le seul à penser que la situation ne peut plus durer.