Fallait-il disputer l'Open d'Australie ?

Je suis bien placé pour savoir qu'il est particulièrement désagréable d'entendre quelqu'un qui ne comprend rien à rien balancer une énormité du genre « Il faut annuler ce tournoi, un point c'est tout ». Henri Leconte, si tu me lis… Je suis tout aussi bien placé pour savoir que le bon déroulement d'un événement aussi important qu'un tournoi du Grand Chelem est, financièrement, ultra important pour tout le monde. « At the end of the day », comme disent les Australiens, c'est du travail pour tout le monde, ce qui, par les temps qui courent, n'est pas une mince affaire dans le milieu du sport professionnel. Mais dans le cas de l'Open d'Australie, il me semble que le timing n'est vraiment pas bon. Je ne dis pas qu'il fallait annuler ce tournoi, surtout pas, mais le repousser à plus tard dans l'année, sans doute.

Les Australiens ont souffert pour lutter contre le Covid (oui, je dis le, je dis aussi la VAR) et, contrairement à la majorité des pays dans le monde, ils y sont parvenus. Il n'y avait plus un seul cas de Covid. Evidemment que pour atteindre cela, il a fallu faire des efforts considérables. Un confinement très strict, n'ayant rien à voir avec nos confinements à base de soirées, de restaurants qui servent derrière des rideaux fermés, de raves party à 4 000 personnes. Non, là-bas, ça n'a pas moufté. En même temps, autant les Australiens sont vraiment cool et sympas, autant ils sont rudes, inflexibles et, finalement, pas si coooooool que ça. Mais force est de constater qu'ils ont réussi leur coup. La vie là-bas est comme avant. Des stades pleins, pas de masques, des bouffes entre potes au restaurant, des roulages de pelle, bref, la vie quoi ! Il est donc compréhensible que les habitants voient d'un mauvais œil l'arrivée de 1000 joueurs de tennis - dont en plus certains ont été testés positifs - des quatre coins de la planète. 

Les traiter comme des prisonniers.

Le problème est que ces 1000 joueurs n'ont rien demandé à personne. Il s'agit tout simplement d'athlètes professionnels désirant exercer leur métier. Par contre, il y en a un qui s'est battu comme un diable (de Tasmanie?) pour que tout ce beau monde se réunisse à Melbourne. Il s'agit de Craig Tiley, le directeur du tournoi. Croyant sans doute bien faire, ce dernier a négocié dur avec le gouvernement local pour obtenir l'autorisation de maintenir le tournoi. Ce qui, à titre de comparaison, n'a pas été le cas du Grand Prix de Formule 1 qui devait se tenir le 18 mars et qui, au final, aura lieu le 21 novembre.

Donc oui, les joueurs sont perçus comme une menace sur la situation. Ce n'est pas une raison pour les traiter comme des prisonniers. Et la réalité est qu'aujourd'hui, c'est le cas. La nourriture (affreuse) qui est livrée devant les portes des chambres est, bien entendu, froide (chaude à la base). Lorsque vous ouvrez votre porte pour récupérer votre gamelle, si dans la cellule, euh pardon, chambre d'en face, un autre joueur fait la même chose et que vous avez le malheur de tailler une micro bavette, sortent alors de nulle part des agents de la 'Health Authority' pour vous ordonner de rentrer dans votre chambre et de fermer la porte. Car vous mettez des vies en danger...

Retour à la geôle, euh pardon, la piaule

Concernant les 5 heures d'entraînement par jour, il faut préciser que 30 minutes sont réservées pour l'aller et 30 minutes pour le retour. Il ne reste donc plus que 4 heures. Les échauffements sont effectués dans les chambres car aucun joueur ne veut gâcher son temps sur le court (2 heures) pour s'échauffer. Ensuite, c'est la muscu, puis retour à la geôle, euh pardon, la piaule. Petite précision, lorsque votre escorte vient vous chercher dans votre chambre, vous avez intérêt à être prêt. Aucun retard n'est toléré. Si vous n'êtes pas prêt, alors c'est « too bad », car l’escorte s'en va et votre occasion de s'entraîner avec. Et surtout, veillez bien à ne rien oublier car le retour à la chambre pour récupérer un oubli est, bien sûr, hors de question.

Vous en savez un peu plus. Qu'en pensez-vous ? N'avez-vous pas l'impression qu'on force un peu le truc ? Je crains qu'on n'arrive à une situation « lose/lose ». En gros, l'Australie ne sortira pas grandie de cet épisode aux yeux du reste de la planète. Quant aux joueurs, ils seront perçus comme des profiteurs et des propagateurs de virus aux yeux des Australiens. 

N'aurait-il pas été plus simple de laisser passer l'hiver de l'hémisphère nord, avec en parallèle une campagne de vaccination qui se met en branle doucement mais sûrement, pour ensuite rapatrier tout ce beau monde en Australie, où on peut imaginer que la paranoïa (légitime) serait alors sans doute retombée ?

J'espère avoir tort, mais je crains d'avoir raison.