Comment est-ce possible d’entraîner sans avoir été joueur de haut niveau ?

26 sept. 2013 à 10:14:19

Comment est-ce possible d’entraîner sans avoir été joueur de haut niveau ? Zoom sur cette spécificité du tennis dans la Question de la semaine.

Le circuit regorge d’entraîneurs qui n’ont jamais percé en professionnel lorsqu’ils étaient en âge de jouer. A croire que les joueurs actuels n’attachent aucune importance au palmarès de leurs mentors. Zoom sur une spécificité du tennis.

 

Difficile d’occulter l’importance de Pete Fischer de la carrière de Pete Sampras, et ce même si les deux hommes ont mis un terme à leur collaboration dès 1989, avant le premier titre en Grand Chelem de l’Américain. En plus d’être très gourmand financièrement, Fischer avait la particularité d’être pédiatre et de… ne rien connaître au tennis. Un cas original, mais pas si atypique que ça, en réalité.

 

Plusieurs têtes d’affiche du circuit actuel sont en effet coachées par des noms dont le CV ne comporte pas la mention « ancien joueur professionnel ». Et pas n’importe lesquelles : Victoria Azarenka collabore avec Sam Sumyk alors que Marion Bartoli était coachée par Thomas Drouet lors de sa victoire à Wimbledon, pour ne citer qu’elles. Tous deux n’ont jamais percé avec une raquette à la main, ce qui ne les a pas empêchés de décrocher du travail et d’être aujourd’hui des entraîneurs reconnus. Difficile d’imaginer une telle situation en football, par exemple, où les vestiaires remplis d’égos ont parfois du mal à respecter un coach sans grand passé. Certes, Gérard Houllier, mythique coach de Liverpool, n’avait jamais joué à haut niveau, mais son cas reste exceptionnel. « La différence, c’est que l’entraîneur de foot n’est pas choisi par ses joueurs, mais par l’encadrement du club. En tennis, c’est le joueur qui vous engage. Donc s’il vous choisit, c’est qu’il vous fait confiance », avance Thomas Drouet. L’absence d’expérience du haut niveau ne serait donc pas un handicap. « Le joueur va regarder s’il vous le faîtes gagner, s’il progresse, et si votre philosophie lui plaît, point. Pas si vous avez joué en pro », appuie Ronan Lafaix, ancien entraîneur de Stéphane Robert et « simple » amateur durant sa carrière. L’auteur de Un Nouveau Coaching Pour Gagner poursuit : « En réalité, j’ai eu plus de difficultés avec mon classement en tant qu’entraîneur de club chez les amateurs que chez les pros. Les joueurs avaient un peu honte de dire que j’étais 15/2. Alors que sur le circuit, c’est l’efficacité qui prime. »

 

« Tous les grands entraîneurs sont avant tout de grands psychologues »

 

Comment compenser l’absence d’expérience du haut niveau dans son approche avec le joueur ? En faisant profil bas et en faisant preuve d’ouverture d’esprit, selon Sam Sumyk : « Avec ma joueuse, j’évite de dire "Je sais" quand je ne sais pas. N’ayant pas connu certaines situations, je sais très bien que je ne peux aborder certains aspects du jeu. Mais je lui fais part de mon manque de connaissances et j’essaye de combler mes lacunes en faisant des recherches, en lisant et en rencontrant des gens ». A en croire les personnes concernées, avoir été un grand joueur permet de taper la balle avec son poulain et de lui éviter des frais de sparring-partner, mais pas de faire gagner des matchs. « Il y a des subtilités que seul quelqu’un qui a fait de la compétition peut apporter, c’est vrai. Mais ce n’est pas parce qu’on est un ancien Top 100 qu’on fera un bon entraîneur », estime Thomas Drouet. Ce qui compte, c’est de savoir à qui on a affaire et d’appréhender son comportement. Bref, de remettre l’humain au centre du coaching. Voilà qui explique pourquoi beaucoup de parents s’improvisent entraîneur de leurs rejetons lorsqu’ils commencent à percer. Pas idiot : qui connaît mieux Serena Williams que son propre père, au fond ? « Tous les grands entraîneurs sont avant tout de grands psychologues », résume Ronan Lafaix.

 

Reste que si les cas d’entraîneurs qui n’ont pas été pro sont assez fréquents dans le milieu de la balle jaune, c’est surtout l’absence d’anciennes gloires parmi le cheptel de coachs qui est éloquent. Mis à part Lendl et Connors, très peu de très grands joueurs se sont reconverti entraîneurs. La raison ? Devoir se sacrifier au profit d’autrui n’est pas chose aisée lorsqu’on a eu les projecteurs braqués sur soi pendant toute sa carrière. « Lorsqu’on entraîne, il faut mettre sa personne de côté et être au service du joueur. Devoir prendre ce recul lorsque tout a gravité autour de vous pendant quinze ans peut être difficile à encaisser, surtout pour une ancienne star », détaille Thomas Drouet. Federer fera t-il mentir la statistique lorsqu’il décidera de raccrocher ?

 

Par Marc Hervez

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