Nick ou Kyrgios ?

17 mai 2019 à 09:28:00

A l'occasion du Masters 1000 de Rome, et suite à sa victoire sur Daniil Madvedev, Nick Kyrgios s'est livré en mode total au micro d'un pigiste du New York Times. Il a beaucoup parlé, peut-être beaucoup trop. Voici mon avis.

Comment ne pas parler de Nick Kyrgios? Impossible. Attention, on ne va pas parler de son énième pétage de plomb, hier à Rome, où il s'est disqualifié tout seul comme un grand, en jetant une chaise sur le court et en quittant de lui-même l'arène, alors que le score était de 2-1 dans le 3e set. J'aurais pu, mais non.

Je souhaite me concentrer sur le podcast diffusé sur le site « No challenges remaining  », où, pendant 45 minutes, l'Australien s'est livré comme rarement un joueur l'a fait au micro d'un journaliste (journaliste qui, au passage, parle beaucoup, beaucoup, beaucoup trop!!!! J'en ai encore les oreilles qui saignent). 

Mon Dieu, que ça fait du bien  ! Enfin quelqu'un qui dit ce qu'il pense  !

Mais non  ! NON  ! NON  ! NON  ! Et NON  ! Ce n'est pas bien de dire ce que l'on pense. Imaginez-vous un instant dans un monde sans filtres, un monde dans lequel on dirait à voix haute tout ce qui nous passe par la tête. Ça serait du grand n'importe quoi. 
Toi, je te trouve pénible alors je te le dis. Toi, tu pues d'la gueule, pas de problème, je te le dis. Toi, je te trouve belle, je te le dis. En revanche, toi, je te trouve moche, mais ne te fais pas de soucis, je te le dis aussi. Toi ma fille, je te préfère à mon autre fille...

Il y a deux Nick Kyrgios

C'est chaud quand même ! Ou pire encore, imaginez un monde où les politiciens se lâcheraient en permanence. Les relations diplomatiques, je ne vous en parle même pas. Bref, ça serait le chaos. Donc le «  Ça fait du bien d'entendre enfin quelqu'un dire tout haut ce que les autres pensent tout bas  » me gave  !

Je suis donc d'emblée contre ce type d'intervention. Mais je ne peux pas empêcher qui que ce soit de dire ce qu'il veut. Alors revenons à notre mouton (australien en l'occurrence).   

Il y a deux Nick Kyrgios. Celui du court et celui hors court.

Le Nick Kyrgios sur le court, raquette en main, est pour moi un génie. Non, ce n'est pas trop. Ce qu'a réussi à faire dernièrement «  Kygs  » avec le service à la cuillère est rare. Il fait désormais partie de ces joueurs qui auront inventé un coup dans ce sport (Yannick, si tu me lis !).  «  Opeula  !  »  Je vous entends déjà  : «  N'importe quoi, celui-là! Il n'y connaît vraiment rien, c'est Michael Chang qui a inventé le service à la cuillère  ». C'est vrai. Mais lui lorsqu'il le fait, il est cramé et, en gros, n'a pas d'autre choix. Kyrgios, lui, sait très bien que ses adversaires craignent son service surpuissant. Du coup, quand ils sont plantés 8 km derrière leur ligne de fond, pourquoi ne pas leur coller ce qui, en gros, est une amortie à l'engagement ?

C'est compliqué à jouer, au même titre que l'amortie, parce que cela nécessite un déplacement rapide et parce que c'est un coup sans rythme. Le petit  «  plus  »  est que ce coup fait sprinter l'adversaire, mais surtout le fait gamberger pendant les points qui suivent. Alors quand c'est fait, comme face à Daniil Medvedev, au premier point du match, c'est encore plus fou. Ce que j'adore également, c'est qu'après avoir loupé un service à la cuillère en guise de 1ère balle, Kyrgios est capable d'enchaîner avec un ace à 223 km/h sur la 2e ! 

Je gagne et je fais la gueule

En plus de cet aspect, le type possède des doigts de fée. Il est capable d'apporter une qualité de toucher de balle rarement vue sur un court de tennis, que ce soit au filet, du fond, en tweener, au service... Bref, il sait tout faire  et bien ! Et en plus, il fait le spectacle. Si, au fil de sa carrière, il arrive à terminer la majorité de ses matches, s'il ne craque que de temps à autre en jetant du mobilier en l'air, alors les gens continueront à ne pas hésiter à payer pour le voir à l'ouvrage. Et c'est loin d'être le cas de beaucoup d'autres joueurs.

Cela étant dit, il y a aussi le Nick Kyrgios d'en dehors du court. Celui-là, je l'aime beaucoup, mais alors beaucoup moins. Tout d'abord, je le trouve sentencieux. Qui est-il pour poser des jugements moraux sur l'attitude des uns et des autres (qu'elle soit bonne ou mauvaise d'ailleurs, ça ne change rien) ? Quand bien même il serait irréprochable, il n'aurait rien à dire. Mais en plus, il est tout sauf irréprochable. Je me souviens de Nick lorsqu'il avait disputé l'Open 13 Provence. C'était en 2016. Cette année-là, il remporte le tournoi. Le tout premier titre de sa carrière. Ça devrait déclencher un sourire, au moins. Ben non. Le gars était en mode Basilashvili  : je gagne et je fais la gueule. Alors non seulement il ne disait bonjour à personne - exactement comme il le reproche à d'autres -, mais en plus, il avait atteint un degré de désagréabilité  allant bien au-delà de la mauvaise éducation. Pas un sourire, pas un merci, pas un au revoir, pas plus de trois mots par phrase en conférence de presse. Bref, aucun effort. Alors concernant les leçons de vie, même s'agissant de Verdasco (et Dieu sait que je ne le tiens pas haut dans mon cœur), excuse moi mais tu repasseras, Nick.

Après, je ne suis également pas fan du tout de son côté «  Je ne m'entraîne pas et je gagne quand même  ». Pour commencer, j'estime que c'est de la chance. Pour être un athlète de haut niveau dans la durée, il faut une certaine hygiène de vie. Tous les professionnels du monde médical et paramédical vous diront que ceux qui se blessent « à répétition » sont souvent ceux qui font n'importe quoi. Donc, s'il continue à s'amuser à se «  fracasser la gueule  » et à jouer un match de tennis professionnel le lendemain, il y a forcément un moment où ça va coincer.

Et pour terminer, je veux revenir sur un aspect qui revient souvent dans son discours  : « Je n'aime pas la vie du joueur de tennis, je préfère être chez moi sur mon canapé à jouer à la console ou au basket dans mon jardin  ». Cette phrase-là a le don de m'agacer tout particulièrement. Comme je le disais plus haut, j'adore voir jouer Nick Kyrgios et je serais ravi de continuer à l'admirer sur un court de tennis pendant de longues années. Par contre, s'il n'est pas content et que sa vie ne lui plaît pas, alors mon pote, j'ai envie de te dire  : «  Rentre chez toi  ». Il y en avait d'autres avant toi et il y en aura encore plus après. Si tu n'es pas capable de te rendre compte de la chance que tu as, si tu n'as pas la lucidité de réaliser à quel point tu es un privilégié de la vie, alors j'ai tout simplement envie de te dire  : « G'day Nick  ».

 

Voici le lien vers le podcast en question. Ecoutez le et faite en votre propre opinion.

 

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