“En Grand Chelem le tennis est un sport différent”, et Djokovic un autre homme

12 juin 2023 à 17:37:15 | par Mathieu Canac

Loin du sommet de son art avant Roland-Garros, Novak Djokovic a retrouvé son meilleur tennis à Paris, comme toujours dans les grands rendez-vous. De quoi soulever un 23e titre record en Grand Chelem, et récupérer la place de numéro 1 mondial.

Novak Djokovic ne joue plus au tennis. Il se consacre à un tout autre sport : le tennis en Grand Chelem. En arrivant à Roland-Garros, il sortait d’une saison sur terre battue plus que moyenne pour ses standards. Cinq victoires et trois défaites - contre Lorenzo Musetti, Dušan Lajović et Holger Rune - en trois tournois, sans jamais aller plus loin que les quarts de finale. De quoi ne pas le placer comme favori numéro 1 à Paris d'après les bookmakers - qui lui ont préféré Carlos Alcaraz -, lui, l’homme qui comptait alors 22 titres du Grand Chelem.

Son bilan de préparation, le Belgradois n’en avait cure. “En arrivant ici (à Roland-Garros), il n’avait pas une confiance et une forme incroyables, a expliqué Goran Ivanišević, son coach, dimanche soir. Mais je n’étais pas inquiet. Ces tournois ne comptaient pas vraiment. Le seul qui comptait, c’était celui-ci (Roland-Garros). Dans sa tête, il a ce logiciel qu’il peut mettre en route dès qu’il arrive en Grand Chelem. Les tournois du Grand Chelem, c’est un sport différent.” Une dernière formule déjà lâchée par Djokovic lui-même lors du Media Day avant la grand-messe de l’ocre.

Dès qu’il a mis le pied ici, il est devenu meilleur, plus motivé, il avait davantage faim, a détaillé l’entraîneur croate. Contre Alcaraz, il a joué un tennis exceptionnel, et incroyablement intelligent. (...) Certains ont dit qu’il n’avait aucune chance contre Carlos (Alcaraz) en demi-finale. Mais c’est Novak. Quand vous lui dites qu’il n’a aucune chance, il a encore trois fois plus faim.” Ce qui fait dire à Ivanišević et Djokovic que le tennis en Majeur est une discipline différente, c’est le format des matchs.

“La plupart des gars ressentent beaucoup de pression quand ils doivent m’affronter au meilleur des cinq sets” - Novak Djokovic

Si battre la montagne serbe en deux sets gagnants s’apparente à gravir l'Everest, le faire au meilleur des cinq manches revient à réussir cette performance mais sans apport d’oxygène ni sherpa. Et le principal intéressé en a parfaitement conscience. “En débarquant ici (à Roland-Garros), mes résultats sur terre n’étaient pas bons, a déclaré Djokovic en conférence de presse après son sacre. Je ne jouais pas bien. Mais dès que je suis arrivé ici, je me suis senti différent. J’ai senti que j’avais une chance, une très bonne chance contre n’importe qui en trois sets gagnants.

Je sais que la plupart des gars ressentent beaucoup de pression quand ils doivent m’affronter au meilleur des cinq sets, a-t-il ajouté. Et c’est exactement ce que je veux qu’ils ressentent. C’est une bonne chose d’avoir, dans un sens, cet ascendant mental.” Une pression psychologique que n’a pas niée Carlos Alcaraz, battu 6-3, 5-7, 6-1, 6-1 par le futur roi de la quinzaine. Victime de crampes en début de troisième round, l’Espagnol, qui avait remporté trois rencontres consécutives en cinq actes lors de son parcours victorieux à l’US Open, ne l’a pas caché : sa défaillance physique a trouvé source dans le stress et la pression.

Les crampes, c’étaient la combinaison de plusieurs choses, mais la tension a été la raison principale, a confié le champion de 20 ans devant les journalistes. Défier Djokovic en Grand Chelem pour la première fois de sa jeune carrière a-t-il fait peser plus de poids sur ses épaules pourtant déjà bien charpentées ? “Probablement (sourire), a-t-il répondu. Si quelqu’un vous dit qu’il entre sur le court face à Novak sans être nerveux, il ment.” Au fil de sa carrière, le surnommé “Nole” s’est rapproché d’une forme d'invincibilité en format rallongé.

96,30 % de matchs gagnés en Grand Chelem depuis 2021

Depuis ses premiers pas sur le circuit principal, il est sorti vainqueur de 81,36 % de ses duels en deux sets gagnants, 87,47 % au meilleur des cinq manches. Depuis 2011, année de son deuxième titre en Grand Chelem - en Australie, trois ans ans après le premier -, celle à partir de laquelle il a commencé à enchaîner les titres majeurs, il est passé à 85,45 % lors des joutes raccourcies, et 91,64 % dans celles des grands rendez-vous. Une différence s’étant accentuée ces dernières saisons.

Depuis début 2021, Djokovic a gagné 96,30 % de ses matchs en trois manches gagnantes (52 victoires, 2 défaites), et 81,81 % de ceux en deux. (72 victoires, 16 défaites). “Les tournois du Grand Chelem sont ma plus grande priorité, surtout à ce stade de ma carrière, a expliqué le joueur de 36 ans après son triomphe porte d’Auteuil. Même si l’âge est juste un nombre, ce qui sonne comme un cliché mais j’ai vraiment l’impression que c’est le cas pour moi, la vérité est que mon corps répond différemment que par le passé. Cinq, dix ans en arrière il me fallait moins de temps pour récupérer, et je ne ressentais pas autant de douleurs et de fatigue qu’aujourd’hui (dimanche, après la finale de Roland-Garros).

Faisant de tous les autres évènements, y compris les Masters 1000, des simples préparations pour ménager son physique et atteindre son pic de forme au moment désiré, Novak Djokovic a remporté six des huit dernières levées du Grand Chelem qu’il a disputées. Devenant ainsi le seul homme de l’histoire à atteindre les 23 sacres majeurs en simple. Cerise sur le gâteau, de nouveau numéro 1 mondial grâce à son épopée parisienne, il va encore améliorer son record, hommes et femmes confondus, de temps passé sur le trône. 388 semaines. Série en cours.

 

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