La santé mentale des enfants avec Steffi Graf
En août 1999, Steffi Graf a 30 ans, 22 titres du Grand Chelem et le couple qu’elle forme avec l’Américain Andre Agassi – très engagé lui-même dans l’éducation des enfants défavorisés aux États-Unis (voir année 1994) – considère que ce qui se joue hors des courts est plus important que le palmarès. La championne aux 377 semaines en tête du classement mondial (record seulement battu par Novak Djokovic en février dernier) s’est donc associée à Peter Riedesser, un psychologue pour enfants de l’université de Hambourg, pour créer sa propre fondation, Children for Tomorrow, dédiée aux enfants réfugiés, persécutés ou traumatisés par la guerre. « Rencontrer tous ces enfants et entendre leurs récits de vie boule versants m’a touchée si profondément que je me suis sentie obligée d’apporter mon aide, disait-elle en 2018 au Guardian. Nous sommes tous témoins des dévastations causées par la guerre. Mais nous ne voyons pas les blessures psychologiques causées par ces combats. Très souvent, les enfants ne peuvent pas articuler leur peine ni demander de l’aide. Beaucoup de gens pensent que le temps guérit tout. C’est faux, les souvenirs ne partent pas. Comme un enfant me l’a déjà dit : “J’ai l’impression d’être toujours en fuite.” »
La championne cite à l’occasion certaines études qui prouvent que la confrontation à un événement traumatique avant l’âge de 11 ans multiplie par trois les risques de stress post-traumatique. Une fois accueillis en Allemagne, ces enfants sont mis entre les mains d’une équipe de psychologues, de travailleurs sociaux, de docteurs et d’art-thérapeutes, avec qui ils peuvent dialoguer grâce à des interprètes et l’utilisation de la thérapie non verbale. « Ça leur permet d’exprimer leurs émotions à travers la musique et l’art, confiait Graf, toujours au Guardian. C’est difficile pour des enfants qui se retrouvent dans un nouveau pays, avec une autre culture et langue que la leur, de s’ouvrir et poser des mots sur ce qu’ils ressentent. La méthode non verbale aide le thérapeute à accéder à leurs plaies intérieures. »
Près de 1 200 enfants sont en moyenne traités à Hambourg chaque année, alors que la fon dation a ouvert au fil des ans des sortes d’antennes à l’étranger, et notamment en Érythrée (2006) et en Ouganda (2009). En 2022, plus de 20 000 réfugiés ukrainiens avaient été accueillis, dont la moitié étaient des enfants. Children for Tomorrow a alors montré son importance en les prenant en charge, après avoir formé ou recruté des thérapeutes supplémentaires. Dans le magazine français Paris Match, en 2015, la légende allemande se rappelait avec émotion une jeune femme de 16 ans qui avait fui son pays avec son cousin et son bébé après avoir perdu tous ses proches. « Profondément choquée, cette jeune fille a suivi une thérapie grâce à ma fondation, ajoutait-elle. Nous avons eu l’occasion de parler et elle a repris espoir grâce à sa prise en charge psychologique. À présent, elle aimerait devenir elle-même thérapeute parce qu’elle veut apporter du soutien aux réfugiés. »