Mon premier sentiment en lisant l'interview du jour de Benoît Paire sur l'Equipe.fr a été « Franchement, il exagère ! ». Puis j'ai changé d'avis, car j'ai été touché par sa franchise. Il est rare, à ce niveau, de voir des joueurs qui disent vraiment ce qu'ils ont sur le cœur.
Evidemment, il ne ferait pas cela avec n'importe qui. Il faut que la relation avec le journaliste soit bonne, ce qui est le cas. Mais pas que. Car Benoît, par le passé, a déjà fait preuve de grande franchise, en étonnant plus d'un à chaque fois. Je pense notamment à une interview qu'il avait donnée, dans laquelle il expliquait que la première chose à laquelle il pense lorsqu'il remporte son premier jeu dans un match est, qu'au moins, il ne perdra pas 6-0 6-0. Alors certes, le garçon est clairement torturé pour penser à ça si tôt dans un match, mais combien de joueurs l'avoueraient s'ils y pensaient ? Aucun.
Pas tombé dans l'oreille d'un aveugle
Pour un joueur de tennis, le match ne s’arrête jamais. Ce n'est pas parce qu'il serre la main de son adversaire et qu'il quitte le court que la partie est terminée. Loin de là. La partie se joue en permanence. Tout le monde s'affronte sans arrêt. En réalité, le circuit principal est un tout petit groupe. Tout le monde se connaît par cœur. On s'étudie, on s'espionne, on s'analyse. Sur le court, dans le vestiaire, dans la presse. Tout est bon à prendre.
Alors lorsqu'il évoque sa quatorzaine, et la façon dont il va désormais se « préparer pour un Grand Chelem en une semaine, après 14 jours dans mon lit 24 heures sur 24 », vous pouvez être sûrs que ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un aveugle. Mais lui, Benoît, il s'en fout. Il est comme il est. Il ne s'amuse pas à essayer d'être quelqu'un qu'il n'est pas. Cela étant, il est vrai que cette préparation pour un Grand Chelem est totalement catastrophique, limite dangereuse.
Il en est d'ailleurs bien conscient, lorsqu'il poursuit en avouant que « Là, je le prends plus comme une période d'entraînement. L'ATP Cup, c'est important parce que c'est l'équipe de France, donc je vais donner le maximum. L'effervescence du groupe, de l'équipe, ça va m'apporter quelque chose. Mais l'Open d'Australie, que je perde au premier tour ou que je fasse quarts, ça ne changera pas grand-chose. Ce n'est pas ma priorité. ».
Je ne joue pas au tennis pour être enfermé
C'est grave. Pas ce qu'il dit, car il est lucide et il sait très bien que ses chances de faire un bel Open d'Australie sont réduites à néant. Et d'ailleurs, en disant cela, il s'enlève de la pression. Mais je persiste et signe en disant que ce n'est pas normal d'en être arrivé là. Car Benoît n'est pas un cas isolé. Ils sont 72 ! 72 à ne pas avoir pu sortir de leur chambre pendant 15 jours. 72 à devoir s'envoyer un Grand Chelem avec une préparation quasi nulle. Et puis quelle tristesse d'en arriver au point qu'on admet qu'un Grand Chelem n'est pas une priorité, mais juste une simple période de préparation.
Tout ça corrobore ce que je disais il y a quelques jours, comme quoi il ne fallait pas disputer l'Open d'Australie coûte que coûte en début d'année. J'espère d'ailleurs pour tout le monde, mais surtout pour Tennis Australia, qu'il n'y aura pas de blessure grave, car cela leur retomberait sans doute dessus.
La seule partie de l'interview que je regrette un peu est la fin, quand Benoît dit qu'il préférerait presque « qu'ils coupent complètement et qu'on revienne dans de bonnes conditions. Je ne joue pas au tennis pour être enfermé dans une bulle. ». Là, il doit faire attention. Car à mon sens, malgré tous ces protocoles compliqués et rigoureux, cela n'en reste pas moins une vie de privilégiés. Même si en ce moment, elle est un peu plus contraignante que d'habitude.