Veronica Osogo initie les jeunes Kenyans au tennis
Ici, personne n’avait jamais vu de court de tennis : Kibera n’en a théoriquement ni la place ni les moyens. Aux portes de Nairobi, ce sont plus d’un million de personnes qui s’entassent sur les trois kilomètres carrés du plus grand bidonville du Kenya et d’Afrique de l’Ouest. L’accès à l’eau potable y est difficile, celui aux denrées alimentaires de base aussi. En 2006, c’est avec un sentiment de révolte chevillé au corps que Veronica Osogo, venue initier au tennis les enfants du coin, découvrait Kibera : « C’était vraiment difficile à voir, écrira-t-elle dix ans plus tard dans un témoignage publié sur le site d’Amy Poehler’s Smart Girls, l’organisation de l’actrice Amy Poehler, qui aide les plus jeunes à développer leurs talents. Ça ne ressemblait pas à un endroit où les gens devraient vivre, tout simplement. Les enfants tombaient malades parce qu’il n’y avait pas de système de drainage et qu’ils vivaient dans des baraquements insalubres. Mais j’ai apporté quelques raquettes et les gamins ont adoré… Quelques-uns étaient très doués, et j’ai vu que, pour eux, le tennis pouvait être plus qu’un simple jeu. »
Cette tenniswoman professionnelle, lauréate de plusieurs tournois de double au Kenya, au Burundi, en Tanzanie, au Soudan et en Éthiopie ne mettra que quelques mois à lancer sa fondation, Zion Zone. Les débuts sont minimalistes : une corde est utilisée en guise de filet sur des terrains sommaires, alors que Veronica doit aussi s’escrimer contre le scepticisme ambiant : « On avait quelques raquettes, quelques balles et pas grand-chose de plus, se remémorait la principale intéressée en 2021 dans une vidéo de la Segal Family Foundation, qui prône le pouvoir du local et du collectif. Personne ne pensait qu’on pouvait faire quelque chose de concret de tout cela. » Pas de quoi décourager cette diplômée en économie, qui part à la pêche aux mécènes en tous genres. « Je croyais en la puissance mobilisatrice du tennis, déroule-t-elle sur amysmartgirls.com. Ici, beaucoup de mômes jouent au foot, mais c’est un sport de groupe. Au tennis, vous pouvez voir chaque enfant tel qu’il est. » Au fil des ans, la détermination d’Osogo permettra à Zion Zone de gagner de nombreux soutiens matériels et financiers, de la fédération de tennis américaine au programme de développement Global Sports Mentoring. Aujourd’hui, ce sont plusieurs dizaines de joueurs et joueuses qui s’exercent sur les courts ocres loués par la fondation. En moyenne, une vingtaine d’entre eux a même l’opportunité de représenter chaque année le Kenya lors de tournois de tennis nationaux et internationaux. « La majorité des meilleurs joueurs kényans sont passés par notre structure », précise Veronica. Fin 2021, Zion Zone avait fait découvrir le tennis à plus de 5 000 enfants de Kibera et ses alentours. Si son projet aura incomparablement gagné en dimension, Veronica Osogo a de la suite dans les idées : « Certains gamins que nous avons formés n’avaient jamais fait de sport et sont pourtant devenus numéro un de la discipline au pays. Maintenant, nous rêverions d’avoir notre propre centre de tennis. Cela nous permettrait de toujours mieux servir le même objectif : montrer à ces enfants qu’une vie en dehors des bidonvilles est bel et bien possible. »