Le Masters 1000 de Madrid pourrait avoir lieu en septembre (Gerard Tsobanian)

6 avr. 2020 à 10:27:00

Gérard Tsobanian, collaborateur de Ion Tiriac depuis toujours, est le directeur général du tournoi de Madrid, au même titre que ceux de Genève et Budapest. Il est également agent de joueur. Il s'occupe aujourd'hui de Lucas Pouille, mais avant cela, il a représenté Ivanisevic, Safin, Safina… Le Masters 1000 de Madrid est pour l'instant reporté à septembre. Aura-t-il vraiment lieu  ? Y aura-t-il une saison tout court  ? Gérard Tsobanian répond sans langue de bois.

As-tu été surpris par l'annonce de l'annulation de Wimbledon?
Je n'était pas du tout surpris, je m'y attendais. Il faut être réaliste et vivre la situation avec les yeux ouverts. C'est fini le temps des rêves.

N'y avait-il pas une petite partie en toi qui espérait secrètement que le tournoi ait bien lieu  ?
On espérait tous qu'il ait lieu, qu'il y ait un miracle. Mais on n'est qu'au début de la vague en Angleterre. Ils ont fait une projection très réaliste de ce que va être la situation dans peu de temps et ils ne pouvaient pas imaginer commencer à monter un tel événement, avec tout ce qu'il y a construire, à organiser. Ce n'était juste pas possible.

Toi, tu as vécu cette situation en tant que directeur de tournoi. Tu peux nous raconter comment ça c'est passé ?
L'ATP et la WTA nous ont appelés. Ils nous ont demandé si on était sur la même longueur d'onde qu'eux par rapport à la situation et à ce qui commençait à se passer. On a ensuite évoqué les annulations des tournois du printemps, avant bien sûr que les communiqués ne sortent. Mais tu sais, on ne vit pas avec des oeillères. Même avant qu'Indian Wells ne soit annulé, on voyait bien que ça prenait de l'ampleur, surtout en Europe, et que ça ne pouvait pas bien se passer.

Le vaccin va nous permettre de reprendre rapidement.

Mais au vu de tes différentes interviews, j'ai l'impression que tu préfères parler de report et pas d'annulation...
Oui, car comme tu dis, on a toujours l'espoir de pouvoir récupérer une date. En tant que promoteur d'événement, on ne souhaite qu'une chose, c'est que celui-ci ait lieu. C'est la raison d'être de notre métier. On travaille toute l'année sur la préparation du tournoi. J'ai avec moi 40 personnes à plein temps qui ont pour but de donner du plaisir aux gens, qu'il s'agisse des spectateurs ou des participants. Forcément, on espère toujours que le produit soit mis en valeur. Donc oui, j'espère que peut-être en septembre, si d'ici là la pandémie a pu être stoppée ou suffisamment freinée, le tournoi pourra avoir lieu.

Donc si je comprends bien, tu attends le vaccin, car lui seul pourrait laisser entrevoir une issue positive pour ton tournoi  ?
Oui sans doute, car si on attend que les vagues d'infection arrivent à leur pic et ensuite redescendent, ça ne va pas le faire. Maintenant, ce sont les Etats-Unis, après ça va être l'Amérique du Sud. Puis on parle même d'une deuxième vague en Asie. Donc oui, pour moi, c'est le vaccin qui va nous permettre de reprendre rapidement.

Et quel est ton avis sur le huis clos  ?
C'est un débat. Durant un tournoi de tennis, les joueurs veulent partager avec le public. Ils veulent ressentir les émotions, les encouragements, les applaudissements. C'est donc tout un ensemble. Tout le monde se réunit et c'est ça qui donne l'atmosphère spéciale d'un tournoi. Jouer devant des gradins vides, c'est finalement aseptiser l'ambiance. C'est retirer un ingrédient primordial qui donne tout son charme à ces événements.

On travaille pour « ouvrir la boutique » pendant 10 jours.

N'est-il pas temps de raisonner autrement  ?
Peut-être, mais ça nécessitera un changement radical de la manière dont il faut monter les événements, de la façon dont les athlètes doivent les aborder. Mais effectivement, cela nécessite peut-être une analyse.

Mais actuellement, toi et ton équipe vous préparez le Masters 1000 de Madrid pour septembre  ?
Oui. Ce n'est pas facile tous les jours. Il faut motiver les troupes comme on dit. Il y a des moments plus difficiles et d'autres plus positifs. Il faut vraiment être à l'écoute, être très présent et attentif, car parfois, il faut remonter le moral, donner de l'espérance. Comme je disais, tout le monde travaille pour  «  ouvrir la boutique  » pendant 10 jours. Si au bout d'un moment, on sent que finalement la boutique ne va jamais ouvrir, alors ça donne un sacré coup au moral.

Et quels types de signaux reçois-tu de la part de tes partenaires  ?
Les partenaires n'ont qu'une idée en tête  : que l'événement ait lieu. Qu'ils puissent en profiter avec leurs invités. Beaucoup de nos partenaires sont fidèles depuis des années et ils voudraient revivre ce qu'ils ont vécu lors des éditions passées. Je dois dire que leur attitude est très positive, pleine de soutien, malgré la déception. Si le tournoi a lieu en septembre, ils seront évidemment là. Et si ça doit être annulé, alors ils attendront 2021, mais ils resteront à nos côtés. 

Quelle est la deadline  pour savoir si, oui ou non, le tournoi aura bien lieu en septembre  ?
Il faudra être fixé début juillet, dernier délai.

De plus en plus de gens, dont tu fais partie, évoquent la possibilité d'une année blanche. Penses-tu que c'est ce qui nous pend au nez  ?
Sauver les meubles n'a pas nécessairement du sens. Parfois, il faut avoir le courage de prendre des décisions impopulaires, comme décider d'annuler 2020. Puis on reprend les mêmes et on recommence en janvier 2021.

Les jeunes joueurs qui seront les plus en mesure d'entrer à nouveau dans la compétition rapidement.

Mais pourquoi pas sauver les meubles  ?
Pour quel résultat  ?

Donner du plaisir par exemple.
Mais le plaisir doit être accompagné d'un résultat. Les joueurs doivent sentir qu'ils jouent pour quelque chose. Pas seulement pour de l'argent, mais aussi pour un classement. Si c'est juste pour remonter le moral, alors oui pourquoi pas, mais si l'on parle d'un circuit professionnel, alors il faut voir ça différemment. Et enfin, si on veut pouvoir dire qu'en 2020, il y a eu une saison, alors il faut donner une date butoir, au-delà de laquelle, cela n'aura plus de sens.

Et quelle est cette date butoir pour toi  ?
Juin ou juillet, car ça correspond à la moitié de l'année. Il ne faut pas oublier qu'il y a eu les tournois en début d'année, on pourrait donc alors avoir 7,  8 ou 9 mois de tennis. Et là, oui, ça veut dire quelque chose. 

Penses-tu que les cartes peuvent-être redistribuées par rapport à la hiérarchie du tennis  ?
Dans un premier temps, j'entendais dire que la situation allait profiter à Roger Federer, car il s'était fait opérer et que, du coup, il aurait le temps de récupérer. Mais maintenant, quand je vois qu'au fil des semaines, de plus en plus de tournois sont annulés, des tournois où lui avait en tête de performer, je pense qu'il est de plus en plus pénalisé par la situation par rapport aux plus jeune. Si tout est repoussé d'un an, alors c'est certain que pour Federer, ça va commencer à se compliquer. Que ce soit lui ou les joueurs de sa génération, ils sentent de plus en plus le temps passer, ils sont plus dans l'urgence de devoir jouer que les jeunes. Si on se base là-dessus, oui, ça va redistribuer les cartes. Et je pense que ce sont les jeunes joueurs qui seront les plus en mesure d'entrer à nouveau dans la compétition rapidement et surtout d'enchaîner.

En parlant d'enchaînement, dans le cas où ton tournoi ait bien lieu, il sera en sandwich entre l'US Open et Roland-Garros. Cet enchaînement est-il physiquement possible  ?
Tous les joueurs ne vont pas en finale. Mais il est certain que les meilleurs iront loin à New York, à Madrid et à Roland-Garros. Donc oui, il y a un risque que certains d'entre eux sacrifient le Masters 1000 de Madrid, de manière à être le plus compétitif possible sur les deux Grands Chelems. C'est pour cela que je parle d'annuler la saison. Car le vainqueur d'un tournoi aura-t-il vraiment gagné car il était plus fort que les autres ? Ou aura-t-il gagné parce que les autres n'étaient juste pas là  ?

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