Ses amorties, comme des caresses, ont donné des frissons à tous les amoureux du tennis.
Par ses tours de passe-passe, sa combativité, son attitude et ses exploits, il a enchanté le public. Quand je l'ai vu jouer, j'ai ressenti l'irrépressible envie d'empoigner ma raquette et cavaler jusqu'au club le plus proche pour taper la balle. "Il va donner beaucoup de joie", affirmait Dominic Thiem après avoir bataillé pendant cinq manches pour en venir à bout. Agissant comme une loupe pendant deux semaines, Roland-Garros a propulsé Hugo Gaston comme "l'espoir du tennis français". Lui le sait, sous cette loupe chauffée au rayon médiatique et l'engouement populaire, il doit garder la tête froide pour ne pas prendre feu.
Aux yeux du grand public qui aime prendre son pied devant le Majeur de la porte d'Auteuil mais qui ne suit pas forcément le tennis toute l'année, le gaucher de 20 ans est la "nouvelle pépite". Konbini, Canal +, RMC, Quotidien, Stade 2, Tous en cuisine sur M6... Après ses coups de patte, tous les médias se pressent pour l'inviter. Normal. C'est le jeu. Il faut faire de l’audience et les Français veulent alors voir encore un peu ce "gamin" qui les fait rêver. Dans les faits, le jeune Toulousain est derrière Ugo Humbert - récemment titré à Anvers - et Corentin Moutet sur le plan des résultats. Ces derniers, ayant toutefois respectivement deux ans et un an de plus que lui, sont désormais installés sur le circuit principal. Pour les rejoindre, Gaston doit d'abord faire son trou à l'échelon inférieur. En Challenger. Là où tout le monde veut croquer le "héros de Roland".
“Hugo est devenu une cible”
"Hugo est devenu une cible, constate Marc Barbier, son entraîneur, dans L'Équipe.
Le regard de ses adversaires a changé, ils le prennent plus au sérieux. En qualif', il était un gibier que l'on chassait."
Ces "qualif'", ce sont celles du Challenger d'Hambourg organisé du 26 octobre au 1er novembre. Le premier tournoi du "prince de l'amortie" depuis Roland-Garros. Après une victoire face à son compatriote Hugo Grenier, Hugo Gaston s’incline en trois sets devant le robuste Matthias Bachinger, ex 85e mondial. Mais, repêché grâce à son statut de tête de série numéro 1 des qualifications, il intègre le tableau principal. Là, il élimine Sumit Nagal, 131e au classement ATP, sur abandon (6/4 4/1), avant de tomber face à Sebastian Offner, 171e de la hiérarchie planétaire (6/7 2/6).
"Les joueurs sont plus vigilants quand Hugo prépare ses amorties, ajoute son coach. Mais il est malin et sent bien le jeu. Quand il va s'apercevoir qu'il surprend moins, il va trouver des solutions. Son niveau de Roland-Garros n'est pas celui de tous les jours, mais le but est de s'en rapprocher régulièrement." Dans cette optique, pas le choix : il faut bosser. Encore. Toujours. "
Je vais repartir m'entraîner pour essayer d'être plus fort et gagner des matchs, déclare-t-il en conférence de presse après sa lutte épique face à Dominic Thiem en huitièmes de finale de Roland-Garros. "À la fin, Dominic m'a dit deux, trois mots gentils et de continuer à travailler dur. Ça me fait plaisir venant de Dominic. Jouer contre des joueurs comme lui, voir qu'on a le niveau, ça donne envie de repartir s'entraîner pour être encore meilleur.”
“Essayer d’être numéro 1 mondial”
Pour y parvenir, il ne délaisse aucun aspect. Grâce à des cours de yoga et des séances avec une psychologue du sport, il forge son esprit et apprend à gérer ses émotions. Par le passé, de son propre aveu, il pouvait se laisser dominer par sa frustration. Son attitude tout au long de ses duels sur l’ocre de Roland montre l’étendue de ses progrès colossaux dans ce domaine. 162e mondial cette semaine, il a un but à court terme. "L'objectif est d'être dans le top 100 le plus rapidement possible, confie-t-il après la défaite contre Thiem. J'espère que l'année prochaine en revenant à Roland, je serai dans le tableau (final) sans invitation." Voilà pour la première étape. En ce qui concerne son avenir plus lointain, Gaston nourrit des attentes bien plus élevées. Et c'est tout à son honneur. L’ambition n’est pas un gros mot.
Invité des Grosses Têtes du 29 octobre sur RTL pour parler de son livre - Ce sport qui rend fou - Gilles Simon constate : "Chez les très jeunes Français, jusqu'à 11-12 ans, on peut entendre : 'J'ai envie d'être numéro 1 mondial. Et puis petit à petit, en grandissant, le rêve va devenir 'raisonnable'. Ils vont dire, j'aimerais bien être dans les 100." Assis sur ses 20 balais, Hugo Gaston n'est visiblement pas fait du même bois. "(Je veux) essayer d'être numéro 1 mondial et gagner un ou plusieurs (titres du) Grand Chelem, dévoile-t-il chez Konbini. C'est très compliqué, mais ce sont mes objectifs et j'espère pouvoir les réaliser." Certains lui reprocheront, diront qu'il "s'enflamme", mais personne ne sait ce qu'il accomplira dans sa carrière. Une chose est certaine : s'il n'y croit pas lui-même, il n'a aucune chance de grimper jusqu'aux sommets qu'il vise.
“Ne le brûlez pas”
S’il perd sèchement au premier tour à Bercy, où se joue la course au Masters, et ne confirme pas dès début 2021, il faudra se retenir. Éviter les bilans débités sur un ton péremptoire pour l’arracher aux nuages sur lesquels on l’a monté et le mettre plus bas que terre, au cimetière des grands espoirs. La culture de l’instant se marie rarement à la pertinence. “Roger Federer est l’archétype du talent gâché, écrivait un journaliste des Dernières nouvelles d’Alsace après la défaite de l’Helvète au premier tour de Roland-Garros 2003. En son temps, Connors qualifiait Lendl de ‘poule mouillée’. Federer n’a même pas la combativité de ce sympathique galliforme. Il traîne son indigence sur tous les courts du monde avec la même irrégularité depuis cinq ans. Peut-on croire encore au fantasque Suisse ? Assurément non.” Un mois et demi plus tard, à Wimbledon, le Bâlois soulevait le premier de ses 20 titres du Grand Chelem.
“Ma crainte, c’est qu’on ne le (Hugo Gaston) laisse par mûrir, répond Gaël Monfils lors d’une conférence de presse via sa chaîne Twitch. Lui-même le sait, il a encore beaucoup de chemin à faire. Il faut attendre avant de le surmédiatiser, parce que c’est beaucoup de pression. Il est très talentueux et a montré un tennis exceptionnel. Si jamais il perd des matchs et ne confirme pas tout de suite, ça ne veut pas dire que l’espoir est gâché. Non, non. Il est sur une bonne trajectoire. Ne (les médias) le brûlez pas.”
Afin de poursuivre une trajectoire aussi belle que celles de ses frappes, l’entourage aura aussi un rôle important à tenir. Les médias ne changeront pas. C’est souvent aux proches d’étaler la crème solaire dans le dos pour aider à ne pas prendre de vilaines brûlures.
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