Stefanos Tsitsipas : bad guy identifié

15 oct. 2021 à 14:06:57 | par Eli Weinstein

Dans tout bon scénario qui se respecte, il y a un gentil et un méchant. Ceci se rapporte également à la vraie vie, sauf que dans cette dernière, ce n’est pas toujours le gentil qui gagne. Du coup, la place du « méchant » peut être intéressante à occuper. A condition de pouvoir l’assumer.

Du temps du « Big 3 », il y avait deux rôles : les gendres idéaux que sont Rafael Nadal et Roger Federer, et le bad guy pas du tout assumé qu’est Novak Djokovic. Je me suis déjà expliqué là-dessus : si Djokovic avait embrassé ce rôle du méchant à la Lendl, il pourrait peut-être compter aujourd’hui entre 25 et 30 Grands Chelems, laissant les deux « nice guys » loin derrière pour l’éternité. 

Sauf que ça ne se passe pas du tout comme ça. Bien au contraire. Durant toute sa carrière, Novak a couru après les deux autres, triomphant dans leurs ombres, tout en se battant pour tenter de récupérer une part du gâteau parfumé à l’amour du public. C’est enfin arrivé à l’US Open mais, je le crains, un chouia trop tard.

Quand il prend un micro, il se passe toujours quelque chose

Si l’on considère que le « Big 3 » n’est plus, on peut aussi commencer à parler d’un nouveau trio infernal, composé de Daniil Medvedev, Stefanos Tsitsipas et Alexander Zverev. Ces trois-là se cherchent encore. Par là, je veux dire que leurs rôles respectifs ne sont pas encore tout à fait déterminés. 

Daniil Medvedev, le Russe, a tenté de s’emparer de la place du méchant, en ne fêtant pas ses victoires, en cherchant le public lorsqu’il n’est pas satisfait de son comportement, allant jusqu’à l’insulter. Le problème, c'est que comme Djokovic, Daniil est là complètement dans un rôle contre-nature. Le numéro 2 mondial est tout sauf méchant. C’est quelqu’un de profondément gentil. Je le dis en connaissance de cause, car je le connais un peu. Ce n’est donc pas juste une impression de conférence de presse, même si celle-ci corrobore avec mes dires. Quand il prend un micro, il se passe toujours quelque chose. Je vous rappelle qu’il a tout de même terminé son discours de victoire à l’US Open en prononçant les mots suivants : L2 + gauche ! Comment peut-on ne pas aimer un gars comme ça ? Désolé Daniil, tu ne seras pas la nouvelle brute/truand.

Restent donc les deux Russes, euh pardon, le Grec et l’Allemand, dont un qui a donc une maman bien russe et l’autre dont les deux parents le sont également. Naturellement, et au vu de ses histoires persos extra-tennistiques, on pourrait penser que Sascha Zverev est le candidat parfait pour incarner le méchant. Toutefois, il ne semble pas que ce casting lui convienne. Et de toute façon, il n’est pas taillé pour le rôle. Et même s’il est naturellement beaucoup moins sympa que Medvedev, il ne fait pas suffisamment l’unanimité contre lui. Peut-être par manque de charisme ?

Vous voyez où je veux en venir. Pour moi, le vrai futur bad guy du circuit va être Stefanos Tsitsipas. Il coche pas mal de cases. Depuis l’US Open et ses sorties de terrain à répétition, le Grec a réussi à se mettre pas mal de populations à dos (joueurs, spectateurs, téléspectateurs, journalistes…). Puis à la fin de son tournoi, durant son ultime conférence de presse, il a prononcé les mots qui suivent : « Je ne fais pas semblant d’être aimé par tout le monde. Mon intention n’est pas d’être aimé par tous. » Eh ben voilà. 

Ce garçon est un peu dans son monde

Avant l’US Open, les choses n’étaient pas encore très claires, mais depuis, tout devient de plus en plus limpide. Malgré son jeu fantastique et spectaculaire, nonobstant son look de beau gosse, en dépit de sa personnalité artistique, Stefanos Tsitsipas est de plus en plus clivant. Durant le majeur new-yorkais, il était devenu le bouc émissaire, je l’avais d’ailleurs défendu, mais visiblement, ce n’est pas fini. Dernier exemple en date, la fin de son match face à Fabio Fognini. Au moment de la poignée de main, l’Italien, sorti droit de la Commedia dell'Arte, a reproché à son adversaire d’avoir triché en se faisant coacher par son père pendant le match. C’est sûr que Fabio, lui, ne fait jamais rien sur un terrain qui embête son adversaire, mais passons.

 

 

En ayant cette réaction à la fin du match, Fognini a virtuellement remis une pièce dans le flipper : Stefanos est le méchant. 

Tout ça n’a pas du tout l’air de gêner le Grec. Il faut dire qu’il est un peu perché naturellement, du coup, il est peut-être moins touché par ce genre d’incidents. C’est pourquoi je pense qu’il est capable d’endosser le costume de celui que tous détestent. Attention, pas simple de se prendre des scuds chaque semaine. Mais visiblement, ça n’a pas l’air de le blesser plus que ça. Et au vu de ses résultats, ça a même l’air de lui plaire.

Petite précision, je vous disais que Daniil était une crème, mais Stef est aussi un garçon qui peut être tout à fait charmant. Le truc, c'est qu'il peut dans la même journée vous payer un café et taper la discute, puis passer à côté de vous, quelques minutes plus tard, sans vous calculer. Cela n’est pas de la « snobardise » ou de la méchanceté gratuite, c'est juste que ce garçon est un peu dans son monde. 

Un monde dans lequel les critiques le touchent moins. Un détail non négligeable lorsqu’on est le « bad guy » identifié.

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