Vers la disparition du revers à une main ?

12 mars 2013 à 18:16:08

Vers la disparition du revers à une main ?
« Son revers était bizarre, il le faisait d’une seule main, ce qui était nouveau. Quelqu’un lui avait trafiqué son revers, et il était évident que cela allait lui coûter sa carrière. » Voilà comment André Agassi...

« Son revers était bizarre, il le faisait d’une seule main, ce qui était nouveau. Quelqu’un lui avait trafiqué son revers, et il était évident que cela allait lui coûter sa carrière. » Voilà comment André Agassi décrit dans son autobiographie «Open», sa rencontre avec le tout nouveau revers à une main de ce « Pete je ne sais pas quoi Sampras ». Les futurs frères ennemis du tennis des années 90 ont alors 17 ans et le Kid de Las Vegas éprouve presque de la pitié pour ce Californien qu’il vient de démonter en deux sets à Rome : « Il a l’air d’un brave gars. Mais je ne m’attends pas à le revoir dans un tournoi ».  

« Le revers à deux mains est plus simple à apprendre »

Sur les conseils de son premier coach Peter Fischer, un pédiatre américain sans aucune connaissance en tennis mais fasciné par Rod Laver, l’adolescent a abandonné à 15 ans son revers à deux mains. Une hérésie ? Même pas quatre ans plus tard, Sampras humilie Agassi en finale de l’US Open 90. Une victoire pour le revers à une main face à celui, à deux mains, de la maison Bollettieri. La suite, on la connaît. En 1991, dans le top 10 mondial, ils sont huit à plébisciter cette prise : Stefan Edberg, Boris Becker, Michael Stich, Ivan Lendl, Pete Sampras, Guy Forget, Karel Novacek et Petr Korda. Vingt-deux ans plus tard, Roger Federer et Richard Gasquet sont les derniers résistants. Le revers à deux mains a gagné la partie. Il vire même à la dictature chez les femmes où il faut descendre au 24e rang mondial et  l’Espagnole  Carla Suarez-Navarro pour voir un revers à la Hénin ou Mauresmo. Les premières traces de ce coup bras fermé en compétition officielle datent des années 30. Une époque où les Australiens McGrath et Bromwich étaient perçus comme des objets tennistiques non identifiés avec ce geste qu’on croirait emprunté au baseball. Depuis Connors, Evert et surtout Borg sont passés par là. Entraîneur à la Fédération française de tennis (FFT), Alain Solvès a consacré un mémoire sur le sujet. Selon lui, l’évolution du matériel explique en partie cette révolution : « Comme les enfants se sont mis au tennis plus jeunes ces dernières années et que les raquettes n'étaient pas adaptées, ils ont naturellement commencé à la tenir à deux mains en revers pour avoir plus de force ». Mais l’ancien coach d’Arnaud Di Pasquale avance également une autre explication : « Il est évident que les moniteurs de tennis préfèrent enseigner le revers à deux mains. Déjà parce qu’il est plus simple à apprendre et que l’enfant aura plus vite des résultats avec. »  

« Il me fait chier avec son chop de revers Roger ! »

Une vision à court-terme qui l’emporte le plus souvent sur la construction du jeu à plus long terme. Il faut dire que le revers à deux mains a ses arguments. Il a transformé un coup autrefois considéré comme purement défensif en arme de destruction offensive. Le revers à une main ne s’est pourtant pas encore avoué vaincu. S’il est surtout plébiscité par les nostalgiques et les esthètes, il dispose aussi de quelques arguments pour résister à l’invasion des Djokovic, Murray, Nadal ou Williams. « Grâce à l’action du poignet qui donne une vitesse d’exécution supérieure, note Alain Solvès, il permet de trouver des angles plus fermés. Il est aussi plus simple de volleyer quand on a un revers à une main. » Paradoxalement, en devenant minoritaire, la prise à une main est devenue déconcertante pour ses adversaires. Combien sont-ils à haïr le petit revers chopé de Roger Federer ?  Après sa défaite à Roland-Garros en quart de finale contre le Suisse en 2009, Gaël Monfils en a même oublié de retenir ses mots : « Il me fait chier avec son petit chop de revers Roger ! » Il fait chier, mais il gagne. Comme Sampras, Federer a su lâcher l’autre main. Plutôt que d’avoir un revers à deux mains parmi d’autres, il a préféré disposer de son revers à une main à lui. « Au plus haut niveau chez les hommes, il n'y a pas de revers à une main faible. C'est même une force. Il suffit de prendre le classement pour s’en rendre compte », fait remarquer Alain Solvès. Sauf que Roger Federer n’est pas éternel. Une fois l’homme aux 17 tournois du Grand Chelem bon pour veiller sur sa petite famille et son livret A, qui va prendre la relève ? Almagro, Gasquet ou le fantasque Dimitrov ? A priori, la domination du revers à deux mains risque de devenir écrasante. Alain Solvès refuse tant bien que mal de croire à cette fatalité. Ces dernières années, il observe « un retour du revers à une main » dans les différents centres d’entraînement de la Fédération française. Encore faut-il tomber sur un « je ne sais pas quoi Sampras ».

Par Alexandre Pedro

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